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Que l’Etat réforme sa bureaucratie !

Publié le lundi 10 mars 2008 à 12h26min

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Tertius Zongo et Blaise Compaoré

L’administration d’État, tout en ayant son caractère spécifique, obéit à des principes généraux d’organisation que l’on trouve dans d’autres domaines : principe de centralisation, principe de hiérarchie, principe de spécialisation des compétences.

C’est à partir de ces principes que se développent des formes dégénérées ou sclérosées d’administration que l’on peut qualifier de bureaucratiques, où l’excès de centralisation retire toute initiative aux organes d’exécution, « où la hiérarchie contribue à l’obéissance passive et à l’absence de sens des responsabilités de ceux qui ne peuvent qu’obéir, où enfin l’hyper spécialisation enferme chaque agent dans son secteur compartimenté de compétence ». La réforme de l’État devrait donc comporter la réforme de son administration, c’est-à-dire de sa bureaucratie, puisqu’il est capital de Contrôler le Contrôle d’État.
Pour y parvenir, il serait nécessaire de combiner : centrisme et polycentrisme, polyvalence et spécialisation.

Primo : centrisme et polycentrisme des lieux de décision, voire laisser une part de responsabilité, au niveau des agents eux-mêmes, pour leur permettre de réagir dans des cas imprévus. Et secundo : polyvalence et spécialisation. Il s’agit, ici, d’introduire l’ »organizational learning « c’est-à-dire : dialoguer en équipe, encourager le développement des personnes, définir une vision partagée, pratiquer la pensée complexe. Objectif, « déscléroser » l’organisation en favorisant les aptitudes stratégiques, inventives, créatrices, en restaurant responsabilités et solidarités.

Restaurer de telles valeurs signifie que l’on prend en compte la société dans son ensemble -éducation, éthique. Et ce, d’autant plus que la gestion de la cité, à travers les schèmes du processus de démocratisation en cours au Burkina Faso, est une conquête de complexités sociales. Il ne suffit pas qu’il y ait de justes et bonnes institutions démocratiques permettant la participation des citoyens, il faut qu’il y ait une vitalité démocratique, que seul assure le civisme, c’est-à-dire la conscience de responsabilité et de solidarité avec la communauté. Si le civisme s’étiole, la démocratie s’étiole.Les réformes ne sont pas que des réformes institutionnelles. Elles nécessitent au préalable de penser autrement. C’est à la fois la réforme de l’État, la réforme des mentalités.

Les réformes de la société doivent s’entremêler. Voilà pourquoi, notre système d’éducation devrait être réformé car il est fondé sur la séparation des savoirs, des disciplines, des sciences ; en d’autres termes opérationnels : il y a séparation des connaissances sans lien actif avec la compétence, la compétence sans interaction avec la capacité et enfin, la capacité sans liaison systémique avec la performance ou le résultat. Pourtant, ils sont systémiques et indissociables. Par conséquent, le système éducatif produit, par moments, des esprits incapables de relier les connaissances, de reconnaître les problèmes globaux et fondamentaux, de relever les défis
de la complexité.

Réforme éthique, réforme de l’éducation, réforme sociale etc, sont interdépendantes. Elles doivent être conçues en boucles récursives, chacune étant produite/productrice de l’autre. Enfin, de même qu’on ne peut considérer la réforme de l’Etat en vase clos au sein d’une nation, on peut de moins en moins considérer les nations en vase clos. Et si le local dépend du global, le global dépend aussi du local. Dès lors, peut-on moderniser l’administration sans réfléchir aux préalables nécessaires pour mieux appréhender un monde complexe ? Edgar Morin en liant éducation, démocratie et éthique, élargit le champ traditionnel des analyses sur la bureaucratie. Une donne qui ouvre une préférence de parler, plus volontiers, de modernisation que de réforme parce que de nombreux changements dans les sociétés se sont produits, sans être le fruit d’une décision ou de la volonté des gouvernements.

Cette évolution n’est donc pas totalement liée aux réformes engagées dans le cadre de l’administration
de l’Etat. Si la nouvelle gestion publique a représenté un mouvement important de réformes, elle ne couvre pas l’ensemble des processus de modernisation. On voit cela, par exemple, à travers les demandes croissantes des citoyens à l’égard de l’administration, qui ont conduit à plus de transparence. Ou encore les réformes budgétaires qui ont conduit à adopter une approche stratégique du budget, c’est-à-dire de passer d’une conception traditionnelle qui définit les recettes et les dépenses publiques, à une vision moderne stratégique du budget, qui tient compte de la realpolitik économique nationale et internationale, moteur de la performance.

Ces deux éléments ne sont pas, stricto sensus, issus des principes de la nouvelle gestion publique. Il faut, bien également, prendre en compte le rôle de l’idéologie dans cette période. Surtout l’idée d’opposer État et marché, pour aller vers plus de marché et moins d’État (…). Toute analyse faite, elle relève, en fait, d’un principe idéologique démenti dans la réalité.

Par Ibrahiman SAKANDE
Ibra.sak@caramail.com

Sidwaya

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