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Situation du football national : Le sport-roi burkinabè en « mode mineure »

Publié le jeudi 6 mars 2008 à 11h16min

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A un trimestre du début des éliminatoires de la CAN et de la Coupe du monde 2010, les Etalons manquent d’entraîneur, de préparation et de repères. Avec la cruelle désillusion du CFO qui a abandonné la qualification qui lui tendait les bras au profit de l’AS-Douanes en Ligue africaine des champions, le football burkinabè présente les symptômes d’un grand malade. C’est donc peu de dire que Zambendé Théodore Sawadogo tient une « patate chaude » entre les mains.

En astrophysique, un trou noir est un objet massif doté d’un champ gravitationnel d’une intensité telle qu’elle empêche même la lumière de s’en échapper. En football, la définition du trou noir est plus simple et ressemble fortement à la situation que vit le sport-roi burkinabè. Loin de nous, l’idée de vouloir tirer sur l’ambulance.

Mais, à entendre le ministre des Sports, Jean-Pierre Palm qui veut programmer la qualification des Etalons à la Coupe du monde 2010, nous tombons des nues. La Coupe du monde, c’est du très haut niveau. La sagesse actuellement commanderait que le Burkina Faso travaille à renouer le fil de la qualification à la CAN rompu depuis 2004. Ce qui ne serait d’ailleurs pas chose aisée.
Après la débâcle de Dakar (5-1) en octobre 2007, rien n’a été fait pour rasserener le monde du sport- roi. A un trimestre du début des éliminatoires jumelées CAN-Coupe du monde 2010, les Etalons sont encore orphelins d’une tête pensante. A cela s’ajoute l’avènement de la nouvelle fédération de Zambendé Théodore Sawadogo.

Avons-nous les atouts pour nous qualifier ?

Visiblement, tout joue contre nous à l’approche des éliminatoires jumelées de la CAN et de la Coupe du monde 2010. Le pays des Hommes intègres pouvait ne pas avoir un entraîneur présentement sans que la situation ne choque personne. Ce manque pouvait être pallié si on avait de grands clubs comme l’Egypte (Al Ahly, Zamalek, Ismaïli), la Tunisie (Espérance, Etoile sportive du Sahel, Club africain), le Cameroun (Canon de Yaoundé, Union de Douala), la Côte d’Ivoire (ASEC) ou dans une moindre mesure, le Soudan (Al Hilal). Ces pays ont des clubs solides sur lesquels ils peuvent se baser pour asseoir une sélection forte. Au Burkina, nous n’avons pas encore de clubs de référence. Le dernier exemple en date est le CFO qui s’est totalement liquéfié au fil de son match de coupe d’Afrique des clubs champions face à l’AS-Douanes. Les conséquences immédiates de ce fiasco sont encore insondables. Mais nos gorges sont jusqu’à présent nouées par l’émotion.
Au niveau du potentiel humain, nous connaissons le niveau de nos joueurs dans le championnat national et la valeur d’ensemble de celui-ci.

En terme de joueurs expatriés, nous n’avons pas de Drogba, ni de Abou Trika a fortiori d’Eto’o. Exemple encore. Les noms des clubs où jouent certains « Eléphants » donnent la mesure de la force et de la maturité de la Côte d’Ivoire, qui possède là sans doute l’une des meilleures équipes du continent : Arsenal (Emmanuel Eboué, Kolo Touré), FC Barcelone (Yaya Touré), Chelsea (Didier Drogba, Salomon Kalou), Werder Brême (Boubacar Sanogo), Lyon (Kader Keïta), Tottenham (Didier Zokora)…
Pour fédérer cet effectif très fort, la Côte d’Ivoire a un leader charismatique : Didier Drogba. Au Burkina, nous avons des professionnels qui sont en « chômage technique » parce que ne jouant pas au très haut niveau européen. Ils sont pour la plupart en Ligue 2, en National ou en CFA.

Et là même, plusieurs rongent leur short sur le banc.
Si nous étions dans le cas de la Côte d’Ivoire, du Nigeria ou du Cameroun, à la faveur des convocations, on pouvait rassembler une équipe formée de joueurs de haut niveau et l’osmose pouvait se faire même si l’entraîneur arrivait à un mois des échéances. Et on allait être confiant. On n’a pas tous ces atouts. Le Burkina Faso pourrait se baser sur quoi pour arracher le jackpot. La bonne volonté ?

Cette grande volonté devrait se manifester par la mobilisation d’un grand public qui puisse pousser l’équipe à la victoire. Le football étant un accélérateur d’émotions. Or c’est le contraire chez nous. Le public pèse négativement sur son équipe. Au mois de juin 2007, il n’a pas hésité à offrir un standing-ovation à la Tanzanie alors que les Etalons avaient besoin de son soutien dans ce match. Le CFO l’a également payé cher face à l’AS-Douanes pour connaître cet état versatile du public à domicile.

Avec ces différents aspects, il y a lieu de se poser des questions et être inquiet car le haut niveau a ses exigences. Au Burkina Faso, on n’a pas encore fini de chanter le manque de moyens. En un trimestre donc, quelle équipe le football burkinabè dans son ensemble pourrait-on mettre en place pour aller chercher une qualification au mondial ? Ne nous voilons pas la face, le chantier est plus compliqué aujourd’hui qu’il y a un ou deux ans. Un autre gros danger qui guette notre football est que nous avons pris pour habitude de nous mettre dans l’urgence. L’élimination des Etalons ayant été consommée à Dakar en octobre 2007, rien n’a été fait pour nous éviter de sombrer encore dans l’urgence. Or on le sait, les situations d’urgences créent forcément des pressions négatives.

La pression, c’est vrai, est nécessaire pour évoluer au haut niveau mais il faut qu’elle soit positive. On a quitté Dakar sur un constat d’échec. On a dit qu’il y avait des lueurs d’espoir. Mais quand on prend un carton (5-1), on ne peut pas se baser sur un tel résultat pour répartir. On va prétexter qu’on n’avait pas d’équipe fédérale mais le Burkina aura perdu une chance « folle » de remettre sa machine footballistique en marche. Les équipes qualifiées à la CAN 2008 ont utilisé les dates FIFA pour se préparer. C’était l’occasion de trouver des matchs amicaux. L’absence de fédération couplée au manque d’entraîneur ont fait que les dates FIFA n’ont pas été exploitées. Pire, des équipes qualifiées à la CAN 2008 comme le Cameroun, le Sénégal et le Bénin sont venues s’exercer au Burkina Faso sans que cela ne profite à notre équipe nationale. Pour préparer les éliminatoires, il aurait fallu un entraîneur et des matchs de préparation. Des choses qui auraient pu être réglées
en son temps.

Quel est le salut pour notre football ?

A entendre Jean-Pierre Palm évoquer la qualification des Etalons à la Coupe du monde 2010, l’idée paraît saugrenue. Il ne faut pas brûler les étapes. Nous sommes entrain de prendre pour habitude de ne plus participer aux phases finales des CAN et on se prend à se fixer un objectif de mondialiste. C’est irréaliste et même dangereux car c’est préfabriquer une situation de crise à l’avenir si cette qualification ne vient pas. En d’autres termes, c’est mettre des mines sous nos propres pieds. Pour relancer sa mécanique de qualification aux CAN, le Burkina peut s’appuyer sur ses juniors qui ont participé au championnat d’Afrique des moins de 19 ans au Congo en janvier 2007. Le Ghana l’a fait avec sa génération de 2001 (Essien, Muntari, Paintsil…), l’Egypte et la Côte d’Ivoire l’ont expérimenté aussi avec la génération de 2003 de même que l’Angola (génération 2001) et ça marche. Pourquoi
pas nous ?

Si on fait le constat, la promotion actuelle des Etalons seniors est une génération habituée à la défaite avec l’abonnement aux non qualifications aux CAN (2006 et 2008). On pourrait booster cette équipe en injectant une bonne dose de juniors, cuvée 2007. Même qu’on aurait pu déjà accompagner cette équipe et l’aider à s’améliorer et à se bonifier en l’envoyant au charbon lors du match de Dakar qui comptait déjà pour du beurre pour les Etalons. Si le Burkina veut à nouveau humer le doux parfum de la CAN, il va falloir rompre aussi avec l’engagement des entraîneurs européens moyens qui n’apportent pas grand chose à notre football. Mais le grand salut résidera dans la mise en place d’une direction technique nationale forte et par la volonté de la FBF de l’épauler afin de lui permettre de poser les jalons d’un football futuriste. Pour l’instant, le constat se dégage que le football burkinabè ne va pas bien… ne va plus bien !

Béranger ILBOUDO

Sidwaya

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