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Constitutionnalisme au Burkina : Ecart abyssal entre les textes et la pratique

Publié le lundi 3 mars 2008 à 11h08min

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Le 28 février dernier, sous l’égide du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), le Pr Augustin Loada et le Dr Luc Marius Ibriga, tous deux constitutionnalistes et enseignants à l’Université de Ouagadougou ont livré des communications sur l’état du constitutionnalisme en Afrique.

Ils se sont inspirés des cas béninois, sénégalais et burkinabè. Au constat général, la garantie de la suprématie et de l’inviolabilité de la constitution (loi fondamentale), qu’est censé assurer le constitutionnalisme, est une pure vue de l’esprit. Rien de plus.

« Diagnostic du constitutionnalisme au Burkina Faso ». C’est sur ce thème que le Dr Luc Marius Ibriga a axé sa réflexion. Il assigne un rôle fondamental au constitutionnalisme : celui de limiter le pouvoir et d’étendre les libertés des citoyens. En Afrique, précise-t-il, pendant longtemps cette limitation a été mise sous le boisseau. Les années 1990 consacrent la renaissance du mouvement avec de belles formules et de beaux engagements consécutifs au discours de la Baule. Mais le Dr Luc Marius Ibriga remarque un hiatus entre le texte de la constitution et la pratique. Cet écart se manifeste à travers deux maux.

La faiblesse du point de vue de la méconnaissance de la constitution et le manque de crédibilité de la justice constitutionnelle. La méconnaissance se traduit par la faible appropriation de la constitution. Elle reste l’affaire des juristes ou des politiciens. Rédigée en français, la loi fondamentale reste peu accessible à la majorité des citoyens. Pour Luc Marius Ibriga, « La révision de la constitution du 02 juin 1991 n’a pas fait l’objet d’un consensus mais d’une élite politique qui peut manipuler la constitution pour conserver le pouvoir. Cette stratégie contribue à délégitimer la gouvernance et à encourager l’opposition hors système.

La population ne participe plus aux élections car elle a le sentiment que les dés sont pipés à l’avance. » Concernant la justice constitutionnelle, le constitutionnaliste estime qu’elle est peu crédible et qu’elle présente des faiblesses au plan institutionnel. Il en veut pour preuves le fait que ces membres soient nommés par la majorité en place. Il trouve aussi que la saisine du Conseil Constitutionnel ignore totalement le peuple. En effet, cette institution, ne peut être saisie que par le Président du Faso, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée Nationale et 1/5 des députés. Dans un système avec un parti ultra dominant, cela revient pratiquement à limiter la saisine au parti majoritaire.

Luc Marius Ibriga pointe également du doigt l’impartialité du Conseil constitutionnel. Une impartialité constatée selon lui, lors des dernières élections présidentielles sur la possibilité ou non pour Blaise Compaoré de se présenter après 02 septennats. Le communicateur estime que le contrôle de constitutionnalité doit être effectif dans un Etat de droit. A cette fin, il trouve qu’il faut réviser la constitution pour accroître la crédibilité du conseil constitutionnel et élargir le contrôle de constitutionnalité. Puis le modérateur du jour Me Halidou Ouédraogo passe la parole au Directeur Exécutif du CGD : le Pr Augustin Loada.
Vers un nouvel élan ?

Se basant sur les entorses quotidiennes faites au constitutionnalisme en Afrique, le Pr annonce alors un projet de recherche action qui permettra de comprendre comment les révisions constitutionnelles sont opérées en Afrique. Cette étude sera conduite par le CGD, avec l’appui d’OSIWA (Open Society in West Afia), une fondation basée à Dakar. L’objectif général du projet est de contribuer à l’enracinement du constitutionnalisme dans les pays de la sous-région ouest africaine. Il s’agira d’abord de comprendre les tenants et aboutissants de l’instabilité constitutionnelle pour esquisser des pistes de solutions.

Un projet d’autant plus intéressant que le constitutionnalisme n’a pas produit les résultats escomptés en termes de démocratie, de bonne gouvernance, de respect de sauvegarde des droits fondamentaux ... Le plus souvent, les Constitutions africaines demeurent simplement des « feuilles de vigne » selon la formule d’ Yves André-Fauré. Elles consacrent le Président en détenteur-viager (exclusif) du pouvoir. Celui-ci a donc la latitude pour s’ériger en « monarque républicain ». Reste maintenant à voir l’application concrète des recommandations qui seront issues de cette étude.

Arsène Flavien Bationo (bationoflavien@yahoo.fr)
lefaso.net

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