LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Vie chère : devoir de communication

Publié le vendredi 29 février 2008 à 11h12min

PARTAGER :                          

En annonçant le 27 février une suspension de trois mois des droits de douane sur les produits de grande consommation importés, notamment le riz, le lait, les pâtes alimentaires et le sel, et en entamant des discussions avec les industriels nationaux dans le même but de résorber la flambée des prix, le gouvernement burkinabè donne enfin le sentiment d’être à l’écoute de la population confrontée depuis des mois à la vie chère.

A défaut d’enrayer dans l’immédiat cette brutale inflation constatée depuis janvier, ces mesures peuvent, symboliquement au moins, contribuer à faire baisser la température sociale, particulièrement élevée cette semaine à Bobo-Dioulasso, à Banfora, à Ouahigouya et dans la capitale, Ouagadougou.

Des mesures que l’on pourrait saluer, mais qui brouillent le message du gouvernement, déjà illisible, dans la gestion de cette crise sociale. Manifestement surpris par la violence des manifestations, le gouvernement et le parti qui le soutient, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ont refusé d’assumer la responsabilité de l’augmentation disproportionnée des prix, l’imputant aux commerçants véreux qui, sans vergogne, vident les poches des braves citoyens burkinabè. « Le gouvernement n’a jamais nié la réalité de la hausse des prix dont souffre la population, mais il est étranger à cette situation d’autant plus qu’aucune augmentation des taxes et des droits de douane n’a été décidée », clame le ministre du Travail et de la sécurité sociale, Jérôme Bougma. « Il n’y a aucun lien entre les mesures prises par le gouvernement et l’augmentation des prix des marchandises », renchérit son collègue en charge du Commerce, Mamadou Sanou. Plus explicite, le CDP voit dans « la flambée anarchique des prix observée sur nos marchés ces derniers temps une tactique du voleur qui crie au voleur, dans le cadre de prise en otage de l’Etat par des milieux mafieux et de concurrence déloyale ».

En clair, ceux qui manifestent s’opposent en réalité à la volonté de l’état de « mieux travailler là où il travaillait moins bien », c’est à dire le recouvrement intégral par les services des impôts de la TVA sur les marchandises importées. Il s’agit donc de normaliser une situation anormale dans laquelle la fraude était devenue la règle, mais tolérée pendant des années par le précédent gouvernement.

Pourquoi alors avoir pris des mesures fiscales évaluées à 6 milliards de F CFA de pertes pour l’Etat, sachant qu’elles vont d’abord et surtout profiter au « voleur » que l’on dénonce par ailleurs ? Dans un pays de savane où le citoyen constate impuissant, des connexions suspectes entre la classe politique et le monde des affaires, n’est-il pas fondé à croire que ces cadeaux fiscaux ressemblent à une capitulation face à ces « milieux mafieux ? » .Si la hausse des prix n’est pas liée à une augmentation des impôts, par quel effet mécanique la « suspension de trois mois des droits de douane » peut-elle stopper l’inflation si ce n’est renflouer en peu plus les caisses de ceux qui profitaient déjà de la fraude fiscale ?

On pourrait par ailleurs s’interroger sur la lenteur avec laquelle le gouvernement a réagi face aux angoisses des Burkinabè. Sans faire l’apologie de la violence, on est tenté de remercier les manifestants d’avoir réussi en quelques jours là où les syndicalistes et les démocrates ont échoué : obtenir du gouvernement des explications sur la flambée des prix. Et inconsciemment ou non, le pouvoir vient de légitimer la violence comme mode de revendication politique, comme il l’avait déjà fait pour les militaires retraités, au détriment d’un mode pacifique de règlement des conflits ; ce dont notre jeune démocratie a besoin.
Pourquoi le CDP, cette grosse machine à broyer impitoyablement les adversaires en période électorale se révèle t-il incapable de mobiliser ses troupes pour expliquer et défendre la politique du gouvernement en temps normal ?

Par négligence ou par arrogance, le pouvoir en place semble avoir oublié que sa légitimation par les urnes implique un devoir permanent d’explication et de communication sur ses choix politiques et économiques. Reste à savoir si le premier ministre Tertius Zongo, qui affronte sa première crise sociale de grande ampleur depuis sa nomination en juin dernier et le parti majoritaire, regardent dans la même direction…

Joachim Vokouma,
Lefaso.net

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique