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Manifestations contre la vie chère : Mélange de genres

Publié le jeudi 28 février 2008 à 11h29min

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Les leaders des mouvements de contestations doivent intégrer dans leurs stratégies d’action le caractère particulièrement volatile de la situation socio-économique actuelle et les germes de violences qu’elle porte. A défaut de pouvoir assurer une sécurité réelle et de pouvoir éviter tout débordement violent ils devraient s’abstenir d’appeler à des manifestations de rue.

Ce ne serait pas faire preuve de couardise ou s’autocensurer mais agir en responsables soucieux de préserver l’essentiel et de ne pas contribuer à compliquer davantage l’équation pour les populations. Ce pays n’est pas à mettre à feu et à sang pour en récolter d’éventuelles retombées politiques.

Le mercredi dernier, si le Burkina Faso n’a connu ni la révolution mille fois rêvée par certains, ni le chaos attendu par d’autres, le tout sur fond de « vie chère » qui devait achever d’abattre le « régime de Blaise COMPAORE » ou à tout le moins sonner l’hallahi de ce régime qu’ils qualifient sans nuance de corrompu, et d’être dirigé par des incompétents et des inconscients, il a néanmoins connu une journée qu’on n’oubliera pas de si tôt.

En effet, une fois encore la rue s’est faite entendre et voir laissant derrière elle un paysage de désolation, tandis que prenant sa suite, politiciens, analystes et observateurs s’en donnent à cœur joie au point de vouloir nous faire avaler des couleuvres et prendre des vessies pour des lanternes dans un mélange de genres hallucinant. Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans l’un et l’autre cas ça commence à en faire un peu trop tant avec les actes de vandalisme gratuit et de destruction qu’avec ces commentaires qui vont dans tous les sens et qui in fine les alimentent en accréditant les justificatifs auxquels leurs auteurs eux-mêmes n’osent pas réellement croire parce qu’ils se savent de vulgaires délinquants, bons à subir le courroux de la loi et de la morale.

Qu’une formation politique se laisse aller à des dérives dans l’analyse jusqu’à cautionner la violence et justifier les saccages de biens publics et privés relève d’un non-sens qui ne peut trouver sa raison que dans le renoncement aux principes de base de la démocratie si ce n’est de la vie en commun tout court. Que dire alors de ces intellectuels, qui, se laissant déborder par leurs ressentiments embouchent la même trompette, surtout que même le citoyen lambda s’en démarque fermement. C’est dans ce dernier aspect de la situation que réside par ailleurs l’espoir d’éviter la gangrène que certains appellent de tous leurs vœux. Par ce qu’il se fonde sur le simple bon sens que les réalités permettront de consolider. En effet, s’il est un fait que nul ne saurait contester, à moins de vouloir se ridiculiser, c’est que l’économie mondiale traverse une zone de fortes turbulences qui aspire tous les prix vers le haut remettant en cause toutes les projections de croissance.

Le Burkina Faso n’y échappe pas. Pire, comme tous les pays pauvres il subit doublement cette situation d’autant que dans le même temps ses rares produits d’exportation voient leurs cours prendre l’ascenseur dans le sens inverse. La « vie chère » n’est donc pas une simple vue de l’esprit. C’est un fait qui s’impose de lui-même et contre lequel le pays a très peu de moyens d’actions puisqu’il ne participe pas à la détermination des grandes tendances de l’économie mondiale. Des pays autrement plus significatifs dans cette économie ne sont d’ailleurs pas mieux lotis, à l’image de la France qui en est à des opérations coup de poing pour tenter de maîtriser l’inflation inconsidérée de nombre de produits.

Pour sa part, le Burkina Faso n’est pas resté inactif puisqu’il a pris des mesures tant pour baisser la pression fiscale sur les opérateurs économiques et la mieux repartir entre les acteurs pour une concurrence saine, que pour contrôler la valse des prix. Ainsi, contrairement aux informations jusque-là largement répandues le pays ne connaît aucune taxe, ni aucun impôt supplémentaire, pas plus qu’aucune des charges existant n’a été majorée. Ce sont des faits constants et sans équivoque que le commun des mortels peut sur le coup ignorer ou négliger mais que des analystes ne sauraient passer entre pertes et profits pour se contenter de rumeurs. En plus, la loi de finances 2008 prévoit de nombreuses mesures visant à faciliter les activités économiques.

D’où vient-il alors que des partis politiques ou des analystes imputent au gouvernement l’inflation observée. Le lièvre gît assurément ailleurs. Mauvaise foi ou déficit d’information ? C’est selon même si on peut s’étonner de voir des personnes censées éclairer l’opinion se contenter de lieux communs et faire autant preuve de légèreté dans l’appréciation des faits. On aurait parfaitement compris leur argumentaire s’il accusait l’Etat de n’avoir pas été en mesure de prévoir les débordements et de les canaliser d’autant que de nombreux tracts prédisaient ouvertement qu’il allait « y avoir du sport ».

Le fait est d’autant curieux que tout récemment ce même Etat a su anticiper avec des mesures et des actions qui ont tué dans l’œuf des manifestations de colère prévisibles à la suite de l’assassinat par un Libanais d’un cambiste burkinabè il y a quelques mois. Faut-il croire en ceux qui affirment qu’il y a insouciance quelque part ? La question n’est pas inutile et devrait interpeller tous les protagonistes de cette triste affaire.

Il semble qu’on ait compris quelque part, puisque le gouvernement fait actuellement feu de tous bois, et avec esprit de suite semble-t-il, pour prévenir une éventuelle contagion à Ouagadougou. La leçon est rude, mais elle donne l’impression d’avoir été comprise. Il reste à aller jusqu’au bout de la logique en n’accordant aucune espèce de circonstance atténuante aux vandales pris sur les faits ou arrêtés avec des preuves irréfutables. La loi doit sévir dans toute sa rigueur et concerner jusqu’aux organisateurs des manifestations.

Dans le même sens des leçons à tirer, les leaders des mouvements de contestations doivent intégrer dans leurs stratégies d’action le caractère particulièrement volatile de la situation socio-économique actuelle et les germes de violences qu’elle porte. A défaut de pouvoir assurer une sécurité réelle et de pouvoir éviter tout débordement violent ils devraient s’abstenir d’appeler à des manifestations de rue. Ce ne serait pas faire preuve de couardise ou s’autocensurer mais agir en responsables soucieux de préserver l’essentiel et de ne pas contribuer à compliquer davantage l’équation pour les populations. Ce pays n’est pas à mettre à feu et à sang pour en récolter d’éventuelles retombées politiques.

Un tel acte de civisme devrait être bien compris par le gouvernement qui devrait pour sa part être plus actif et plus déterminant sur le terrain de la lutte contre « la vie chère ». Il faudra donc aller au-delà des déclarations d’intention pour obtenir des résultats concrets. C’est ainsi qu’il réduira à la portion congrue des populations les politiciens à la petite semaine qui appellent à la révolution, une révolution qui a déjà eu lieu dans ce pays et dont ils n’étaient que des spectateurs de seconde zone. Ils sont donc en retard d’une guerre et devraient relire leurs notes d’université avec plus d’intelligence.

Il ne sera pas aussi de trop pour certains analystes d’en tirer leçons pour ne pas se laisser déborder par leurs sentiments premiers et s’affranchir des règles de base du sacerdoce au service duquel ils se mettent. Les faits, d’abord les faits surtout lorsqu’ils sont disponibles, tout comme une bonne dose d’humilité qui leur permettrait d’éviter les condamnations sans reminescence, les jugements de valeur aussi sentencieux qu’injustes. Comparaison n’étant pas raison pourquoi a fortiori comparer ce qui ne se peut de toute évidence ?

Par Cheick AHMED
cheickahmed001@yahoo.fr

L’Opinion

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