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Thibaut Nana, initiateur de la marche du 28 février : « Nous renonçons parce qu’il y a des infiltrés »

Publié le lundi 25 février 2008 à 11h49min

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La marche contre la flambée des prix des produits de première nécessité prévue pour jeudi 28 février prochain n’aura pas lieu. L’initiateur, Thibaut Nana confie que des informations à lui parvenues font savoir que ladite marche sera infiltrée pour causer des casses. Par conséquent, en lieu et place de la marche, c’est une journée ville morte qui est programmée. Dans l’entretien accordé hier dimanche 24 février 2008, Thibaut Nana affiche toute sa détermination et affirme qu’il n’a pas peur.

Sidwaya (S.) : Qui sont les Jeunes patriotes révolutionnaires du Faso ?

Thibaut Nana (T.N.) : Je suis le fondateur et le président des Jeunes patriotes révolutionnaires du Faso et du RDP. Les Jeunes patriotes sont une frange de l’Association Thomas Sankara (ATS) qui entend lutter contre l’exploitation de l’homme par l’homme. Il s’agit de lutter pour la dignité et l’honneur du Burkina Faso.

S. : Votre marche contre la vie chère prévue pour le 28 février prochain est-elle toujours maintenue ?

T.N. : Notre marche est maintenue, mais à la dernière minute, nous avons appris que le ministre de l’Administration territoriale a fait passer un communiqué comme quoi les jeunes patriotes ne sont pas reconnus. C’est vraiment triste ! A l’heure actuelle, le pays vit dans une misère totale. Nous ne sommes pas sortis parce que nous sommes plus riches ou plus courageux que les autres, mais il y a une certaine vérité qu’il faut souvent dire. Et nous avons laissé souvent dire. Nous avons laissé un tant soit peu, croyant que les syndicats, la société civile, les chefs coutumiers, les musulmans, les chrétiens et l’opposition allaient agir face à la flambée des prix des produits de premières nécessités. Après plus de trois mois, les choses se dramatisent et personne n’a osé réagir.
C’est le peuple qui souffre actuellement, voilà pourquoi, en tant que Jeunes patriotes, nous avons décidé d’élever la voix. C’est pour interpeller les autorités à réfléchir afin d’éviter les désagréments parce qu’un peuple qui a faim ne peut que devenir fou.

S. : Mais le MATD ne reconnaît pas votre mouvements, d’où détenez-vous votre légitimité ?

T.N. : C’est un faux problème. Nous avons eu à organiser une manifestation de ce genre pour accompagner Blaise Compaoré quand il partait à Marcoussis (France) au début des problèmes en Côte d’Ivoire ! Ce sont les mêmes patriotes qui dirigeaient les opérations. Si aujourd’hui le ministre Sawadogo dit qu’il ne reconnaît pas Thibaut Nana et les Jeunes patriotes, c’est malheureux.

S. : Avez-vous un récépissé ? Depuis quand votre organisation a été créée ?

T.N. : A-t-on besoin de récépissé pour une histoire de patriotisme ? Si de nos jours le Burkina Faso allait en guerre contre un quelconque pays, aurait-on besoin de créer une association avec un récépissé pour défendre le pays ? Le patriotisme, la dignité ne s’achètent pas. Cela ne se demande pas. L’on naît avec. Il y a des gens aujourd’hui qui veulent mourir car leur vie n’a plus de sens, ils se lèvent du matin jusqu’au coucher du soleil sans rien avoir à manger. Le peuple est laissé-pour-compte. Cela frustre les populations. Il faudra que nos gouvernants fassent attention parce que ce qui se passe ailleurs, peut arriver ici.

S. : Avant d’envisager une marche contre la vie chère au Faso, avez-vous initié des cadres d’échanges avec le gouvernement afin de trouver des solutions ?

T.N. : J’ai été au Premier ministère où j’ai déposé une demande d’audience en tant que président d’un parti politique afin de rencontrer Tertius Zongo. Jusque là, je n’ai reçu aucune réponse ! Pourtant, je ne suis ni l’ennemi du Premier ministre, ni celui du président du Faso. Je peux aller les rencontrer pour les soutenir où leur souffler quelque chose qui ne vas pas dans le pays ! Ils ont refusé de me recevoir et voilà les conséquences.

S. : Ne croyez-vous pas qu’il est préférable de passer par le dialogue pour trouver des solutions durables à la flambée des prix ?

T.N. : Effectivement, dans mes déclarations, j’ai dit que nous sommes prêts à dialoguer et à renoncer à notre manifestation si le pouvoir nous rencontrait, avec les commerçants afin de trouver une solution adéquate à la situation.
Je suis ouvert et prêt à échanger avec qui veut sur cette question qui tient à cœur le peuple burkinabè.

S. : Que répond Thibaut Nana quand les gens le traitent d’anarchiste ?

T.N. : Il y a des gens qui disent que j’ai soutenu Blaise Compaoré à un moment donné, mais est-il un ennemi à Nana Thibaut ? Si le président du Faso trouve une solution à la flambée des prix des produits de première nécessité, même s’il est mon ennemi, je vais l’applaudir. Les gens n’ont rien à faire et passe leur temps à dire qu’ils ne savent pas de quel côté se situe Thibaut Nana.

S. : Mais vous êtes de quel côté ? De l’opposition ou du parti au pouvoir ?

T.N. : Je suis de l’opposition. Je ne suis pas du CDP. Je suis donc en train de faire mon travail d’opposant. J’ai attendu tout ce temps avant d’agir parce qu’il y a des gens qui savent mieux parler que Nana Thibaut. Il y a Me Bénéwendé, Hermann Yaméogo et Michel Tiendrébéogo. Ce sont des doyens. Chez nous, en pays mossi, on laisse les grands frères agir d’abord. S’ils ne le font pas, les petits frères passent à l’action. Et c’est ce que j’ai fait.

S. : Croyez-vous que les leaders de l’opposition et d’opinion ont démissionné face à la situation de la vie chère au Faso ?

T. N. : Ils ont démissionné ! Le constat est là : ce sont les jeunes patriotes qui ont eu le courage de prendre le devant des débats. Maintenant, chacun se lève pour parler, c’est honteux !

S. : Si on demandait à Thibaut Nana de faire des propositions de solutions à la vie chère au Faso, que diriez-vous ?

T. N. : j’ai adressé une lettre de doléances au Président du Faso et au Premier ministre. Nos doléances sont simples. Nous demandons seulement que la vie devienne moins chère et aimable pour les Burkinabè. Le régime doit consulter les commerçants pour savoir si ce sont les taxes douanières qui font qu’ils ont augmenté les prix des produits ou si c’est de façon malhonnête que ceux-ci font grimper les prix. Il y a aussi les taxes des communes qui augmentent les charges des petits commerçants. Ceux qui payaient les impôts à 45 000 ou 50 000 F CFA, paient de nos jours 150 000 à 200 000 F CFA.
Et pourtant, le pouvoir se désolidarise et ne reconnaît pas la situation. A qui la faute ? Si c’est la faute aux commerçants, que le pouvoir ait le courage de rétablir les anciens prix et de procéder au contrôle des prix. C’est cela aussi la bonne gouvernance.

S. : Au regard des dérapages et des casses qui ont émaillé les marches de Bobo-Dioulasso, Banfora et Ouahigouya, pensez-vous que la voie de la marche est la plus appropriée ?

T. N. : Notre manifestation à Ouagadougou sera pacifique. Ce n’est pas une action de va-t-en guerre. Nous ne sommes pas contre le pouvoir. Nous déplorons ce qui s’est passé à Bobo-Dioulasso. Nous demandons une journée de ville morte et de désobéissance civile.
Nous lançons un appel pour que tout Burkinabè digne de ce nom reste chez lui le jeudi 28 février 2008 pour exprimer son mécontentement face à la vie chère.

S. : Voulez-vous dire que vous renoncez à la marche ?

T. N. : Au regard de ce qui s’est passé à Bobo-Dioulasso, je souhaite que mes militants et les Ouagalais observent une journée ville morte le 28 février prochain. Nous allons rester chez nous. Pas de bar, pas de marché, pas de circulation, tout sera fermé ! Si nous ne faisons pas cela, le pouvoir ne reconnaîtra pas ce qui se passe dans le pays. Nous renonçons à la marche parce que j’ai des informations tout comme le gouvernement en a aussi.
Nous aurions appris que si nous sortons, certains vont infiltrer des individus pour tout casser sur notre passage. Et quand les casses vont commencer, je ne pourrai pas maîtriser la situation et on dira que ce sont des délinquants qui sont sortis dans les rues.
Je ne suis pas du tout content de ce qui s’est passé à Bobo-Dioulasso car si nous voulons lutter contre la pauvreté, il ne sert à rien de casser le peu que l’on a. Ce qu’on casse n’appartient pas aux dirigeants actuels du pays. C’est le patrimoine de tous les Burkinabè.

S. : Ne craignez vous pas qu’on dise que vous avez été acheté ?

T.N. : Nous allons observer une ville morte sans violence pour éviter qu’il y ait des infiltrés. Nous menons une lutte qui est une cause juste. Maintenant, s’il y a des gens qui pensent que Thibaut Nana a eu peur ou qu’il a été acheté, cela n’engage qu’eux. Je n’ai pas subi de pression et je n’ai pas peur. J’ai même dit dans ma déclaration à la Sûreté que je suis prêt à aller à la MACO. Je vis dans la même misère que le peuple. Voilà la raison pour laquelle nous sommes ensemble. Pour une fois dans l’histoire, une journée ville morte sera une réussite au Burkina Faso, car même le Collectif n’a pas encore réussi une telle manifestation.

S. : Et vous croyez que vous allez réussir ?

T.N. : J’ai la conviction que je vais réussir. Tout dépend de la volonté du peuple burkinabè. Je parle au nom de tout le peuple. S’il ne me suit pas, c’est tant pis pour lui. Dans les jours à venir, j’irai à Bobo-Dioulasso, Banfora et Ouagadougou pour plaider afin qu’on libère les patriotes qui ont été arrêtés. Notre journée ville morte est une mise en garde, un signal à l’endroit du pouvoir...

Propos recueillis
par Ali TRAORE
traore_ali2005yahoo.fr

Sidwaya

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