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Hydrocarbures : Un pétrole durablement cher

Publié le vendredi 22 février 2008 à 10h24min

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Finie l’époque où le baril coûtait moins de cinq dollars. Selon tous les experts, le monde est entré durablement dans l’ère du pétrole cher. Explication : une offre qui stagne alors que la forte croissance des pays émergents accroît la demande. Mais un pétrole cher pourrait aussi être une chance car cela favorise les énergies alternatives.

Vingt dollars en 2002, près de 100 dollars aujourd’hui : le prix du baril de pétrole (159 litres) atteint des sommets, et pour les experts, sa course folle est loin d’être terminée. Comment expliquer une telle flambée des cours ? En effet, si en 2007 les ambitions nucléaires de l’Iran ont continué à attiser la tension régionale, si plusieurs attentats ont frappé l’Algérie, si la guerre se poursuit en Irak, si l’exploitation a été perturbée au Nigeria du fait des revendications de mouvements rebelles, aucun accident géopolitique nouveau et majeur, à même d’affoler les acteurs du marché, ne s’est néanmoins produit. De même, aucune région pétrolifère n’a été dévastée par une catastrophe naturelle.

Spéculation sur l’or noir

La faiblesse du dollar – monnaie dans laquelle sont libellées les transactions – a contribué à la hausse. Comme l’expliquait au quotidien Le Monde Chakib Khelil, le président de l’Opep : "A chaque fois que le dollar baisse, le prix du baril augmente puisque les pays producteurs doivent rattraper cette baisse et leur manque à gagner consécutif. En outre, un dollar faible favorise la spéculation. Sans ces deux phénomènes, le baril tournerait autour de 55 dollars." La spéculation sur l’or noir est en effet à la mode. Depuis la crise des subprimes aux Etats-Unis, les financiers quittent les actifs traditionnels – actions ou immobilier – pour investir dans les matières premières. La faiblesse du dollar permet d’en acheter à bon prix. Néanmoins, les experts du Center for Global Energy Studies, à Londres, relativisent cette explication. "La spéculation a certes une influence, mais elle n’affecte pas les fondamentaux. C’est comme l’écume d’une vague. Plus les vagues sont creusées, plus grande est l’illusion de l’écume", confiait à l’hebdomadaire économique Challenges l’un de ces experts. Il n’en reste pas moins que la barre symbolique des 100 dollars le baril a été franchie, le 2 janvier 2008, suite à l’intervention de deux courtiers. The Wall Street Journal raconte l’histoire : "Alors que le brut cotait 99,53 dollars à la bourse de New York, Richard Arens, un courtier indépendant, a déboursé 100 000 dollars pour acheter 1 000 barils, soit le volume minimal autorisé. Un lot qu’il a immédiatement revendu, en perdant 600 dollars au passage. Mais c’est la perte qu’il était prêt à assumer pour être le premier au monde à acheter du pétrole à 100 dollars. L’Histoire a retenu son nom, mais pas celle de l’autre courtier, le premier à avoir vendu du pétrole à 100 dollars, pour un bénéfice de seulement 600 dollars. Leur petit jeu a affolé la planète."

L’appétit des pays émergents

Le prix du pétrole est aujourd’hui essentiellement déterminé, non par l’Opep ni par les compagnies pétrolières, mais par l’offre et la demande telle qu’elle s’exprime au Nymex, la bourse des matières premières de New York, ou à l’IPE, son homologue de Londres. Or aujourd’hui, l’offre de pétrole reste constante, par contre la demande augmente très vite du fait de la croissance vertigineuse de certains pays, au premier rang desquels la Chine. Pékin consommait 5,6 millions de barils par jour en 2003 ; il en a "avalé" 7,6 millions par jour en 2007, et sa soif n’est pas près de se tarir. Son seul parc automobile devrait être multiplié par sept d’ici 2030. La Chine n’est pas seule en cause : l’Inde, la Malaisie, la Corée, le Vietnam… connaissent aussi une croissance rapide. Au demeurant, l’Asie est désormais le premier consommateur d’or noir au monde, devant les Etats-Unis qui absorbent pourtant 25 % de la production mondiale. Certes, le continent représente la moitié de la population de la planète, et l’Oncle Sam seulement 5 %. L’Asie n’est pas la seule région à connaître un développement soutenu ; c’est aussi le cas de l’Amérique latine et d’une partie du Moyen-Orient. En 2007, 114 pays (sur 192 membres de l’Onu) ont connu un taux de croissance supérieur à 5 %.

Résultat : selon l’Opep, la consommation de pétrole – 84 millions de barils par jour en 2007 – devrait augmenter de 1,8 million de barils par jour dans les 12 mois à venir.

Des cours à la hausse, mais pas de choc pétrolier

Face à la hausse des cours, les pays producteurs pourraient-ils mettre plus de pétrole sur le marché ? C’est ce que réclament les capitales occidentales. La solution semble difficile car, à l’exception de l’Arabie Saoudite, tous les pays de l’Opep exploitent déjà le maximum de leur capacité. Surtout, la demande est globalement satisfaite. Comme le souligne Chakib Khelil : "Le cartel n’est en rien responsable de la flambée des cours. Il a toujours maintenu un approvisionnement adéquat, ordonné et suffisant." Au demeurant, lorsque l’Opep a mis sur le marché 500 000 barils supplémentaires en novembre 2007, cela n’a eu aucune incidence sur les prix. Conclusion de Christophe de Margerie, le patron de Total, cité par Le Monde : "Les vannes de l’Opep sont ouvertes à fond. La demande des pays émergents comme la Chine ne cesse de croître. Il n’y a donc aucune raison que le prix du pétrole baisse." Une analyse partagée par la quasi-totalité des experts. "Le monde s’installe durablement dans l’ère du pétrole cher", écrit le Center for Global Energy Studies. Quelques voix discordantes estiment cependant que la probable récession de l’économie américaine pourrait entraîner un ralentissement mondial, d’où une baisse des cours du brut dans les prochains mois. Pour qualifier l’actuelle hausse des cours, personne ne parle cependant de choc pétrolier. En effet, en 1973 comme en 1979, la hausse des prix avait été brutale et avait provoqué une grave crise économique mondiale. Ce n’est pas le cas aujourd’hui où le prix du baril augmente régulièrement depuis 2004. En outre, la hausse est plutôt le résultat d’une forte activité économique.

Une chance pour l’environnement ?

Reste à savoir si 100 dollars le baril est un prix excessif pour l’or noir. Certes, les automobilistes se plaignent, les coûts de production augmentent et la facture est particulièrement lourde pour les pays pauvres. Mais les analystes rappellent qu’en terme réel (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation), le pétrole avait déjà atteint un tel sommet en 1973. Un pétrole cher est aussi synonyme de revenus records pour les compagnies pétrolières, donc de moyens d’investir dans l’exploitation de nouveaux gisements, sinon trop profonds ou trop difficiles d’accès pour être rentables, comme en Asie centrale ou dans l’Arctique. A contrario, les écologistes espèrent que les cours records favoriseront une baisse de la consommation d’énergie et un intérêt accru pour les carburants verts (éolien, solaire, biomasse…). C’est ce qu’explique Gerd Leipold, le directeur exécutif de Greenpeace : "Plutôt que de fustiger la folie des marchés, apprécions au contraire le fait que c’est là le seul moyen de donner aux hommes la conscience de la rareté des ressources comme de l’environnement. Au-delà des misères quotidiennes qu’il provoque dans les pays émergents comme dans les pays développés, le baril à 100 dollars peut être une chance pour l’humanité."

Jean Piel (MFI)

Le Pays

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