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Inflation au Burkina : La faute à la flopée d’intermédiaires

Publié le mardi 19 février 2008 à 11h06min

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Le Burkina a l’ambition de devenir un pays de service. Un secteur promoteur qui aux côtés de ceux de l’agriculture, de l’élevage et du commerce va booster davantage une économie en constante progression depuis 14 ans dans une moyenne variant entre 5 et 7% l’an.

Ces performances économiques, surtout dans la durée, donnent des résultats visibles dans la lutte contre la pauvreté. Elles pourraient être meilleures si certaines difficultés étaient résolues en amont et en aval des secteurs économiques qui soutiennent cette croissance. Pour le secteur agricole, la maîtrise de l’eau et la révolution des méthodes culturales restent d’actualité.

Idem pour l’élevage qui, pour une meilleure rentabilité a besoin de la généralisation de techniques nouvelles d’embouche intensive. Les secteurs du commerce et des services sont ceux qui ont connu le plus grand développement ces quinze dernières années. Outre les pays de la CEDEAO et de l’Union européenne, les Burkinabè ont découvert de nouvelles routes commerciales comme celles du golfe arabo-persique, de l’Asie et de l’Amérique. Tout ou presque tout se trouve sur le marché burkinabè : des voitures de luxe à la plus petite pièce de rechange d’une bicyclette.

Mais ce dynamisme du secteur informel ne va pas sans quelques problèmes conjoncturels. Parmi ces problèmes, actualité oblige, on en retiendra deux : la fraude à l’importation et la valse des étiquettes ou plus simplement le difficile contrôle des prix. Le dernier conseil de cabinet présidé par le Premier ministre a mis le doigt sur la plaie du commerce burkinabè. Qu’est-ce qui a pu dérégler la structure des prix de produits de première nécessité au Burkina ? En tout cas on en voit les conséquences. Une inflation inattendue qui varie de 10 à 67% en l’espace d’un mois. Quelque chose ne va pas quelque part. Fraude, spéculation mercantiliste, sabotage économique ?

Sans avoir ouvertement indexé un coupable, le gouvernement s’émeut devant cette valse injustifiée des étiquettes de prix. C’est l’essentiel de ce qui ressort du communiqué de compte rendu du conseil de cabinet autour du Premier ministre le 07 février dernier. Le gouvernement qui déjà a procédé à la baisse des frais perçus par le laboratoire national de santé publique et de l’Inspection générale des affaires économiques en appelle au civisme de tous non sans avoir instruit le département et services techniques compétents sur la prise de mesures énergiques en concertation avec tous les acteurs. On l’aura compris, le gouvernement donne du relief à la lutte contre l’inflation. C’est assurément une bonne chose et les consommateurs attendent de voir comment cette volonté d’éviter la chienlit des prix va s’exécuter concrètement sur le terrain.

Le combat n’est pas gagné d’avance pour qui connaît les pratiques qui ont cours dans le secteur du commerce au Burkina. En effet, la plupart des commerçants burkinabè sont en fait des détaillants ou de petits importateurs. Dans le premier cas, ils ne maîtrisent ni les circuits d’importations ni les coûts y afférents. Ces détaillants qui sont au troisième, voire au quatrième niveau des maillons de la chaîne du circuit commercial sont souvent réduits à faire des calculs savants pour avoir une importante marge bénéficiaire pour ne pas être trop endettés auprès des demi-grossistes.

Ces derniers, qui leur cèdent le plus souvent les produits à crédit, les ont eux-mêmes enlevés à crédit chez les grossistes. Pour ce premier cas de figure, on pourrait ainsi résumer les choses : il y a le vrai grossiste qui a les moyens, les relations d’affaires et qui connaît le circuit international ou les industriels locaux pour s’approvisionner en marchandises. Il est en relation au Burkina avec de pseudo grossistes qui ont de la notoriété et des relations sur le marché national pour écouler les produits du vrai grossiste. Il existe à un troisième niveau, le demi-grossiste, commerçant bien en vue dans les régions où les villes moyennes. Ce dernier est le plus souvent celui qui est en relation avec le boutiquier de quartier ou de village.

De la marge bénéficiaire du vrai grossiste à la marge bénéficiaire du boutiquier de quartier, la structure du prix est très complexe et renchérit le prix de revient aux consommateurs. Dans la deuxième situation ou le commerçant voudrait se passer des services du pseudo grossiste et du grossiste, il effectue des voyages coûteux à l’étranger ou dans les grandes villes du pays, paie des frais d’hôtel et de séjour pour finalement importer ou acheter une petite quantité de marchandise à un prix de revient astronomique. Et moins il achète ou importe des marchandises en grande quantité, plus grande sera la marge bénéficiaire qu’il est obligé d’appliquer sur le prix de vente pour espérer recouvrer au moins ses frais.

C’est connu, certaines marchandises de l’usine ou du pays d’origine aux consommateurs burkinabè coûtent du simple au double. Et sans nier la tendance à la spéculation mercantiliste chez certains opérateurs économiques, l’inflation au Burkina est due à la flopée d’intermédiaires entre les grossistes et le consommateur. Comme dans d’autres secteurs de l’économie nationale, l’informel dicte ici aussi sa loi. Le gouvernement a donc fait un pas dans la bonne direction avec les mesures envisagées par le conseil de cabinet. Mais le plus dur reste à faire. Celui de parvenir à ce que la surveillance des prix soit efficace sur toute la chaîne du circuit commercial.

Djibril TOURE

L’Hebdo

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