LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Groupe du 14-février : Dix ans et des revendications pour un bien-être général

Publié le mardi 19 février 2008 à 11h15min

PARTAGER :                          

Fête des amoureux (St-Valentin) oblige sans doute, ils ne sont pas nombreux, les Burkinabè qui se rappellent que le 14 février est la date anniversaire de la création d’un regroupement de partis politiques de l’opposition dénommé Groupe du 14 février ou G14. Mais les géniteurs de ce cadre unitaire n’oublient pas et se rappellent à chaque année aux bons souvenirs, surtout du pouvoir.

C’est le cas cette année, qui coïncide avec les 10 ans d’existence du groupe. Par une déclaration, les partis de ce regroupement passent en revue la situation nationale aux plans politique et social, et font des revendications dont ils pensent que la prise en compte par le pouvoir améliorerait la situation d’ensemble.

Créé le 14 février 1998, le G14 marque aujourd’hui le 10e anniversaire de sa naissance.

Examinant la situation internationale, notamment en Afrique, il a noté que beaucoup de peuples de notre continent connaissaient les misères de guerres dont les protagonistes se disputent le pouvoir, sans considération pour les nombreuses victimes civiles innocentes qui en résultent. C’est notamment le cas au Darfour, endeuillé après le Sud Soudan, au Burundi, au Kenya et au Tchad.

L’Union africaine, empêtrée dans l’impuissance habituelle propre aux organisations du continent, est transformée en machine à adopter des résolutions dont aucun chef d’Etat membre ne se soucie véritablement de contribuer à à la mise en oeuvre. Dans un certain nombre de ces conflits (Darfour, Tchad), sont directement impliquées des puissances extérieures à l’Afrique, complices, qui approvisionnent les adversaires en armes et munitions et leur apportent des soutiens logistiques dans le seul but de pérenniser leur mainmise néo-coloniale sur les richesses, minières et pétrolières notamment.

Les autorités burkinabè s’autocongratulent régulièrement de la paix dans notre pays, paix qu’elles sont pourtant les premières à menacer par les désastres de leurs politiques, par leur mauvaise gouvernance, par l’outrecuidance de leurs déclarations à l’optimisme provocateur pour le peuple qui vit les conséquences de leur gestion et par l’indifférence qu’elles manifestent à l’égard des difficultés de toutes sortes que connaissent les Burkinabè dans leur vie quotidienne.

A l’occasion du 10e anniversaire du G14, les partis membres ont aussi fait le tour de la situation nationale, relativement à l’état de la démocratie dans notre pays et aux conditions de vie de leur peuple. C’est un tableau contrasté dans lequel les plages sombres l’emportent malheureusement très largement sur les rares progrès qui sont d’ailleurs, pour l’essentiel, les fruits de la lutte de leur organisation, des démocrates de tous horizons et du peuple.

I - Sur la refonte des textes institutionnels pour la démocratie

Dans son appel fondateur, intervenant quelques mois après les élections grossièrement frauduleuses de mai 1997, le G14 se donnait pour objectifs principaux la lutte pour :

1- la restauration de la démocratie dans notre pays ; 2- l’obtention d’élections transparentes et la fin de la politique de corruption des électeurs ;

3- la révision de l’article 37 de la Constitution dont la modification indécente réalisée en 1997 par une Assemblée nationale aux ordres de l’exécutif avait dénaturé l’esprit des constitutionnalistes de 1990 ; 4- l’instauration d’une administration véritablement républicaine ;

5 - l’indépendance des institutions de régulation ;

6 - la mise en place d’une politique réellement soucieuse des préoccupations légitimes de la jeunesse.

Le pouvoir a tout fait pour ridiculiser et présenter comme irréalistes les revendications du G14, et notamment ses exigences pour une refonte du Code électoral, la mise en place d’une CENI véritablement indépendante, l’adoption de mesures pour sécuriser les votes et le rétablissement constitutionnel de la limitation à deux du nombre de mandats du président du Faso.

Ne reculant plus devant rien pour supprimer toute contestation organisée, grisé par ses "raz-de-¬marée" électoraux frauduleux, le pouvoir crut pouvoir maîtriser et minimiser les conséquences du quadruple crime politique crapuleux de Norbert Zongo et de ses compagnons le 13 décembre 1998.

Mais le G14 sut convaincre la société civile d’accepter enfin la constitution d’un front de lutte pour la démocratie. Ainsi naquit, dès le 16 décembre 1998, le Collectif. des organisations démocratiques de masse et de partis politiques.

L’opinion publique, jusque dans les rangs du parti au pouvoir, désignant le pouvoir comme le commanditaire, et certains éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) comme les exécutants de ces crimes, avait fortement réagi et chacun se sentait concerné, sauf ceux que le peuple accusait. Le peuple jugeait clairement ce crime politique comme la conséquence directe de l’arbitraire de la toute puissance du pouvoir de la IVe République et de la monopolisation de la vie politique, économique et administrative par le seul CDP.

Le Collège de sages, mis sur pied en mai 1999 par le pouvoir pour tenter de calmer la colère du peuple, conclut à la nécessité d’une réforme profonde des textes institutionnels organisant la vie politique au Burkina, afin de les rendre plus équitables et de permettre l’alternance. Toutes choses qui obligèrent le pouvoir à accepter, à son corps défendant, le réexamen des textes institutionnels incriminés.

De 2000 à 2002, le Code électoral fut ainsi révisé de fond en comble et la CENI croupion hâtivement instaurée à la veille de l’élection présidentielle de novembre 1998 pour obtenir la fin du boycott électoral des partis du G14 céda la place à une nouvelle CENI un peu plus autonome. L’Assemblée nationale rétablit la limitation du nombre de mandats du président du Faso. Les élections législatives de mai 2002 qui suivirent virent l’opposition politique entrer en force au Parlement, avec 42 députés sur 111.

Mais une fois l’orage passé, le CDP n’a pas eu d’autre souci que de revenir sur ces changements institutionnels qui avaient porté un coup sévère à son monopole politique et sa caporalisation des acteurs économiques. C’est ainsi que son groupe parlementaire majoritaire à l’Assemblée nationale élabora dès janvier 2003 une proposition de loi amendant fortement le Code électoral, qui fut adoptée par le Parlement en avril 2004. La limitation du nombre de mandats du président du Faso fut contournée avec la complicité des juges constitutionnels qui déclarèrent qu’elle ne devait s’appliquer qu’à partir de la fin du mandat en cours de Blaise Compaoré. Ce dernier eut donc droit à un 3e mandat en 2005 et prétendrait pouvoir briguer un 4e mandat en 2010. Le pouvoir de la IVe République reprenait ainsi de la main gauche ce que le peuple l’avait obligé à lâcher de la main droite en 2000. Ainsi aujourd’hui, malgré les luttes multiformes, la démocratie burkinabè a fortement reculé. Ainsi, en mai 1997, l’opposition avait 10 députés au Parlement. En mai 2002, elle en a eu 42. En mai 2007, elle est retombée à 11, soit au même niveau qu’en 1997.

Le pouvoir connaît bien les sentiments réels du peuple sur les manipulations institutionnelles qu’il a opérées et qui ont annulé en grande partie les progrès de la démocratie, obtenus notamment grâce au sacrifice que Norbert Zongo et ses compagnons ont fait de leurs vies. Le pouvoir a pu constater, avec les violentes manifestations spontanées contre le port obligatoire du casque, avec la révolte des sans grades de l’armée, avec l’affaire des "Kundé", etc., le fort mécontentement populaire devant le retour du monopole politique du CDP et de l’arbitraire qu’il annonce. Le CDP, grâce aux révisions institutionnelles et aux fraudes électorales qu’il a orchestrées, a obtenu 73 députés aux élections législatives de mai 2007 et réussi à "phagocyter" le parti ADF/RDA et ses 14 députés, dans sa majorité présidentielle et dans son gouvernement.

Aujourd’hui donc, même le CDP est convaincu de la nécessité d’une révision de ces textes institutionnels qui ont fait reculer la démocratie burkinabè. Mais comment organiser cette révision et que modifier ? Là est toute la question !

Malgré ses "succès" électoraux et sa forte représentation à l’Assemblée nationale, le CDP ne peut tout seul avoir le monopole de la relecture des textes qui organisent la vie démocratique du pays. Le G14 exige que soit organisée une concertation à parité entre la majorité présidentielle et l’opposition pour cette relecture qui intéresse évidemment toutes les forces politiques du pays.

Pour le G14, il faut clairement revoir de fond en comble :

1. le Code électoral dont les modifications assureront notamment :

* la déconnection de la CENI de l’exécutif, en renforçant son indépendance et ses moyens d’organiser véritablement des élections impartiales et transparentes ;

* la reprise des dispositions de 2001 pour permettre une application rationnelle du scrutin proportionnel au plus fort reste ;

* la réduction des risques de nomadisme politique ;

2. la Charte des partis politiques, d’une part afin que ceux-ci puissent être clairement identifiés et enregistrés soit comme partis de la majorité, soit comme partis de l’opposition, avec les responsabilités qui s’y rattachent, et d’autre part pour que les partis s’obligent à assumer leurs obligations de fonctionnement démocratique et leurs responsabilités dans l’animation de la vie politique nationale ;

3. la loi sur le financement des partis qui, dans ses dispositions actuelles, favorise outrancièrement un nombre très limité d’entre eux ;

4. la Constitution afin :

* de rendre désormais impossibles des modifications touchant des dispositions fondamentales, comme celle de l’article 37 ;

* de protéger le peuple contre les menées guerrières aventureuses si chères au pouvoir de Blaise Compaoré, comme ce fut le cas avec les relations troubles qu’il a entretenues avec les rebelles libériens, sierra-léonais, angolais et ivoiriens notamment ;

* d’assurer le principe d’indépendance de notre pays vis-à-vis des puissances extérieures, afin que le Burkina Faso ne coure pas le risque d’être le représentant patenté de l’impérialisme dans notre sous-région ou dans notre continent, qu’il soit français ou autre.

Il faut entreprendre cette relecture en concertation, afin d’en finir avec les tripatouillages périodiques de textes dont la vocation essentielle est d’organiser une vie politique démocratique dans notre pays.

II - Les prix flambent dans l’indifférence du gouvernement

Tous les Burkinabè qui vivent du revenu de leur travail et non pas grassement des détournements impunis des deniers publics, des fruits de la corruption et de leurs compromissions ou des plus-values de l’exploitation des plus pauvres, savent que la vie au Faso est de plus en plus chère et difficile. Jamais peut-être, la réalité du fameux "Viima ya kanga" ne s’est mieux illustrée que maintenant.

Malgré le mythique excédent céréalier annoncé pompeusement par le gouvernent au moment des dernières récoltes, malgré la mise en place très limitée de la vente de mil (quelques kilogrammes par famille), le sac de mil se vend sur le marché de Ouagadougou à 16 000 F contre 10 000 F il y a six mois. La baguette de pain est passée subrepticement à 130 F. L’assiettée de haricot est passée de 575 F a 1 200 F. Le litre d’huile se vend maintenant de 1 000 à 1 200 F, contre 650 F il y a six mois. Le savon de Marseille a disparu des étalages, et lorsqu’on en trouve, il faut maintenant débourser 350 F pour la boule de savon au lieu de 250 F. Quand au litre d’essence, son prix à la pompe a grimpé de 608 à 663 F.

Conséquence de ces hausses, tous les autres prix de biens de consommation courante (poulets, viandes, poissons, condiments, légumes, loyers, etc.) ont aussi augmenté. Dans certains quartiers de Ouagadougou, certaines familles disputent le son aux animaux pour se nourrir. Il n’est pas exagéré de dire que le spectre de la famine hante de nombreuses franges de la population, notamment les ménages dont le chef de famille est au chômage.

Il a fallu les avertissements solennels des différents quotidiens du pays (L’Observateur paalga, Le Pays, Sidwaya) à travers des éditoriaux, pour qu’enfin le gouvernement considère que la flambée des prix devenait intolérable. Il s’est fendu d’un communiqué tardif sur la question pour n’annoncer finalement aucune mesure pratique, faisant seulement appel à la bonne volonté des commerçants ! Le gouvernement prétend par ailleurs que la hausse du prix des carburants à la pompe n’est que la conséquence de la hausse du prix du brut sur le marché mondial. C’est vouloir fermer les yeux sur la structure des prix des carburants qu’il a imposée et sur les taxes très élevées qu’il a fixées et qu’il pourrait très bien réduire pour maintenir ou même abaisser les prix à la pompe.

III - Un régime de fêtards ?

Dans le même temps, que font les membres du gouvernement et les autres dignitaires du régime ? Depuis les derniers jours de décembre 2007 et jusqu’à présent, ce ne sont que fêtes et ripailles au niveau des ministères, administrations, établissements publics, établissements scolaires ou casernes, sous prétexte de présenter des voeux de nouvel an au Premier ministre, aux ministres, aux directeurs généraux ou directeurs de services, aux chefs d’établissements, aux chefs de corps, etc. Pendant des demi-journées entières, les services ferment sans même prévenir ! Tant pis pour les usagers ! En tout état de cause, c’est le peuple burkinabè qui paiera la facture !

Ainsi le peuple est pressuré pour permettre à un régime de fêtards et aux fonctionnaires qui doivent leur tenir compagnie, de s’amuser sur deux mois de l’année !

IV - Que fait le gouvernement pour combattre l’épidémie de méningite ?

Depuis près d’un mois, comme cela survient régulièrement à la même époque chaque année, l’épidémie de méningite s’installe progressivement sur notre pays. Les responsables de la santé répondent, quand on les interroge sur les dispositions prises, qu’ils ont suffisamment de réactifs pour diagnostiquer les cas et suivre ainsi l’évolution sur le terrain de la maladie ! Mais ont-ils suffisamment de doses du vaccin approprié pour traiter l’épidémie si, comme on doit le craindre, ils concluent qu’elle s’est définitivement installée ? Ils ont alors une réponse vague, du genre : "A ce moment nous commanderons la quantité de doses nécessaires." Pendant ce temps, les malades continuent de mourir, dans l’indifférence de ces responsables. Pourtant des pays voisins, comme le Mali et le Niger, frappés aussi par la maladie dans des conditions similaires, ont déjà commandé et même partiellement obtenu la livraison de stocks de vaccins. Au Burkina, comme nous sommes certainement plus "malins" que les autres, nous continuons stoïquement à observer les chiffres de croissance des cas. Et quand nous lancerons des commandes de vaccins auprès des mêmes fournisseurs, déjà occupés à fournir les premiers demandeurs, il est probable que nous devrons compter aussi nos morts inutilement sacrifiés.

Le G14 appelle le gouvernement à assumer toutes ses responsabilités dans cette situation, pour éviter les morts inutiles qui pourraient survenir à la suite de ses retards à la décision, aux lenteurs habituelles de son administration, et à la gravité de la maladie.

V - Le groupe du 14 février a dix ans

Durant ses dix années d’existence, le G14 a réussi à faire entendre régulièrement la voix de l’opposition politique, à faire admettre au parti au pouvoir qui cultivait des tendances monopolistiques, la nécessité d’un dialogue avec l’opposition, et de la prise en compte de l’existence d’une opposition vraie dans ses calculs politiques.

Durant cette période, le G14 a presque toujours été à l’initiative des nouveaux regroupements des partis d’opposition, dans le but d’intéresser le maximum de ces partis à tel ou tel objectif politique conjoncturel important.

Dans sa lutte pour l’élargissement de la démocratie, il a obtenu des succès d’étape capitaux, mais pas toujours décisifs. On peut le créditer, à juste titre et pour une large part, de l’existence d’une CENI, de la constitution du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques, de l’institution de concertations entre les partis politiques et la société civile, des réformes institutionnelles de la période 2000-2002, et, de manière plus générale, des succès obtenus par l’opposition politique dans la période, même si certains acteurs particuliers cherchent à tirer aujourd’hui la couverture à eux seuls.

Ce combat du G14 s’est déroulé au milieu de difficultés et de défis, d’obstacles et de pièges dressés par le pouvoir contre ses organisations membres en usant de tous les avantages que lui confèrent sa position et ses atouts. C’est pourquoi le G 14 sait que son bilan ne comporte pas que des succès, et peut laisser insatisfaits beaucoup d’observateurs de la scène politique burkinabè.

Conscient de ses responsabilités pour le développement et la consolidation de la démocratie dans notre pays, le G 14 en appelle à une prise de conscience et au sursaut de tous pour un véritable ancrage démocratique de notre pays.

Ouagadougou, le 13 février 2008

Ont signé

Pour le FFS

Le président

Nestor BASSIERE

Pour le GDP

Le Secrétaire général

Issa TIENDREBEOGO

Pour le PAI

Le secrétaire général

Philippe OUEDRAOGO

Pour le PDP/PS

Le président

Pr Ali LANKOANDE

Pour le PDS

Le président

Youssouf S. BA

Pour le PFID

Le Secrétaire général

¬Kader NACRO

Pour l’UNIR/MS

P. Le président et P. O.

Dr Adama DERA

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique