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Relance du football burkinabè : Les suggestions d’un ancien international

Publié le vendredi 15 février 2008 à 09h14min

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Le football burkinabè est au creux de la vague. Tout le monde a les yeux tournés vers le nouveau président de la Fédération burkinabè de football (FBF), Zambendé Théodore Sawadogo, et son équipe pour le relancer. Avant qu’il ne commence véritablement à mettre en oeuvre son programme, un ancien international de football a décidé de jouer au conseiller. Dans une longue tribune, Ousmane N. S. Bodo fait un certain nombre de suggestions en vue de contribuer au réveil du football national.

Les jeux sont joués. C’est Zembédé Théodore Sawadogo, directeur général de la Nationale des Jeux, qui est élu président de la Fédération burkinabè de football (FBF). Que les dés aient été pipés ou pas, qu’on regrette tout ce qui s’est passé avant cette élection du bureau fédéral, que l’on soit partisan de l’actuel patron du football burkinabè et de tout son bureau exécutif, ou du perdant fair-play, Yacouba Ouédraogo, dit Yak, là n’est plus la question.

Le lot a été remis à l’heureux gagnant. Il s’agit maintenant de faire en sorte que les bénéfices profitent à la Nation entière. Donc, les enjeux actuels du football burkinabè reposent sur sa relance. Et cela passe par une remise en cause nécessaire de l’ensemble de la famille footballistique et un impérieux recentrage stratégique de son développement. En effet, on a besoin, « pour couper la liane grimpante, de s’assurer qu’on arrache les racines, sinon, elle continuera à grimper ».

L’heure n’est donc plus à des crocs-en-jambe, ni à l’accablement des nouveaux dirigeants, encore moins à la critique acerbe et non constructive ; elle est au rassemblement, à la main tendue et à l’investissement des énergies, des savoirs, du savoir-faire et du savoir être, pour la renaissance de notre sport favori ; et partant, pour l’édification d’un football « champagne » ( ). Football qui amène le public au stade et qui lui procure de la joie. Football, qui permet aux pratiquants de s’épanouir et de vivre pleinement leur passion, aux dirigeants et aux gens du football de récolter les dividendes de leur action ; et au peuple burkinabè de jouir des fruits de son sacrifice et de savourer les victoires, dans le respect du perdant, mais aussi d’accepter les défaites avec fair-play. Car le sport doit rassembler, comme l’a si bien magnifié le Baron Pierre De Coubertin ( ).

La direction à prendre

C’est à cela que doit tendre notre football. Et pour cela, chacun de nous, de près ou de loin, doit donner sa contribution, si modeste soit-elle, à l’atteinte de ces objectifs. Notre contribution se veut une interpellation de la nouvelle structure fédérale, qui devrait, nous semble-t-il, prospecter dans un certain nombre de pistes pour espérer réaliser des résultats tangibles et durables.

Sachant qu’ « on peut seulement sauter par-dessus un fossé si on l’a vu de loin », il faudrait que la Fédération s’atelle à définir une vision claire à notre football, de sorte à avoir une adhésion de tous et à pouvoir fédérer les forces vives de la Nation vers une même direction.

Notre football ne devrait pas se résumer à la seule et unique qualification des Etalons seniors à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) ( ), et combien de fois hypothétique ; mais, on devrait plutôt avoir une vision globale et non parcellaire, fragmentaire, voire partiale, et profitant seulement à une catégorie de parties prenantes comme l’élite. Pour cela, il nous semble qu’il faille définir, à la lumière de la vision partagée, une stratégie de développement de notre football. Laquelle stratégie devrait relever du diagnostic et de l’analyse des enjeux et problématiques actuels du sport roi et reposer sur des axes de développement clairs, réalistes, appropriables par tous et donc faciles à vendre aux amoureux du football, aux sponsors et à l’Etat. Pour cela, il serait judicieux de faire appel aux privés, notamment aux stratèges des cabinets d’études et/ou à des consultants spécialisés, avec l’implication et la participation de tous les acteurs, pour l’appui à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie, pour plus d’efficacité et de neutralité ( ). Comme on dit, « il n’y a pas de mauvais temps, seulement de mauvais vêtements ».

Les pistes sur lesquelles pourraient se focaliser ce fondement de l’édifice football sont, entre autres, d’abord les ressources humaines sur qui repose notre sport favori ; et de ce socle puissant, que sont les femmes et les hommes, nous devrions pouvoir tirer tout le bénéfice pour la construction de l’entreprise commune.

Et parlant de ressources humaines, nous voyons tout d’abord le président lui-même, tout son staff et l’ensemble des amoureux du football burkinabè, anciens, jeunes, femmes, dirigeants, administrateurs, supporteurs, encadreurs, entraîneurs, arbitres, sponsors, Etat, membres des organisations du sport, agents de santé, etc. Parlant personnellement du premier responsable de la Fédération, il nous semble que votre atout ne réside pas dans les ressources financières de la Loterie nationale du Burkina (LONAB) ( ), mais il repose, avant tout, sur l’inspiration que vous ferez du modèle de management gagnant de la Nationale des jeux, notamment en matière de marketing pour intéresser les sponsors et attirer les spectateurs dans les stades. Donc, partir de votre expertise, stimuler vos collaborateurs et impulser le changement tant voulu pour notre football, tel devrait être votre leitmotiv. N’oubliez donc pas ce proverbe qui dit qu’ « une armée de moutons guidée par un lion peut vaincre une armée de lions guidée par un mouton ».

Prendre en compte les anciens footballeurs

Nécessité de reposer son mandat sur l’investissement humain oblige, nous voudrons suggérer au nouveau bureau fédéral de prospecter en direction des anciens acteurs du football et des jeunes, pour mieux structurer l’administration et le management du football, la formation, la médecine sportive, le football d’élite, le football scolaire et universitaire, de masse, l’encadrement sportif, l’arbitrage, etc.

Tout d’abord, partant du principe que chez nous, en Afrique, les anciens occupent et devraient occuper ( ) une place primordiale et centrale dans l’orientation des affaires de la société, caution morale, garant du savoir-faire et du savoir être, nous pensons et croyons qu’un regard plus intéressé devrait être porté à cette catégorie d’acteurs de la scène footballistique burkinabè. En effet, nous ne vous apprendrons rien en disant qu’au Burkina, les anciens acteurs du monde sportif, notamment les anciens footballeurs, n’ont aucun statut, ne représentent pas grand-chose. Regardez autour de vous et dites-nous combien vous connaissez qui sont dans le dénuement total, dans le besoin. Ne sont-ils pas nombreux ? Parfois nous avons tellement honte au vu de certains anciens que nous nous demandons quel enfant ou jeune adepte du football verrait cela et serait inspiré pour la pratique du football. Ou quel parent laisserait son enfant jouer au football quand les anciens végètent dans la misère. Pendant que nous entendons et/ou voyons dans les médias, à la CAN au Ghana, les commentaires d’anciens footballeurs d’autres pays ( ), nous ne pouvons qu’être frustrés et déçus quand on sait qu’il n’y a presque pas d’anciens footballeurs du Burkina à cette CAN 2008.

D’ailleurs la délégation officielle du Burkina compte combien de membres, combien d’anciens ? ( ) Si Samuel Eto’o fils est satisfait de battre le record de Laurent Pokou ( ), c’est d’abord parce qu’il a rêvé, tout petit, de ressembler à ce grand joueur et buteur et ensuite, parce que lui aussi entre dans la légende du football africain et surtout, il sera, à partir de cette CAN, un exemple que des milliers de gamins voudraient imiter plus tard. Combien d’enfants d’anciens footballeurs ont-ils embrassé la carrière de leur père ? L’avenir ne se prépare-t-il pas à travers le passé ?

Donc, nos anciens méritent le respect et une implication totale dans notre football. Et pour cela, nous croyons qu’il serait pertinent de les utiliser dans l’encadrement technique (entraînement, préparation physique, préparation mentale et psychologique, direction sportive, parrainage sportif, etc.), l’administration sportive, l’arbitrage, la médecine sportive, la consultation sportive et/ou radio, télé, etc.

Constituer un "collège de sages" consultable en cas de besoin

Les anciens ne sont pas seulement d’anciens joueurs, mais aussi d’anciens arbitres que l’on pourrait reconvertir dans la formation d’arbitres, la consultation, etc. Enfin, les anciens issus des autres corporations du monde du football peuvent être cooptés dans le parrainage sportif ou la consultation. Et surtout constituer, bien sûr avec les premiers cités, un « collège de sages » que l’on pourrait consulter en cas de besoin :

- en période de crise, comme on en connaît à chaque élimination des Etalons seniors de football d’une participation à la CAN ;

- pour d’éventuelles relectures des textes fédéraux, arbitrage de litiges, voire comme une commission statuant sur des questions de fair-play, de dopage, de discipline, d’éthique de jeu, du football scolaire et universitaire, féminin, de masse ou d’élite, etc.

Mais, cela doit se faire dans un cadre structuré avec un cahier des charges précis, rigoureux, dans les régions, les clubs et dans une dynamique de formation permanente pendant qu’ils abordent la fin de carrière et non quand ils seront à la retraite. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est au Burkina seulement que l’on écarte les anciens footballeurs de la gestion du football. Ceux qui sont invités l’on été seulement parce qu’ils avaient, soit du charisme, soit du soutien quelque part dans un club, ou surtout au ministère et dans le gotha politique ; et non parce qu’il y a un cadre permettant d’apprendre et de s’investir dans la continuité de sa passion. Et, créer les conditions d’un bon épanouissement des anciens, c’est créer les conditions de l’éclosion de jeunes talents, reposant sur des anciens formés, respectés, responsabilisés et aptes à servir leur pays.

Ne pas oublier les jeunes non plus

Le deuxième point d’attention vers lequel nous voudrons interpeller la nouvelle structure fédérale, c’est la cruciale prise en compte de la frange jeune pour une durabilité de notre football.

Il s’agit ici de bannir à jamais les raccourcis du genre falsification des identités et des âges des jeunes ( ) ; ou encore de croire que la relève réside dans le fait d’ouvrir des écoles de football et se contenter d’organiser de façon sporadique des tournois, sans créer un championnat de jeunes (minimes, cadets, juniors, espoirs) digne de ce nom. Quand on regarde la génération de « Planète Champion », combien aujourd’hui sont en équipe première ? Où dans de grands championnats africains ou européens ? Comment peut-on expliquer que Carlos Estevez et Lionel Messi, que des cadets burkinabè ont battu en Coupe du monde de la catégorie il y a quelques années de cela, soient aujourd’hui titulaires dans de grands clubs comme Barcelone FC et Manchester United et payés à coups de millions de dollars, alors que les nôtres, s’ils jouent encore, ne pointent pas le bout du nez des championnats huppés ?

N’est-ce pas qu’il y a quelque chose qui n’est pas logique ? A y regarder de très près, il nous semble qu’il y a un problème de vision, de stratégie et d’organisation. Et la Fédération gagnerait à regarder de près à ce niveau, à développer une politique adéquate, si elle veut sortir notre football de l’ornière et de façon durable. L’invite que nous pouvons faire à la structure fédérale est d’élaborer, sur la base de l’inspiration dans d’autres pays et de l’investigation sérieuse au pays ( ), parfois tout à côté de nous ( ), la mise en œuvre d’une politique cohérente de développement du football de jeunes. Et pour cela, un accent particulier devrait être mis sur la détection et l’encadrement dans les quartiers et les clubs ( ), le championnat de jeunes (minimes, cadets, juniors), le sport scolaire et universitaire ( ), la formation d’encadreurs de jeunes. La réglementation de la création, de la gestion, du suivi et de l’intégration dans les championnats nationaux des écoles de football devrait aussi faire partie de la politique de développement du football de jeunes. L’exemple de la fermeture prématurée de Planète Champion devrait nous inspirer et nous interpeller.

Impliquer davantage la médecine sportive

Le troisième point critique repose, à notre avis, sur la médecine sportive, capable de permettre aux footballeurs de passer du statut de « jeunes » à celui d’ « anciens » en bonne santé. Quand on voit de nos jours le nombre de joueurs qui meurent sur les terrains de football ( ), on devrait porter un regard intéressé à la médecine sportive dans notre pays, singulièrement au niveau du football qui est en question ici.

Combien de joueurs, anciens et actuels, peuvent dire qu’ils ont subi de façon permanente une visite médicale en début et en fin de saison durant leur carrière ou lors de tests de recrutement, encore s’il y a en. Et parfois, nous assistons aux entrées des stades, à des refus de laissez-passer des soigneurs. Pire, durant notre carrière, en dehors des matches internationaux, nous n’avons pas assisté à de tests antidopages en championnat ni en coupe. Quelquefois, nous constations que les bouteilles d’eau contenaient du Guronsan ( ), fortifiant positif au test antidopage. Quel comble !

Ce qui montre une certaine négligence de ce volet dans le développement d’ensemble du football burkinabè. Nous appelons la Fédération à plus d’implication du monde de la médecine sportive dans les axes d’impulsion du football au risque de prêcher dans le désert. En effet, aucune « maturation sportive » ne peut se faire sans suivi médical des jeunes. Aucun développement du football, surtout de compétition, ne peut se faire sans une politique de santé sportive bien élaborée et tenant compte du contexte. La réflexion pourrait aussi être orientée sur les mutuelles de santé du footballeur, au regard des multiples blessures non prises en charge de talentueux joueurs du Burkina.

Aussi, les premiers responsables se doivent d’entrevoir des perspectives au niveau de la formation d’agents de santé sportive, au déploiement de ceux-ci dans les treize régions, au niveau du sport scolaire et universitaire, des ligues, etc. En outre, l’instauration d’un code de conduite pour préserver la santé des joueurs, notamment des jeunes, est primordiale, car sans cela, des pratiques peu orthodoxes peuvent être nuisibles à la pratique sportive.

Les directeurs sportifs éclipsés

L’autre point d’attention de la politique de développement du football devrait être l’encadrement sportif. Domaine de compétences technique, psychologique, disciplinaire et médicale, il est impératif de créer un cadre de son développement. En effet, cela devrait permettre la prise en compte de la formation des encadreurs sportifs, la formation des formateurs, leur recyclage et le cahier des charges devant régir la pratique d’encadrement sportif. On parle toujours d’entraîneurs, voire de préparateurs physiques, mais moins de directeurs sportifs. Or, un football de compétition a besoin d’un encadrement de qualité et dans ses différents domaines concernés, d’où l’importance de l’intégration de ce maillon dans le développement du football de jeunes, d’élite et dans la génération de footballeurs de qualité et en nombre. Ainsi, mieux ils sont encadrés à la base, meilleurs ils seront dans la plénitude de l’âge, donc plus compétitifs.

L’arbitrage est aussi un maillon essentiel dans le développement du football burkinabè qu’il faut mettre en exergue dans la politique de la Fédération. Que de matches gâchés par de pseudo supporteurs, au motif que l’arbitrage est partial, sectaire, voire corrompu ! Les arbitres sont-ils exemptés de tout reproche ? Quid des responsables de clubs, de ligues et de la Fédération ? Depuis l’intermède heureux des frères Paré, gagnés par la limite d’âge, nous avons assisté en orphelin à la CAN au Ghana. Alors, comment s’imprégner des réussites béninoise, sénégalaise et malienne en matière d’arbitrage au niveau international pour poser les jalons d’un arbitrage burkinabè de qualité et respecté sur le plan africain ? Nous pensons que la prospection au niveau des jeunes, des anciens footballeurs peut être une bonne opportunité. Mais, dans tous les cas, les tares de l’arbitrage du football burkinabè devraient être identifiées, analysées et des pistes de solutions formulées autour de la formation des arbitres, la sensibilisation des jeunes joueurs au respect de l’arbitre, de ses décisions et des règles du football. Toutes choses qui forgeraient leur appropriation, la discipline et le fair-play et qui seraient, plus tard, un état d’esprit, un comportement, synonyme d’assainissement du football et d’un football de qualité. Un clin d’œil à la formation d’organisations de supporteurs et à la sensibilisation de ces derniers pour créer un environnement favorable à la pratique d’un football propre serait la bienvenue.

Ainsi, notre proposition suivante se focalise naturellement sur les supporteurs. En effet, quand on parle de football, on ne peut passer sous silence la place des supporteurs. Car sans eux, point de spectacle. D’ailleurs, dans nos stades, nous ne voyons que des supporteurs, passionnés invétérés et véritable patrimoine de notre football. Quand on évoque les noms de Maman Kadiogo, de Maman USO, de Maman ASFA ou encore de Noufou, de Manamana, de Nabiga, ne voit-on pas ici l’incarnation de la passion du football, du vrai football, fait de fair-play, de persévérance, de soutien moral, de solidarité, de sacrifice, de don de soi et donc de « douzième joueur » capable de dynamiser et de revigorer un joueur épuisé et de l’amener à se surpasser pendant 90 minutes, voire 120 minutes ? Le souvenir, quoique éphémère, de la CAN 98 est là, encore vivace, pour nous le rappeler. Et la Fédération se doit de leur donner la place qu’ils méritent dans le concert du football burkinabè. L’accompagnement de leurs organisations, dans les clubs et au niveau des Etalons est impératif pour d’abord, créer un cadre serein et propice à la participation de ces derniers aux prises de décisions dans le football et, ensuite, dans leur engagement à prôner un football de tolérance, de solidarité, de fair-play et donc à participer au développement d’un football de masse et surtout d’élite.

L’élaboration d’une « charte du supporteur » devrait être un axe majeur dans la politique de la Fédération et basée sur le statut du supporteur, son importance dans le club et au niveau national, le cadre de sa participation au développement du football, notamment son soutien moral, psychologique ou financier ( ).

Un football de compétition, comme le souhaite les Burkinabè, devrait prendre son envol à partir d’une organisation éprouvée, d’une administration conséquente à tous les niveaux et basé sur une structuration adéquate à savoir une meilleure organisation du football de jeunes, féminin, scolaire et universitaire, d’élite, de masse, etc. La question du statut de joueur, de l’arbitre, du dirigeant, du supporteur, de l’encadreur sportif ou soignant doit être centrale dans la politique de la Fédération. La structuration de notre football est importante et devrait passer par l’implication de tous à sa conception et à son administration. Le respect des textes, consensuellement adoptés et acceptés, devrait être de rigueur. En effet, comment peut-on comprendre que l’on débute le championnat de première division saison 2007-2008 sans licence des joueurs ? Et après, on s’étonne que des « esprits malins » profitent de ce genre de « jurisprudence » pour semer le désordre.

La mémoire d’une institution comme la Fédération devrait être aussi un sujet de grande préoccupation en matière de management d’organisations. Car, sans mémoire, point de survie. En effet, à la Fédération, peut-on faire aujourd’hui l’historique de tous les licenciés de football depuis la création de cette structure en 1960 ? Ne serait-ce que la situation exhaustive des internationaux, cadets, juniors, seniors que le Burkina a connus ? Nous nous en doutons ! Et cela, au moment même où nous parlons de l’explosion des nouvelles technologies de l’information et de la communication ! N’est-ce pas difficile à comprendre ?

Nous exhortons aussi la nouvelle structure fédérale, si ce n’est déjà fait, à intégrer la gouvernance dans son action. Plus d’efficacité, davantage de transparence. Regard intéressé sur la durabilité des actions entreprises, sur la participation de toutes les parties prenantes dans le milieu du football. Intérêt particulier sur la redevabilité, c’est-à-dire toujours être dans un état d’esprit du « rendre compte », de l’acceptation de la critique et de la remise en cause perpétuelle ; de sorte à toujours avoir leur caution morale et financière. Car, nul ne peut prétendre gérer les affaires de la nation, sans se soumettre à la sanction du peuple qui l’a investi.

Football de masse et d’élite à définir

La gestion des multiples compétitions au niveau national devrait être aussi un point d’attention. En effet, la cacophonie constatée lors du dernier tournoi de football féminin devrait prendre fin à jamais. La définition d’un football de masse et celui d’élite est une nécessité. Les exigences devraient être clairement édictées et suivies scrupuleusement par une « commission de discipline, d’éthique ». Dans quelle moule doit-on insérer et gérer les compétitions de maires, de députés, de ministres, de hauts-commissaires, etc. ? Car, dans leur conception actuelle, ces compétitions font plus de mal que de bien au football burkinabè. En effet, toutes les énergies produites ne sont canalisées ni pour le football de masse, ni pour les jeunes, encore moins pour le football d’élite. Elles servent seulement de « moyens de propagande » pour des « hommes politiques » dans leur stratégie de communication et de fidélisation d’une « population électorale ». On gagnerait à l’organisation de ce genre de compétitions sous la gestion de la Fédération, qui pourrait les développer par l’entremise des ligues, notamment en termes de football de masse, de quartiers (ou de secteurs). Cela aurait pour conséquence de créer un creuset de formation d’un football de 3e, voire de 2e division.

L’articulation entre les différentes structures liées au football et la Fédération ( ) doit être définie, organisée et animée pour avoir un cadre de développement de notre sport favori. L’Etat, à travers le ministère des Sports et Loisirs, les associations du monde du sport (CNOSB, ligues, clubs, média, comités de supporteurs, anciens internationaux, etc.) et les structures comme les services de la médecine sportive, l’OSEP, l’USSUBF, etc. sont des parties prenantes à impliquer dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de la politique de développement du football. Sinon, l’échec nous guette à chaque instant. Aussi, dans son organisation, la communication devrait être un point clé pour mieux informer et sensibiliser les amoureux du football. Sport de passion, une communication adaptée peut être source de création d’un environnement favorable de pratique saine du football. Plus on est proche des gens, mieux on connaît leurs réalités et meilleure est la communication faite pour les faire adhérer à une démarche.

La gestion des clubs est, à notre sens, aussi cruciale. On ne développe pas le football par la focalisation sur l’équipe nationale, mais en partant des clubs et d’un championnat national bien structurés. Le club doit être la « sève nourricière » de l’équipe nationale, pas l’inverse, comme on le constate.

Regardez l’Egypte, le double vainqueur de la CAN 2006 et 2008, la majorité des joueurs sont issus des trois grands clubs du pays, pas plus de cinq joueurs sont des « pros » évoluant hors du pays (et sont parfois au banc de touche). L’entraîneur égyptien, Hassan Shehata ( ), un national dont le contrat vient d’être renouvelé jusqu’en 2010, a développé ses compétences au Zamalek, avant de prendre en main les catégories de jeunes, joueurs qu’il dirige aujourd’hui, avec brio. D’ailleurs, cette équipe est composée en majorité de joueurs du National du Caire, or son entraîneur est issu du moule du Zamalek, grand rival du premier nommé. N’est-ce pas là une grande preuve de vision claire du football, de maturité, de rigueur, de continuité dans les actions et de patriotisme ! Donc, donnons la place du développement de notre football aux clubs. Formation à la base, des jeunes footballeurs, des futurs cadres dans l’administration du football, des futurs encadreurs (technique, médicaux, etc.) devrait être une des missions des clubs.

Aussi, quand on regarde nos clubs d’aujourd’hui, on ne sait pas qui fait quoi, quel est leur véritable statut, en dehors du fait qu’ils sont régis par la loi n°10-92/ADP du 15 décembre 1992. Comment se fait le financement, la gestion, etc. ? Quel est le rôle de chaque partie prenante dans le club ? Tout cela reste flou, voire occulte. Or, l’atteinte de performances dépend de la bonne structuration de ces clubs, avec une vision et une mission claires, un leadership confirmé et un regard sur le potentiel humain qu’ils regorgent. Une feuille de route devrait préciser davantage les priorités dévolus aux clubs.

Tout cela devrait être mené avec une forte culture de la sanction. Toute action devrait faire l’objet d’un référentiel, permettant la mesure et donc la sanction. Laquelle devrait être équitable pour tous, sans des considérations du type « ce n’est pas n’importe qui ». Les bons résultats doivent être magnifiés, récompensés (jusqu’à la décoration officielle) ; les mauvaises pratiques punies, bannies et leurs auteurs réprimés (jusqu’à l’emprisonnement après jugement). Ce n’est que par cela que l’on construit la maison commune.

L’ingéniosité du nouveau président sollicitée

Enfin, l’un des axes fondamentaux du développement de notre football repose sur le financement. Et c’est là qu’on sollicite l’ingéniosité du président et de son staff, leur savoir-faire dans le renflouement des caisses de la Fédération. Cesser les querelles sur les sources du financement et développer une réelle stratégie de mobilisation de ressources financières internes et externes. Et de son utilisation rationnelle, dans la transparence et l’efficacité.

Monsieur le Président, attirer la clientèle (ici le public sportif) dans les stades ne devrait pas poser de problème au regard de votre grande expérience dans le développement d’un marketing gagnant au niveau de la LONAB. Que faut-il pour attirer le public ? Pas seulement des supporteurs, mais surtout des spectateurs. Du beau football, des conditions d’entrées aux stades adaptées ; comme le niveau des prix d’entrée qui devrait tenir compte du contexte d’inflation et des coûts d’opportunités de la majorité des amoureux du sport roi. Nous ne vous apprenons rien en vous suggérant de voir les possibilités d’abonnement au niveau des clubs, l’association des droits d’entrée et jeux incitatifs. Des bonus pour les grands spectateurs, des tombolas pour les spectateurs, etc. En tout cas, des formules devraient être imaginées pour attirer le plus de monde.

Mieux structuré avec plus de transparence, notre football pourrait mieux gérer les subventions de l’Etat et du projet « Goal » de la Fédération internationale de football association (FIFA) ( ). En effet, c’est de la bonne gestion des deniers publics et de l’aide extérieure qu’on récolte les lauriers de la crédibilité, gage de confiance propice à l’instauration d’un climat serein de travail dans la continuité et la durée.

Jadis gavée par les multinationales de tabac, notre fédération en est aujourd’hui sevrée, par l’application de la loi portant interdiction de la publicité sur la cigarette dans le milieu sportif. En manque d’inspiration pour attirer les sponsors, elle ne sait plus où donner de la tête. L’on pourrait se demander ce que font les autres Fédérations africaines. Les raisons de cette défaillance dans la mobilisation des ressources financières au niveau des sponsors sont multiples. Mauvaise gestion, manque de vision et de stratégie claires, absence de crédibilité des hommes, pas de retour sur investissement pour les sponsors. Mauvais spectacles dans les stades, manque d’organisation et surtout d’imagination et de créativité. Tels sont les perceptions que se font les amoureux de notre football. Dans le même temps, nous constatons un « gaspillage » des ressources financières et matérielles de ces sponsors dans le financement de tournois des « hommes politiques », au lieu d’être canalisées dans le développement du football, à travers la structure habilitée à la conduite de cet objectif. L’on pourrait se demander pourquoi ces sponsors délient facilement les cordons de la bourse quand il s’agit du « milieu politique », et difficilement quand il est question des structures habilitées du milieu sportif ? Cela mérite une réflexion profonde de la part des responsables sportifs pour mieux recentrer leurs pratiques en la matière.

Les droits de retransmissions télévisuelles sont-ils explorés au niveau du Burkina ? Comment l’institutionnaliser ? Comment intégrer les ressources financières issues de la publicité dans les stades ? Encore si les stades sont adaptés (infrastructures, sécurité, etc.) à la meilleure gestion de cette publicité !

Comment tirer profit du sponsoring des équipementiers, au niveau des clubs et de la Fédération ? Telles sont les voies à explorer dans le financement du football.

Comment impliquer les municipalités dans le financement du football ? Quelle répartition doit-on faire quand on a plusieurs clubs dans une seule ville (les cas de Ouagadougou et de Bobo Dioulasso sont symptomatiques) et surtout quand la municipalité gère elle-même une équipe, comme c’est le cas du CFO à Ouagadougou ?

Comment susciter la participation des supporteurs au financement du football dans les clubs et au niveau fédéral ? Cette logique, bien exploitée ailleurs, devrait faire l’objet d’une attention particulière, car véritable créneau de mobilisation de ressources financières dans tous les pays de football. Mais, ont-ils confiance ? A vous et à votre équipe de vous crédibiliser pour tirer le meilleur parti de cette « mère nourricière » du football de compétition. Regardez du côté de l’ASEC d’Abidjan.

L’approche des sociétés nationales et/ou multinationales doit être une voie porteuse de mobilisation de ressources financières ou logistiques. L’effectivité doit être mieux appréhendée, analysée et exploitée.

Des structures de marketing, comme l’« International football advertising and promotion » sport (IFAP Sport) ( ), qui offre des services dans les domaines des droits télé, du sponsoring/partenariat, des relations publiques, de la panneautique dans les stades et de la billetterie pourraient être consultées pour développer une politique de financement adapté.

Aussi, la Fédération devrait jouer sur la concurrence entre sponsors actuels et potentiels pour augmenter les budgets du sponsoring. Regardez ce qu’a fait la Fédération française de football (FFF) pour entrevoir l’augmentation du montant alloué en 2008 par son historique sponsor qu’est « Adidas » en le mettant en concurrence avec « Nike ». De 10 millions d’euros chaque année, ce montant pourrait connaître une hausse jusqu’à atteindre 20 à 25 millions d’euros.

En tout état de cause, la Fédération de football se doit d’élaborer une politique de financement pour conduire le développement tant attendu du sport roi. N’est-ce pas, Monsieur le Président, que nous aurons « la […] joie dans les gradins et devant les postes de télévision en fin […] de match », comme nous y invite le slogan d’un de vos produits, « le PMUB » !

N. Ousmane S. Bodo

Ancien international de football

Bobo-Dioulasso

e-mail : o_ousmane@hotmail.com

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