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Moussa Michel Tapsoba, président de la CENI : "Chaque élection présente un danger"

Publié le jeudi 14 février 2008 à 11h04min

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Moussa Michel Tapsoba

Il s’est tenu du 5 au 7 février 2008 à Conakry en Guinée, une rencontre des présidents et responsables des structures nationales de gestion des élections de la Communauté économique des Etat de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Moussa Michel Tapsoba qui y était, fait le point des travaux. Il se prononce par ailleurs sur la crise au Kenya et la révision du code électoral burkinabè.

Sidwaya : Monsieur le président de la CENI, vous avez pris part ici à Conakry en Guinée à la première rencontre des présidents et vice- présidents des structures en charge de la gestion des élections dans les pays membres de la CEDEAO. De quoi a-t-il été question au cours de cette rencontre ?

Moussa Michel Tapsoba (MMT) : La Commission de la CEDEAO a en effet convié à une rencontre à Conakry en Guinée, deux personnalités émanant des structures nationales en charge des élections dans les Etats membres de l’espace CEDEAO.

Le Burkina Faso y était représenté par El Hadj Sankara Mousbila, rapporteur dans le bureau de la CENI et moi-même. L’ordre du jour de la rencontre comprenait deux grands points : la validation du manuel et du code de conduite de l’observateur des élections de la CEDEAO et la mise en place d’un réseau des structures en charge de l’organisation des élections. A l’occasion de chaque élection, la CEDEAO dépêche des observateurs dans l’Etat concerné. Et cela, conformément au protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance adopté par les chefs d’Etats de la CEDEAO à Dakar en 2001. Mais malheureusement, jusque-là, les observateurs se rendaient dans les différents pays où il y a des scrutins, chacun avec son jugement personnel, sans professionnalisme. C’est pour pallier cette lacune que la CEDEAO a demandé aux structures en charge de l’organisation des élections dans les différents pays, de valider le manuel et le code de conduite de l’observateur des élections.

Désormais, les observateurs et les structures chargées de l’organisation des élections parleront le même langage. Le deuxième grand point de l’ordre du jour concerne la mise en place d’un réseau des structures en charge des élections dans l’espace CEDEAO. Nous avons examiné et adopté un statut pour le réseau que nous avons appelé le "Réseau des structures de gestion des élections dans l’espace CEDEAO" en abrégé (RESAO). Nous avons également mis en place un comité de coordination de 6 personnes pour piloter ce réseau. Le Burkina Faso a été porté à la tête de ce réseau par l’ensemble des participants à la rencontre.

S. : Quel est l’intérêt du RESAO pour les pays de la CEDEAO ?

MMT. : L’organisation des élections n’est pas une matière enseignée dans les universités. Ainsi, tous les administrateurs électoraux que nous avons dans nos pays ont appris sur le tas. Ils ont appris par l’expérience des uns et des autres. La création du RESAO vise à renforcer les capacités des différentes structures en charge de l’organisation des élections. Cela se fera à travers des échanges d’expérience et de matériel électoral.
Cela aura l’avantage de réduire le coût de l’organisation des élections. Du reste, le Burkina Faso a déjà expérimenté l’échange de matériel électoral avec le Ghana et le Bénin dans les deux sens.

S. : Qu’est-ce qui explique le fait que le Burkina Faso ait été porté à la tête du RESAO ?

MMT. : Ceux qui ont porté le Burkina Faso à la tête du réseau n’ont pas donné suffisamment d’information pour que je puisse les porter à votre connaissance. Néanmoins, je retiens que pendant les trois jours de travail, le Burkina Faso, sur proposition, a présidé les travaux sur deux jours. Aussi, la Commission électorale nationale indépendante du Burkina Faso est stable dans la mesure où, depuis sa mise en place en 2001, elle a régulièrement organisé des élections sans trop d’accroc. Sans doute que cela vaut au Burkina Faso une centaine crédibilité en matière de démocratie et d’organisation des élections.
Je suppose donc que tous ces éléments cités ont milité en faveur du Burkina Faso pour présider le RESAO. La proposition du Burkina Faso à la présidence a été faite par les délégations de la Côte d’Ivoire et de la Guinée Bissau mais l’élection s’est faite par acclamation de l’ensemble des participants. Ainsi, le Burkina Faso préside le comité de coordination composé de six membres. En plus du Burkina Faso, on a deux représentants des pays francophones (la Côte d’Ivoire et la Guinée) deux représentants des pays anglophones (le Nigeria et la Sierra Leone) et un représentant des pays lusophones (la Guinée Bissau).

S. : Peut-on retenir que vous êtes un président satisfait après la rencontre de Conakry ?

MMT. : Je suis en effet satisfait. Voyez-vous, je suis également le président des Autorités électorales africaines (AEA), une organisation d’envergure continentale. Une recommandation de cette organisation est la mise en place de réseaux au niveau régional. Je suis satisfait du fait que la CEDEAO nous ont soutenu dans la mise en place du réseau ouest-africain. En Afrique central également, le réseau sera bientôt une réalité avec le soutien de la communauté économique de cette partie du continent. Vous me voyez vraiment comblé que les recommandations de l’assemblée générale de l’AEA soit mises en œuvres.

S : Il est de plus en plus question de réforme du code électoral au Burkina Faso. Quel est votre position sur cette question ?

M.M.T : A l’issue de chaque scrutin, la CENI adresse une note au gouvernement en faisant ressortir les points sur lesquels on pourrait apporter des correctifs dans le sens d’améliorer l’organisation des élections dans notre pays. Le processus démocratique de notre pays est jeune de 15 ans. On ne peut donc pas à ce stade du parcours, se vanter d’avoir un cadre juridique sans faille. Je salue donc l’humilité des Burkinabè qui, régulièrement, retouchent le code électoral afin de l’adapter aux circonstances mais surtout pour améliorer l’organisation des scrutins.
A l’heure actuelle, nous assistons à la réclamation dans certains milieux, d’une révision du code électoral. Nous sommes de cet avis car il y a certaines dispositions du code électoral qui méritent d’être revues.

S : Le Kenya est actuellement à feu et à sang suite à une élection mal organisée. Ce danger plane-t-il sur la tête des différents pays africains ?

M.M.T : Il faudra se mettre à l’idée une fois pour toutes qu’il n’y a pas d’élection facile.
Chaque élection qu’on organise présente un danger. Les administrateurs électoraux sont toujours angoissés quand il s’agit d’organiser une élection.
Ce qui se passe est déplorable, c’est certes la conséquence d’une organisation défectueuse mais aussi le fruit d’une inconscience des autres acteurs du processus électoral. De ce que nous savons, les partis politiques en compétition au Kenya ont déployé d’énormes efforts pour manipuler le scrutin.
On ne peut demander à une structure en charge de l’organisation des élections de réussir si les autres acteurs (politiques) ne sont pas animés d’une volonté réelle de transparence.
C’est la conjugaison des efforts de tous les acteurs du processus électoral qui permet à un pays d’organiser des élection crédibles et transparentes. Nous connaissons bien la personnalité qui dirige la commission électorale du Kenya, Me Sammuel Kiwitu est un avocat d’un certain âge, pétri d’expérience. Nous avons été affligé de savoir qu’il s’est retrouvé dans une telle situation. Mais voyez-vous, l’organisation d’un scrutin requiert beaucoup d’acteurs même si la Commission électorale reste le maître d’œuvre.

S : Une reprise des élections au Kenya peut-elle aider à calmer la situation ?

M.M.T : Je ne suis pas sûr qu’à l’étape actuelle, on puisse reprendre les élections sans tomber dans les mêmes travers. L’organisation d’une élection nécessite du temps. L’organisation d’une élection qui a mal tourné suppose que le président était en fin de mandat. Il y a donc le risque qu’une reprise des élections conduise à un vide juridique, propice à toutes les dérives. Je crois qu’au stade actuel, il faut se remettre à la médiation de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Si les deux protagonistes acceptent de s’asseoir pour discuter, il va se dégager un compromis au profit du peuple kenyan.

Interview réalisée à Conakry par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
rabankhi@yahoo.fr

Sidwaya

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