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Analyse des hommes de médias : Une CAN impressionnante mais une organisation chaotique

Publié le mercredi 13 février 2008 à 10h55min

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Kabulo Mwana Kabulo, Africa n°1

« Le public ghanéen a été extraordinaire » Je pense que c’est un bon tournoi dans l’ensemble auquel nous avons assisté. Il n’y a pas à être déçu. Il y a un net progrès du football africain sur le plan technique. Vous prenez une équipe comme le Bénin, qui a eu la malchance de se retrouver dans un groupe de poids lourds, mais ne s’est pas laissé ridiculiser. La Namibie s’est battue comme elle pouvait avant de quitter la compétition.

Mes déceptions viennent de la formation marocaine qui, après son match nul contre l’équipe de France lors de la préparation, est passée carrément à côté, à part son premier succès face aux Namibiens. Le Sénégal qui était cité parmi les favoris a préféré s’offrir des virées nocturnes en boîte plutôt que de se battre sur le terrain.

On se disait que l’on allait voir cette belle équipe des Lions de la Teranga qui nous avait régalés lors du mondial 2002, hélas ! La Côte d’Ivoire était super favorite, mais à un moment, elle n’a pas pu tenir. Cette cohésion que l’on croyait à toute épreuve ne l’était pas du tout. Elle a d’ailleurs intérêt à vite corriger les erreurs, car les éliminatoires de la coupe du monde 2010 sont proches. Les 5 places réservées à l’Afrique seront âprement disputées. Il faudrait que les pays prennent au sérieux leur préparation.

Une équipe comme l’Egypte est au sommet de son art. C’est une formation très technique et très soudée qui a démontré qu’elle est la meilleure équipe du continent. En ce qui concerne l’organisation, ce fut le chaos. La presse n’a pas bénéficié des meilleures conditions de travail. Les ordinateurs étaient très insuffisants dans le centre de presse, la connexion Internet n’était pas au point, les impressions étaient impossibles. Sinon, le peuple ghanéen a été formidable. Les Black Stars sont tombés, mais les supporters ont quitté le stade sans pression ni violence et repartis à la maison dans la tranquillité. Chapeau bas pour le public ghanéen.

Jean-Louis Farah Touré, Desk sport AFP « L’unité africaine a été magnifiée »

Nous avons vu une compétition très animée qui a battu le record de buts (99 au total). La finalité d’un beau spectacle de football, c’est de voir des buts. Et nous avons eu un beau vainqueur, l’Egypte, qui a dominé le tournoi par la rationalité de son jeu. Doté d’intelligence, de tactique et d’efficacité, c’est en toute logique que les meilleurs au point de vue jeu aient gagné. Cela nous a d’ailleurs permis de nous rendre compte que le football africain progresse.

Dans cette CAN, il y a eu aussi beaucoup de fraternité. L’unité africaine a été magnifiée, la sportivité du public ghanéen est à saluer, car malgré l’élimination de son équipe, il a compris que le football est un jeu. Il y a aussi le lot de déceptions comme le Nigeria qui est passé à la trappe, le Maroc qui était plein de promesses mais n’a pas dépassé le premier tour. Mais ma grosse déception, c’est la Côte d’Ivoire.

Quant à l’organisation, il y a eu beaucoup de ratés, de tracasseries et surtout de déboires pour les journalistes. Mais que voulez-vous ? On oublie tout cela, le Ghana a fait ce qu’il a pu. Pendant 3 semaines, l’actualité était focalisée sur ce pays. C’est une terre de foot qui fait vibrer le monde entier au rythme du ballon rond. Il faut oublier ces quelques ratés et dire tout simplement vive l’Afrique, vive le football africain.

Joseph Antoine Bell, consultant RFI

« On n’a pas vu un futur finaliste de la coupe du monde » Je pense que cette compétition a révélé qu’il y avait une équipe très forte qui est l’Egypte, puis des outsiders, des poursuivants immédiats, des déceptions et des petites équipes. On a vu de manière globale un football moyen, pas de très haut niveau. Il faudrait que nous ayons l’ambition d’accrocher le reste du monde. On n’a pas vu au cours de cette CAN le prochain finaliste de la coupe du monde. Donc il va falloir que les Africains le sachent et qu’ils se mettent au travail. Mais je crois que les Africains, comme sur le plan politique, prêchent par les élites. C’est-à-dire que les équipes sur lesquelles tout le monde compte pour tirer la locomotive vers l’avant ne le font pas. Ce qui fait que l’Afrique, si elle progresse, elle le fait par le bas, par les petites équipes. On voit la Zambie ou la Namibie qui essaye de recoller tandis que le Nigeria, le Sénégal ou le Cameroun stagnent.

Le Cameroun, si un jour, il a élevé son niveau de jeu, c’est bien en finale. Mais dans l’ensemble, il n’a pas été bon, il a été plutôt courageux. Je crois que les élites africaines faillissent et doivent se ressaisir si l’Afrique veut avancer, car la Namibie et la Zambie peuvent progresser, mais le temps qu’elles n’arrivent au niveau mondial, beaucoup d’Africains se seront succédé sur la planète.

Jacques Roux, Africa foot et CFI

« Le championnat de France ne m’aurait pas donné plus de satisfaction que la CAN » Nous avons assisté à une très belle compétition. On n’a rarement vu une CAN d’aussi belle facture que celle-là. Des buts, on en a eu de toutes sortes. Aujourd’hui, on a un très beau football sur le continent. Et il faut s’enorgueillir et essayer de le préserver. Ce que j’ai vu, il y a du mal à aller en Europe pour suivre un match. Je me demande si le championnat français nous donnerait un meilleur spectacle que ce que j’ai vu. On est fier d’avoir un football comme celui-là, continuons de venir au stade. Et je demande aux politiques de commencer à penser à gérer la migration des supporters. Quand on vient à une CAN, il ne faut pas que l’on vous raquette à la frontière. Il faut faire en sorte que les gens puissent voyager pour aller vivre la fête.

Il y a 8 équipes qui m’ont séduit. Quand vous regardez les formations qui ont composé le dernier carré, on a des équipes formidables. Le Maroc est certes tombé dès les matches de poule, mais c’est une grande équipe. Le Nigeria n’a pas fonctionné par la faute de son entraîneur, Berti Vogts, qui fut un défenseur et qui a laissé ses attaquants sur le banc pour monter des défenseurs. Comment peut-on avoir une brochette d’attaquants comme ceux-là et ne pas marquer de but ? C’est forcément un problème de coaching. Faisons confiance à l’expertise locale comme Thomson Siasia, Stephen Keshi…

Vous avez vu la finale, c’est un entraîneur local qui a battu un entraîneur européen, un vieillard de près de 70 ans. Quand on a un certain âge, le disque dur est mort. S’il avait gagné le trophée, j’aurais changé de langage.

Côté organisation, elle a été très moche, catastrophique même. Je dirai que le Ghana n’était pas près pour abriter la compétition. C’est aussi peut-être parce qu’on n’a pas de bon manageur.

Philipe Zighraff, RFI

« J’ai été bluffé par les Pharaons » Je crois que cette CAN a été la victoire de l’équipe qui a le plus impressionnée. C’est la formation qui a été la plus solide, la plus complète dans toutes ses lignes, même si en finale, il y a eu quelques déchets à cause de l’enjeu. Sur l’ensemble du tournoi, la victoire de l’Egypte est logique.

J’ai été bluffé par cette formation de l’Egypte que l’on croyait en décadence, mais elle a su rebondir. Elle était parmi les favoris historiques au même titre que le Cameroun. Tout le monde était focalisé sur le Ghana et la Côte d’Ivoire. C’est vrai que les Black Stars n’ont pas été impressionnants surtout que certains garçons n’étaient pas au mieux de leur forme. C’est le cas de Larry Kingston et d’Assamoah Gyan. Je crois que le Ghana, 3e, a été à sa place.

La Côte d’Ivoire avait l’équipe la plus valeureuse en matière d’effectif, mais elle n’avait pas les gardiens et les défenseurs à la hauteur de ses milieux de terrain et de son attaque. 8 buts en 2 matches, c’est assez symptomatique. Dans l’ensemble, il y a certes eu des matches assez moyens, mais ce fut une CAN agréable à suivre avec une moyenne de 3,2 buts par match.

L’organisation a été la plaie de cette 26e CAN. Il y a eu des problèmes pour le transport des équipes : pas d’avion pour les Egyptiens ; le Nigeria a eu 2 avions mais qu’on a dû changer car aucun ne fonctionnait ; il y a eu des problèmes d’accréditations avec des bagarres incroyables ; il y a eu des problèmes de terrains d’entraînement et certaines équipes ont fait le tour de la ville sans pouvoir s’entraîner ; nous à RFI, on a fait une semaine sans avoir internet. Je pense que le comité d’organisation n’a pas mesuré l’importance planétaire de la CAN. Il y a aussi des problèmes de vol dans les stades, les hôtels, un peu partout. Et cela restera comme une tache dans cette coupe d’Afrique des nations. Le point positif, c’est surtout le public ghanéen. On craignait que les gradins ne soient vides après l’élimination des Black Stars, mais ça n’a pas été le cas.

Gérard Erince, service sport de la BBC

« J’ai aimé la Côte d’Ivoire jusqu’à ce qu’elle se désintègre » Ce fut une CAN exceptionnelle. Jamais dans les annales de la CAN, on n’a vu autant de buts. Ce fut un football offensif avec de très beaux scores. Je pense que l’Egypte n’a pas volé son titre. J’ai aimé la Côte d’Ivoire jusqu’à ce qu’elle se désintègre en demi-finale. La grande satisfaction laissée lors des matches de poule s’est envolée. Or, un confrère égyptien m’avait dit que les Pharaons avaient la frousse avant de rencontrer les Eléphants.

Les Lions indomptables qui ont été timides à l’entame de la compétition se sont ressaisis et ont su rugir pour accéder en finale. Mon regret est que l’un des joueurs les plus émérites de l’Afrique, en l’occurrence Rigobert Song, ait commis une telle bourde à la fin de sa carrière en sélection nationale.

Tout le monde reconnaîtra que l’organisation n’a pas été bonne. Les Ghanéens sont très sympathiques mais ce ne sont pas de grands organisateurs. Il y a eu trop de difficultés à tous les niveaux.

Thierry Hot, service français de la BBC « C’est la pire organisation des 10 dernières années » L’Egypte a été de loin la meilleure équipe, la mieux organisée et la plus efficace. C’est une formation dont la quasi-totalité des joueurs évolue dans le championnat local notamment dans les clubs d’Al Ahly et du Zamalek. C’est cette équipe qui a marqué 4 buts au Cameroun lors de sa première sortie et autant contre la Côte d’Ivoire en demi-finale. Avec un tel volume de jeu, personne ne pouvait faire mieux. Mais la finale a été entachée par l’enjeu qui a pris le pas sur le jeu.

Malgré tout, je tire mon chapeau au portier camerounais, Idriss Carlos Kameni, qui a fait des arrêts de grande classe. Il a enrayé au moins 5 actions nettes de but. Je pense que je ne trahirais pas un secret en disant que l’organisation de cette CAN 2008 a été la plus chaotique de ces 10 dernières années.

On a vu la CAN en Egypte il y a 2 ans, en Tunisie il y a 4 ans et au Burkina il y a 10 ans, c’était des compétitions très bien organisées. Mais ici, il y a eu du tout : des bousculades dans la zone mixte, des tribunes de presse exiguës, les stades ont été prêts à la dernière minute, les hôtels n’étaient pas prêts, les hausses des prix ont été exagérées. Bref, je crois même que les journalistes n’étaient pas trop à la fête.

Gérard Dreyfus, consultant à RFI

« Jeunes gens ivoiriens, revenez sur terre » Est-ce qu’il ne faut pas être satisfait de voir un entraîneur local damer pour la 2e fois le pion à toutes cette cohorte de techniciens venus de l’outre méditerranée ? C’est formidable. Il y avait 4 coaches locaux contre 12 étrangers. C’est une leçon pour tout le monde. La réussite ne vient pas de l’extérieur. Ceux qui viennent de l’Europe ne sont pas forcément les plus performants.

Le Cameroun a finalement atteint la finale, il peut être content. Samuel Eto’o était en petite forme. Le Ghana a été décevant car il a été bon sur un seul match, contre le Maroc. Et après, il a disparu de la scène. La Côte d’Ivoire, elle, n’avait pas besoin de jouer car elle était convaincue de remporter le trophée. A l’arrivée, on a vu ce qui s’est passé. Je dis, jeunes gens, revenez sur terre et soyez humbles.

On a vu des buts splendides. Le niveau d’ensemble a été formidable. Des buts ont été marqués ici, de la même facture que l’on en voit sur les stades européens. Et quand on les voit là-bas, on est admiratif. Ici, on est surpris. Non, il faut qu’on reconnaisse que le football africain a progressé. Cette CAN a été un délice. Mais je dis aussi que quand on sélectionne des joueurs, il faut prendre ceux qui ont de la compétition, c’est-à-dire ceux qui sont titulaires dans leur club. C’est ça aussi le travail. Il ne faut pas prendre un joueur parce qu’il s’appelle Pierre ou Paul.

Propos recueillis à Accra par Kader Traoré

L’Observateur

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