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Flambée des prix au Burkina : Colère des citadins, agonie des ruraux

Publié le mercredi 13 février 2008 à 11h17min

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Mais comment nous empêcher d’en parler si nous-même (moins que d’autres certes) ressentons avec une sévérité jamais égalée les conséquences de la valse des étiquettes ? Comment éviter d’aborder la question si notre rubrique est une chronique, c’est-à-dire l’écho de ce qui défraie... la chronique dans la cité ?

Comment faire l’économie du sujet si notre entourage social, de ce fait, nous sollicite davantage ?

Sans doute, le gouvernement en fait une préoccupation. Sans doute, certains de ses membres sont plus sollicités que nous (quand bien même d’autres sont si haut perchés que le peuple en quenilles ne peut les atteindre). Le conseil de cabinet est la preuve que nos soucis sont aussi ceux de ceux qui nous gouvernent ou au moins qu’ils entendent nos jérémiades. Ce n’est certainement pas suffisant, mais c’est un signal d’alarme de leur part à l’endroit des segments de marché concernés. Ce n’est certainement pas suffisant, mais c’est un cri de compassion à l’endroit des populations.

Parfois, c’est ce qu’on demande aux gouvernants, car tout le monde sait qu’ayant fait le choix de l’économie de marché, la vérité est et demeure celle du marché : tandis que le consommateur, dans sa rationalité économique, essaie de se procurer le maximum de biens avec le minimum d’argent, le commerçant, lui, voudrait qu’avec le minimum d’investissement, il puisse réaliser le maximum de profit. La concurrence devrait, théoriquement, permettre d’équilibrer ces relations antagoniques.

L’économie de marché grippée

Ainsi conçue, l’économie de marché est censée faire le bonheur des citoyens consommateurs. Pourquoi donc aujourd’hui plus qu’hier les Burkinabè ont commencé à ronronner, à parler, à crier et finalement à vociférer ? C’est que, quelque part, les règles qui régissent le fonctionnement du système sont foulées aux pieds par quelqu’un : l’Etat (qui, visiblement, peine à s’assumer en tant qu’émanation de la volonté générale et devant servir cette volonté générale) et ces opérateurs économiques (véreux pour reprendre une expression de la Révolution d’Août), dont l’avidité du gain conduit à tous les coups tordus.

Les citadins ont raison de crier leur ras-le-bol, car à défaut de trouver les moyens nécessaires pour adapter leur pouvoir d’achat au niveau des prix, cela a l’avantage (au moins) de leur procurer un équilibre psychique pour quelque temps. Mais ne nous y trompons pas parce que nombreux sont ceux qui vont se battre pour maintenir leur niveau de vie d’avant la flambée des prix : soit en utilisant les horaires de travail pour faire autre chose pour eux-mêmes au détriment des services pour lesquels ils sont supposés travailler, soit en s’appropriant, d’une façon ou d’une autre, les moyens (logistique, mobilier, crédits, etc.) desdits services.

Dans un contexte marqué par la lutte pour la bonne gouvernance et, par conséquent, la guerre contre la corruption, Blaise Compaoré et Tertius Zongo sont les premiers à avoir du pain sur la planche.

Paradoxalement, ils sont les premiers à avoir les solutions à nos problèmes : le premier, parce qu’il nous a dit que sans être un messie, il pouvait nous aider à nous tirer d’affaire ; est pourquoi il a été réélu ; le second, parce qu’il est le bras opérationnel du premier. La deuxième raison est que l’un est un ingénieur politique et l’autre un brillant économiste.

La troisième raison réside dans le fait que B. Compaoré est si habile qu’il résoud des crises politiques un peu partout sur le continent. Mise au service de la recherche de solutions aux problèmes des Burkinabè, cette habileté ne peut que se confirmer. Comme l’a dit quelqu’un, "un problème sans solution n’est pas un problème". Or, dans notre cas, il s’agit bel et bien d’un problème, sinon de problèmes. Alors, il y a des solutions.

Pitié pour les ruraux

Jusque-là, on n’a relayé que l’indignation des citadins. Ce qui n’est pas une mauvaise chose, car cette minorité exerce une grande influence sur la vie de la nation. Toutefois, les ruraux sont les plus nombreux et ce sont surtout eux qui font que le PNB/habitant au Burkina ne dépasse guère 400 dollars des Etats-Unis. Avec la flambée actuelle des prix, on peut se demander ce que ces 400 dollars représentent concrètement.

Soit, on peut penser que la base de leur alimentation est le mil, le sorgho et le maïs et que du riz, ils n’en ont cure. C’est oublier qu’ils consomment de plus en plus de riz en famille et surtout au marché. C’est également oublier qu’il y a trois ou quatre ans, c’est cette céréale qui a sauvé plus d’un habitant des zones rurales, car le mil et le sorgho coûtaient, à cause de la mauvaise pluviométrie de l’année d’avant, plus cher que ce riz importé.

Qu’adviendra-t-il si, en dépit de l’excédent céréalier de près de 800 000 tonnes, certaines zones du pays viennent à baigner dans la disette, voire la famine ? La réponse des gouvernants est imaginable : les vivres y seraient distribués. C’est génial mais non seulement ce ne sera pas à tout le monde, mais c’est un coup de pouce à l’assistanat, qui fait déjà beaucoup de mal à notre pays.

Ce faisant, ces populations rurales devraient retenir davantage l’attention du gouvernement, qui doit se traduire par une lutte concrète contre cette flambée injustifiée des prix. Sinon à la colère des citadins, qui ont encore la force de vociférer, suivra inéluctablement l’agonie des ruraux, qui avaient déjà maille à partir avec les dures réalistes socioéconomiques de nos villages.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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