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CAN 2008 : La mauvaise affaire des commerçants ouagalais

Publié le jeudi 7 février 2008 à 09h44min

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En tant que manifestation sportive la plus suivie sur le continent, la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) est une période bénie pour de nombreux commerçants africains qui voient ainsi leurs recettes augmenter, à la faveur de la compétition. Mais pour cette 26e édition de la CAN Ghana 2008, les choses ne semblent pas tellement bouger chez les commerçants à Ouagadougou. Avec la vie chère qui sévit actuellement, très peu de Ouagalais osent encore "bousculer" leur budget, pour être au diapason de leur sport tout roi qu’il est.

La Coupe d’Afrique des nations de football est incontestablement le plus grand rendez-vous sportif en Afrique. Aussi, pour de nombreux commerçants à Ouaga, notamment les vendeurs de téléviseurs et de postes radio, les vendeurs d’équipements sportifs, les tenanciers de maquis et autres, c’est une période profitable, où leurs chiffres d’affaires enregistrent une certaine augmentation. Malheureusement, ce n’est pas le cas cette année, avec la 26e édition de la CAN qui bat son plein depuis le 20 janvier 2008 au Ghana. Nous nous sommes aperçus de cette situation le mercredi 30 janvier dernier, au cours d’une tournée dans certaines boutiques de la ville.

En effet, pendant la CAN, en général, la capitale burkinabè, à l’instar des autres villes du pays, vit au rythme du football, que le Onze national soit ou pas de la compétition, tant il est vrai que le football est le sport le plus populaire au Burkina et en Afrique. En famille, dans la rue et dans les lieux de travail, l’esprit est au football. Les gens s’habillent et décorent leurs lieux de fréquentation aux couleurs des équipes qu’ils supportent. Les posters collés un peu partout sont à l’effigie des joueurs les plus aimés. Les causeries font la part belle aux commentaires de matchs. Pour de nombreux commerçants, cela est donc une aubaine. Vendeurs de postes récepteurs, radio comme télé, se frottent les mains, tout autant que les réparateurs chez qui les férus du foot s’alignent pour faire dépanner leurs appareils.

De même, les vendeurs de vêtements sportifs (maillots et autres accessoires de football) ne peuvent espérer mieux. Les posters, maillots et autres gadgets à l’effigie des stars se vendent comme de petits pains. Les tenanciers de maquis et restaurants eux, pour maintenir leur clientèle et faire plus de recettes, ont également trouvé l’astuce d’installer à leur bar un poste téléviseur. Ainsi, l’opportunité est offerte au client de rester sur place regarder son match avec les amis, sans être nullement obligé de se "sédentariser" à la maison, alors que madame n’a du reste rien à faire d’un match de foot. Même pour le petit boutiquier du quartier, la CAN est un moment pour écouler les paquets de thé vert de chine aux jeunes qui aiment se regrouper autour de cette denrée pour suivre leurs matchs ou discuter foot.

Cependant, cette année, des commerçants se demandent si toutefois les Ouagalais n’ont plus d’engouement pour le football. Pourtant si. Dans les concessions, les grains de thé ou entre collègues de service, la passion demeure toujours la même. Seulement, avec le contexte actuel de vie chère qui sévit, les gens évitent de faire certaines dépenses susceptibles de leur créer d’autres désagréments financiers par la suite. Surtout que la présente édition de la CAN se déroule courant le mois de janvier, nombreux sont ceux qui ne se sont pas toujours remis des dépenses colossales à l’occasion des fêtes de fin d’année. Et chez les commerçants, les affaires continuent de tourner au ralenti.

Ablassé Kouanda est un vendeur d’équipements électroniques au quartier Cissin. Il dit n’avoir pas jusqu’ici réussi à vendre le moindre poste téléviseur depuis le début de la CAN. Comme lui, Augustin Bélem, réparateur de télés et radios et aussi revendeur de téléviseurs "France au revoir" (appareils de seconde main) s’est aussi désillusionné de tout espoir de voir son marché s’améliorer pendant cette CAN. Zéro vente également chez Augustin Bélem qui, pourtant, a même regarni son atelier situé non loin du marché de Pagalayiri avec un nouvel arrivage d’appareils. Alors qu’en 2006 cet homme, selon ses propres dires, avait eu à vendre jusqu’à 12 postes téléviseurs, ce qui du reste serait en deçà de ses performances habituelles, comparativement aux éditions précédentes de la CAN.

A la question de savoir si cela n’était pas dû au prix élevé de ses marchandises, Augustin Bélem nous a répondu par la négative : "C’est la vie même qui est devenue chère à Ouaga", a-t-il signifié, tout découragé. Plus tôt, Ablassé Kouanda lui aussi s’indignait en ces termes : "C’est le pays même qui est devenu comme ça. Rien ne marche encore !" Dans les maquis, la situation est aussi déconcertante. Malgré les dispositions prises, notamment en faisant venir sur les lieux une télé, les recettes ont plutôt baissé. La vraie clientèle a fui. "C’est au contraire les passants et les petits vendeurs ambulants qui viennent occuper les tables pour regarder les matchs. Ils ne consomment pas. A part quelques-uns, nos clients préfèrent rester chez eux pour suivre leurs matchs au lieu de venir s’asseoir sans pouvoir s’acheter la moindre bouteille de bière", a confié le gérant d’un maquis au secteur 30.

Pour certains "maquisards", conscients des dures réalités du mois de janvier, cette CAN Ghana 2008 est plutôt vue comme une occasion d’échapper à des crédits supplémentaires. Préférant rester suivre leurs matchs chez eux, ils économisent ainsi, sans pour autant s’ennuyer.

Par ailleurs, alors que nous nous disions qu’au moins la situation serait meilleure au niveau des petites salles de projection vidéo communément appelées "vidéo clubs" et les "clubs de Canal +" qu’on trouve un peu partout dans les quartiers populaires, là non plus les complaintes des gérants ne sont pas des moindres. A Cissin, nous avons visité un club dont le gérant, Ibrahim Ouédraogo, nous a confié ne même plus recevoir plus de la vingtaine de clients par jour. Si l’entrée dans ce club coûte 100 F CFA, un calcul vite fait montre que Ibrahim Ouédraogo récolte seulement 2 000 F CFA par jour, tandis que dans les années précédantes, ces recettes s’élèveraient au double et par match, sans occulter le fait qu’il projette deux matchs par jour. A notre passage, le club de Ibrahim Ouédraogo ne comptait que la dizaine de clients, alors que les matchs de la troisième journée de la poule C battaient leur plein. Et le gérant de préciser que "même parmi ceux qui sont dedans, il y en a qui ont négocié pour suivre gratuitement parce qu’ils n’ont pas d’argent."

Pourtant à Ouaga, les clubs de Canal + sont les endroits favoris des inconditionnels du football qui n’ont pas de postes téléviseurs chez eux. C’est donc dire qu’avec toutes ces difficultés, nombreux sont ceux parmi ces derniers qui se sont vus obligés d’aller squatter chez le voisin pour pouvoir suivre la CAN. Heureusement que la solidarité africaine à ce niveau n’a pas encore disparu. Pour finir, signalons que certaines structures ont également songé à aider les plus pauvres, en plaçant à certains endroits publics de la ville des écrans géants pour leur permettre de suivre la CAN. C’est le cas par exemple à la Place de la Nation. Faites-y un tour voir, vous vous croirez en plein stade, tellement l’ambiance est féerique. En attendant, vive la CAN !

Par Lassina Fabrice SANOU

Le Pays

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