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Flambée des prix : Yaa Yellé ! (1) Ou quand l’Ouragan "Flambée" frappe de plein fouet

Publié le mercredi 6 février 2008 à 10h43min

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Par ces temps qui courent, le charretier Kouraogo, qui vient de débuter dans le métier en officiant aux abords du marché de Zogona, hésite par deux fois avant d’aller s’acheter son « benga », ce plat local à base de haricot. Il doit au préalable bien soupeser le contenu de son porte-monnaie qui a traversé bien des intempéries avant de se diriger vers la vendeuse de cette spécialité diversement appréciée par la population du « Pays des hommes intègres ».

En effet, les deux ou trois cuillerées d’huile qu’il faut y mettre afin de permettre une douce traversée de cette nourriture dans le gosier peuvent lui revenir plus chères que le plat lui-même.

Le comble, quand on ne peut même plus s’offrir une spécialité culinaire considérée par beaucoup, à tort bien sûr, comme étant un repas bas de gamme. Aujourd’hui, une goutte d’huile alimentaire vaut son pesant d’or dans les marchés et les épiceries des quartiers. Et « l’épidémie » s’est définitivement installée, à l’image de la méningite en ce début de mois de février venteux. Presque tous les produits de consommation courante sont concernés.

Une illustration : au marché dénommé Oscar-Yaar sis au quartier St-Léon, pendant que nous échangions avec un détaillant de ce liquide désormais précieux dont le litre oscille entre 800 et 1000 francs, sa voisine qui exposait son poisson sur une table brinquebalante nous interpella : « Le prix du poisson est également monté ».

Visiblement outrée, elle a expliqué que les 30 kilos, qui faisaient 15000 FCFA il n’y a pas longtemps encore, se négocient maintenant à 17500 FCFA. Des propos ponctués par un « Yaa Yellé ! » sonore qui en dit long sur la gravité de la situation.

L’ouragan « Flambée » frappe de plein fouet et a atteint des zones inattendues. A l’image de Katrina qui, avec ses raz de marée et ses vents violents à 280 km/h, a frappé les Etats-Unis en août 2005. Les bouchers, entre deux coups de machette sur leurs quartiers, vous annoncent que le kilo de viande avec les os, précédemment à 1350 F, coûte désormais 1500 francs. Même hausse avec le morceau charnu qui, de 1500 francs est passé à 1750 francs. Ceux qui exercent l’activité évoquent surtout le coût élevé des hydrocarbures.

A côté, il y a aussi les vendeurs de riz qui se sont mis dans la mêlée. La céréale en question s’y est également mise et son sac de 50 kilos le moins exigeant réclame 14500 francs avant de consentir à suivre son nouvel acquéreur. De quoi en perdre son latin… pardon son portefeuille… face à cette folie des prix. Et il y a bien d’autres marchandises qui coûtent aux ménagères, les yeux de leurs têtes : savon, spaghettis, sel, omo, et même les produits du cru comme les fruits et les légumes.

Les spéculations vont bon train

On imagine bien qu’en de pareilles circonstances, chacun veut bien comprendre. A défaut de trouver la vraie explication à ces augmentations que le néophyte en économie trouve sauvages, les spéculations vont bon train, surtout pour l’huile alimentaire.

Entre autres raisons invoquées : les services douaniers en auraient interdit l’importation ou aurait augmenté les taxes ; un grand stock de ce produit se trouverait entreposé à la douane située à Ouagarinter, d’où les ruptures de stock et l’envolée des prix ; la CITEC qui produit l’huile « Made in Burkina » entretiendrait la crise, etc.

Un transitaire du côté de Ouagarinter, rompu aux tâches d’intermédiaire entre les importateurs de l’huile alimentaire et les gabelous, qui a préféré garder l’anonymat, ne partage pas le point de vue des premiers analystes.

Il a précisé qu’à sa connaissance, les conditions de dédouanement de l’huile alimentaire, classée dans la 3e catégorie, soit une taxation de 48% sur son prix CAF (Coût, Assurance et Fret), n’ont pas varié d’un iota. Notre source du côté de la Patte-d’oie a fait par contre remarquer qu’actuellement, on constate une plus grande fermeté dans le dédouanement que par le passé.

A cela, il a ajouté le contrôle plus rigoureux au niveau de nos frontières, d’où l’absence d’huiles qui entrent par la fraude. Situation qui, soit dit en passant, fait d’ailleurs son bonheur et celui des membres de sa corporation. De plus en plus de commerçants étant maintenant « obligés » de passer par les services des douanes, ils font par conséquent de plus en plus appel aux transitaires.

Concédons que c’est bien pour eux et les caisses de l’Etat. Mais le revers de la médaille est que la denrée devient hors de portée du consommateur parce que l’importateur est obligé de répercuter les taxes sur le portefeuille de ses clients. Cela dit, notre gentil interlocuteur n’a pas franchi le pas qui consiste à dire qu’il sied de laisser des produits frauduleux aux qualités douteuses entrer dans notre territoire dans le seul objectif qu’ils nous reviennent moins cher.

Le perdant n’est pas forcément celui qu’on croit

Quant aux conséquences de cette inflation qui ne dit pas son nom, c’est un peu comme dans cette histoire du flagellé et du flagelleur qui crient en même temps. Tous les acteurs trinquent. On entend les mêmes gémissements le long de toute la chaîne.

De l’industriel au consommateur, en passant par le grossiste, le demi-grossiste et le détaillant. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter la complainte de la chargée de marketing de la société SN-Citec sise à Bobo-Dioulasso et qui fabrique cette huile à base de graines de coton, dénommée « Savor ».

Dans son stand au Salon de l’agriculture, de l’hydraulique et de l’élevage (SAHEL) qui s’est tenu récemment au SIAO, Diane Sanou implorait pratiquement les mânes de ses ancêtres pour qu’il pleuve suffisamment la saison prochaine afin qu’il y ait suffisamment de graines de coton. En effet, la tonne de la graine de cet « or blanc » que leur livrait la Société des fibres et textiles du Burkina (SOFITEX), qui était à 28 000 francs pendant la saison 2006-2007, est montée en flèche à … 82 000 francs pour la saison en cours.

De quoi donner le vertige. Pire, contre toute promesse, la SN-Citec a reçu une quantité moindre de graines de coton pour produire son huile. Et la responsable Marketing d’ajouter tristement : « Ils disent que la campagne cotonnière n’a pas donné. Il y a donc une surenchère sur les graines qui ne servent pas seulement à faire de l’huile.

Aujourd’hui, à la CITEC, nous fonctionnons tout simplement pour maintenir notre clientèle. Si, du point de vue comptable, nous devions répercuter les nouveaux coûts sur le prix de notre huile, on n’en serait pas à 800, 900 ou 1000 francs le litre ». Conséquence, depuis le 26 décembre 2007, le litre d’huile chez le détaillant est de 775 francs. Soit une augmentation de 30 à 40%, selon les différents conditionnements.

Et à l’écouter, cette situation est loin d’arranger la maison. Elle a donné l’exemple de la section « Savonnerie » qui a récemment fermé ses portes, suite à la hausse à l’internationale du prix des intrants qui participent à sa fabrication. In fine, elle s’est exclamée : « Nous avons le souci du consommateur. Si demain on baisse le prix des intrants, nous baissons les nôtres aussitôt. Nous n’avons même pas intérêt à ce qu’il y ait une flambée. Notre marché se réduit. La sortie est réduite de moitié, surtout pour le fût de 20 litres ».

Quand le sel devient cher, c’est le comble

Si les industries ont souvent les reins assez solides pour surmonter une crise qui, espérons-le, ne va pas définitivement s’installer, on ne peut en dire autant de la majorité des Burkinabé qui tirent le diable par la queue ? Que peut-on aussi dire de ces salariés, ces pauvres hères qui se sont un peu vite réjouis des petites rallonges salariales de l’année passée ?

Aujourd’hui, que valent ces émoluments et ces augmentations avec la hausse des prix des produits de première nécessité ? Ils sont devenus plus qu’insignifiants. Beaucoup de chefs de ménage, pour ne pas dire tous, ont été dans l’obligation de revoir le « nassongo », cette somme pour le repas que l’on est tenu, chaque matin, de déposer sur le guéridon, le buffet ou dans le placard.

Et l’augmentation qui interpelle le plus, de par le symbolisme du produit, est celle du sel. Jusqu’à présent, aucune ménagère ne s’était plainte de la cherté de ce premier condiment de l’humanité. Et pourtant, cela risque d’arriver bientôt, parce que le montant du sac, qui était de 5500 francs, a doublé, rivalisant avec son poids en cristaux, pour atteindre 10 500 francs.

Et s’il y en a que cette flambée de prix agace, ce sont assurément les propriétaires d’échoppes. « Les clientes crient sur nous. Pourtant ce n’est pas notre faute. Il n’y a que les prix des « cubes Maggi » (Ndlr : bouillons pour sauce) qui sont restés inchangés. Vivement que ça change, car cette situation influe négativement sur nos recettes journalières », se lamente le commerçant Adama Dera.

Mais la Nigérienne Sarah Ousmane et les deux Burkinabé, Zalissa Zoungrana et Rihannata Soré, qui viennent quotidiennement faire leur marché à Oscar-Yaar n’en ont cure. En attendant, elles n’ont pas fait d’études sur l’élasticité de l’offre et de la demande, ou des études en Economie tout court. Si fait que leur premier ennemi à abattre c’est cet épicier qui refuse désormais de leur servir pour 25 francs de sel ou pour 50 francs d’huile de cuisine.

Issa K. Barry

(1) Expression dans la langue mooré et qui signifie « C’est grave ! »

L’Observateur

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