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Inflation : Jusqu’où va-t-on supporter cette flambée des prix ?

Publié le lundi 4 février 2008 à 12h39min

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L’année 2007 a été une année mouvementée sur le plan social. Grèves, marches, meetings ont apporté un autre son de cloche aux annonces de croissance sans effet du premier ministre Yonli et aux discours sophistes de son successeur l’actuel premier ministre, Tertius Zongo. Tout au long de l’année, le « pays réel » en avait gros le cœur. L’une des raisons principales de ce mécontentement est la flambée des prix des hydrocarbures.

Cette situation a été d’autant difficile à tenir que le salaire des fonctionnaires est resté stationnaire. Les autorités politiques chantonnaient sans cesse que les yoyo de l’essence jouaient sur l’ensemble des produits. Parfois, le cours du dollar baissait mais pas de baisse des prix des céréales. On imputait l’augmentation des prix des denrées alimentaires aux intempéries (inondations, arrêt brutale des pluies…). Et cela inquiétait plus d’uns jusqu’à ce que le ministère de l’Agriculture annonce qu’il n’y aura pas de pénurie alimentaire cette année et que le déficit céréalier dans certaines zones sera comblé par des mesures de vente à prix social. Quid de cette promesse ?

Les prix des céréales ont augmenté de façon horizontale et exponentielle au début de cette année. En dépit de cela, le premier ministre, plutôt optimiste disait ceci à la presse à l’occasion du nouvel an : « Nous devons désormais prendre notre destin en mains, et devenir les sujets de notre propre histoire, au lieu de continuer d’être les objets des fantasmes des autres. Nous devons et nous pouvons vaincre le scepticisme et le fatalisme, à condition, bien évidemment, de croire en nous-mêmes. Le ciel devrait être la seule limite à nos rêves et à nos actions ».

De quoi galvaniser les citoyens pour la nouvelle année qui commençait. Cependant, au niveau des commerçants, depuis quelques temps, on avoue que l’augmentation des produits de grande consommation pèse lourd sur toutes les têtes. Entre eux, ils s’accusent mutuellement. Les grossistes pointent du doigt les lourdes taxes de l’Etat et le monopole des commerçants import-export. Ces derniers, eux, appellent à la barre les douaniers avec leurs taxes à ne point finir. Dans ce jeu de ping pong, certains commerçants estiment que le mal est extérieur. Les hydrocarbures seraient selon leur entendement le nœud gordien du problème. « Toutes les plaintes des commerçants se résument à une seule chose, l’essence. Si le prix de l’essence augmente, par ricochet et pour conserver les recettes, les commerçants sont obligés d’augmenter chacun d’eux à son niveau », assène M, commerçant à Sankariaré. Un de ses employés est plus concret : « Hier, mon épouse est allée au marché. On lui a signifié qu’il n’y a plus d’huile à 100 F. CFA, comme nous l’achetions d’habitude. C’est dur et ça crève l’œil de plus en plus ». Certains trouvent que les seuls yoyo des hydrocarbures ne peuvent expliquer une telle augmentation.

S, commerçant au secteur 23 est plus alarmiste : « Il y a le prix du baril du pétrole au plan mondial qui monte et agit sur tout le reste mais il faut que les autorités encouragent l’activité économique. Ici au Burkina, il y a seulement deux dixième des commerçants qui arrivent à travailler sans s’endetter. Même eux c’est parce qu’ils ont les faveurs des gouvernants. Actuellement, le monopole de l’huile est l’affaire de trois commerçants. Nous, nous avons l’agrément de l’Etat mais il nous est interdit de commercialiser l’huile après l’avoir récupéré à la SN-Citec ».

Ses paroles sont confortées par la dernière déclaration de la Ligue des consommateurs du Burkina. « La Ligue des consommateurs reste convaincue que les producteurs et principalement les commerçants ont tendance à pratiquer des hausses léonines injustifiées et illégitimes et à répercuter de façon abusive les augmentations intervenues sur le marché mondial. Les prix facturés aux consommateurs qui sont captifs de ces pratiques, s’en trouvent anormalement élevés. Cette situation se perpétue d’autant plus aisément que la structure du marché est marquée par une concentration excessive perceptible aux oligopoles, parfois aux monopoles consolidés grâce à la puissance publique », conclusion à laquelle a abouti la Ligue des consommateurs du Burkina après une enquête sur les produits de consommation en juillet et septembre 2007.

A leur suite, le rapport annuel 2006-2007 de l’Union économique et monétaire ouest africain (UEMOA) est formel : les prix à la consommation au Burkina Faso ont augmenté de l’ordre de 4%. En cette fin d’année, les Burkinabè ont fêté en nourrissant le secret espoir que 2008 sera l’opposé de sa devancière. Que ne fut pas leur surprise ? Janvier, que d’aucun qualifie de mois le plus dur de l’année sur le plan financier continue dans la logique des mois précédents. Les yoyo de l’essence et les augmentations des produits alimentaires et des céréales persistent et signent. Plus curieux encore face à une telle situation, c’est la réaction des syndicats et ensuite des consommateurs. Silence de carpe ! On subit mais on attend Godot. Les responsables politiques ont fini par s’accommoder aux marches pacifiques. Ils s’inscrivent dans la logique du chien aboie et la caravane passe.

Les responsables syndicaux devraient de toute évidence changer leur fusil d’épaule et s’inscrire dans une dynamique revendicative plus persuasive des autorités. Il y a quelques mois, la société civile guinéenne est sortie pour s’opposer à la vie chère. Elle a eu gain de cause. Elle a même pu obtenir un changement à la tête de l’exécutif. Certes, comparaison n’est pas raison mais la société civile burkinabè, les syndicats au premier plan devraient dénoncer avec plus d’effets les yoyo intempestifs des produits alimentaires plutôt que de s’enfermer dans le protocole administratif des dialogues gouvernement syndicats. Ce n’est point un appel à la sédition mais la logique des dénonciations en sourdine doit cesser dans notre pays.

Le martyr au peuple !

La situation comme on peut le constater est difficile pour tous ; les fonctionnaires du public comme les travailleurs du secteur informel. Mais on se complait dans les plaintes en sourdine. D, fonctionnaire de catégorie B de l’administration publique se plaint : « La situation va de mal en pis. Le problème est que même la situation matrimoniale peut en prendre un coup. Face à l’incapacité d’un époux à assurer la popote, les rapports peuvent vite changer ». On peut dire que cela est lié à sa catégorie mais ce n’est pas toujours vrai. B, professeur d’Histoire-géographie de lycée (catégorie A) ne dit pas le contraire. « La variation des prix grève énormément les budgets tout le long du mois. Les prévisions sont de plus en plus faussées. Ce n’est pas toujours justifiable à certains niveaux où on a des engagements », confesse t-il. Issaka du secteur informel s’inscrit dans la même dynamique : « Les augmentations ont changé nos modes de vie. On ne rentre plus en ville le weeck end. On est obligé d’économiser l’essence pour faire face aux dépenses ».

Selon les statistiques de la Ligue des Consommateurs du Burkina (LCB), au niveau de la hausse des prix des céréales en 2007, on note de façon générale :
11% en moyenne pour le maïs blanc

8% pour le sorgho blanc

3% pour le mil blanc

8% pour le riz importé

Cette augmentation plurisectorielle ne passe pas inaperçue. Ses taux sont évolutifs. Elle est concrète et se vit au jour le jour. Lorsque l’on augmente inexorablement les prix, la poche du consommateur s’allège comme une plume. La réalité avec les consommateurs c’est qu’on ne peut décréter une lutte pour quelqu’un qui vit au quotidien sa misère. Là où cependant, il va falloir que les responsables politiques corrigent le tir, c’est au niveau de la soi-disante « opération mains propres » que le Premier ministre Tertius Zongo entreprend depuis sa nomination. Elle est plutôt orientée du côté des catégories défavorisées que du côté des riches qui pourtant doivent des comptes à l’Etat et se promènent impunément. Qu’en est-il de l’affaire des fausses exonérations de la douane ?

L’affaire suit son cours mais on préfère être prudent sous le prétexte que ce dernier n’est pas « n’importe qui », comme l’a dit tout récemment le ministre de la Justice, Garde des sceaux. Le Premier ministre Tertius, « Zorro » annoncé, est-il devenu muet face à cette question qui pourtant relève de la gouvernance économique, l’os du développement de nos Etats ? Qu’en est-il de l’épouse d’un ministre qui a fait un accident avec le véhicule de service de son époux ? L’a-t-on contraint à réparer ou à éponger cette dette qu’il a vis-à-vis de l’Etat ? En 2003-2004 le rapport de la Cour des comptes révélait que des députés et des ministres doivent 260 millions à l’Etat. Beaucoup de députés étaient créditeurs parce qu’ils s’étaient octroyés un prêt-vehicule auprès de l’Etat et avaient du mal à s’en acquitter. S’il est vrai que cela est dû au fait que beaucoup d’entre eux ne payaient plus parce que leur mandat a pris fin, a-t-on pris des mesures ?

Si les Burkinabè ne sortent pas revendiquer la diminution des prix des denrées de première nécessité c’est que la corde n’est peut-être pas suffisamment raide. Peut être encore que les discours laudateurs de Tertius Zongo ont endormi certains d’entre eux. C’est de plus en plus une évidence que la culture de lutte est un module difficile à appréhender par les Burkinabè. Mais l’on doit admettre l’évidence que 2008 ne pourra différer de 2007 par un tel mutisme. L’histoire des peuples enseigne que la rationalité ne part pas forcement de la masse mais d’une minorité éclairée. « Le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais mais le silence des gens biens », disait Norbert Zongo.

VARIATION DES PRIX DES PRIX DES DENREES ALIMENTAIRES

Désignation des produits Prix à la consommation Ecart % Prix Ecart de sept. à janvier % sept. 2007 à janvier 2008 Juillet 2007 Septembre 2007 Janvier 2008 Huile Beurre ( 200g) 750 750 1000 250 33% Savor (1 litre) 750 800 50 7% 875-900 100 12 % Dinor (1litre) 725 800 75 10% 875-900 100 12% Savor ( 5litres) 4500 4500 4900 400 9% Sucre Sosuco ( 1kg) 550 650 100 18% 650 - - St Louis ( 1kg) 625 650 25 4% 650 - - LAIT Bonnet rouge ( 1grosse boite) 1300 1400 100 8% 2175 775 55% Bonnet bleu ( 1 grosse boite) 1000 1300 300 - 1300-1400 100 8% Lait en poudre 2400 2740 340 30% 2900 160 6% Lait frais ( petit sachet) 350 350 0 0% 375-400 50 14%

VARIATION DES PRIX DES CEREALES A OUAGADOUGOU

Produits concernés Prix moyen à la consommation Ecart % Prix en Janvier 2008 Ecart % de septembre 2007 à janvier 2008 Juillet 2007 Septembre 2007 Maïs blanc 9 500 11 000 1500 16% 11 000 - - Sorgho blanc 11 500 13 000 1500 13% 11 000 -2000 - 15% Mil 12 000 14 000 2000 16% 12 000 -2000 - 14% Riz importé (100Kg) 24 500 30 000 5500 22% 32 000 2000 7 % Niébé 17 500 23 500 6000 34% 23 500

Bendré

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