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Union africaine : Chefs d’Etat pompiers ou pyromanes ?

Publié le vendredi 1er février 2008 à 10h48min

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L’Afrique voudrait bien attendre des décisions salutaires des Chefs d’État réunis en sommet à Addis Abeba, capitale de l’Éthiopie et siège de l’Union Africaine (UA). Des actes concrets en rapport avec la situation prévalant au Kenya et le nécessaire renforcement de l’UA.

Mais les premiers dirigeants du continent oseront-ils vraiment s’assumer face aux attentes des peuples qui n’hésitent plus à se jeter dans les rues et à affronter les matraques, les baïonnettes et les balles pour exiger plus de pain et d’eau, plus de transparence et surtout plus de libertés démocratiques, à commencer par le respect de l’urne ?

Le Président Wade du Sénégal suggère de ne pas perdre de temps autour de l’audit dont le contenu est bien connu. Il recommande d’agir et de renforcer l’UA.

On sait que certaines délégations sont venues pour suppléer au départ éventuel du malien Konaré à la tête de l’UA. Mais devant l’urgence des dossiers du moment, cette question a de fortes chances d’être renvoyée à plus tard. D’autant que les cartes sont brouillées. En effet, parmi les candidats, figure désormais le Libyen Triki dont le pays finance l’UA et les budgets de certains Etats membres. La Libye de Khadaffi, fatiguée des hésitations et des fuites de responsabilités, aspire à réaliser rapidement l’unité des peuples. Mais combien de pays voudront faire le pas ?

Entre autres dossiers épineux, il serait indécent d’ignorer le drame kenyan. La rencontre de l’UA apparaît alors comme un test de crédibilité pour des chefs d’État que l’histoire semble vouloir rattraper chaque fois. Parce que bien des décisions n’ont jamais été mises en application, l’Afrique se trouve aujourd’hui à un tournant des plus risqués. Face à la maturité des peuples et à la demande sociale qui se fait débordante, les Chefs d’État se montrent encore incapables de trouver les réponses appropriées ou d’agir selon les recommandations des experts les plus chevronnés. Il y a pourtant comme une épée de Damoclès au-dessus de chaque pays. Et les premiers dirigeants en sont si conscients que les sommets rivalisent de brièveté. Il ne sert à rien de vilipender les coups d’État et les rébellions. Encore faut-il éviter de berner les peuples et de confisquer le vote de l’électeur.

Beaucoup de chefs d’Etat sont vraiment déconnectés de la réalité dans laquelle se trouve plongé leur peuple. A moins d’avoir abdiqué devant l’ampleur des responsabilités. Certains préférant sauvegarder leurs privilèges et protéger leurs proches de la colère des électeurs. Grâce au travail de fourmi de l’opposition et de la société civile, ces derniers ont compris que le risque était grand de se voir duper au lendemain des élections, et de se retrouver au milieu du gré.

L’éthique africaine devrait pousser les chefs d’Etat à se rendre à Nairobi au chevet du peuple kenyan. Cela, avant même l’ouverture du sommet d’Addis Abeba, aux côtés de Kofi Annan et sans donner de caution au régime Kibaki. Car ce qui se passe là-bas bafoue les règles de la morale. Mais encore une fois, les dirigeants africains ont raté le coche. Ils confirment que pour un bon nombre, ils ne sont, en réalité, que l’ombre d’eux-mêmes. Et bien loin de chercher à s’autoflageler en infligeant une sanction quelconque à un des leurs.

Les faits survenus au Kenya sont en contradiction flagrante avec les principes élémentaires de la démocratie et de la liberté. Mais ne traduisent-ils pas, là-bas comme ailleurs, le désespoir d’un peuple qui aura attendu trop longtemps de ses dirigeants ?

De tels événements sont susceptibles de se reproduire dans n’importe quel pays du continent et sous n’importe quel régime. Parce que les peuples africains sont fatigués de ces dirigeants véreux et sans aucune compassion, qui pillent les ressources nationales, prennent des vacances aux frais du contribuable, installent leurs proches dans un confort aussi douillet qu’insultant pour le citoyen lambda. Ce dernier n’a plus que ses yeux pour pleurer. Puisque le seul droit auquel il commençait réellement à croire n’est désormais plus pris au sérieux, celui d’user de l’urne pour manifester sa déception en renvoyant les démagogues et les défaillants.

Afin de mettre fin à ces désagréments qui perdurent et qui hypothèquent gravement les libertés démocratiques sur le continent, il urge de renforcer l’Union Africaine. Celle-ci doit être en mesure de rejeter les élections contestées et de les faire reprendre dans des conditions sans équivoque. Elle devrait, pour cela, disposer de moyens de coercition propres. On les utiliserait alors en symbiose avec la communauté internationale (Nations unies, Union européenne, Banque mondiale et autres bailleurs de fonds) qui use déjà si bien de l’arme des sanctions ciblées (blocage des avoirs du fautif et de ses proches, impossibilité de se déplacer et de profiter de certains privilèges).

Pour plus d’efficacité, un comité panafricain des sages devrait être mis en place avec des personnalités moralement crédibles et dont les compétences sont reconnues. L’Afrique en regorge à l’intérieur et dans la diaspora. Ce comité pourrait travailler de concert avec l’Union Africaine dans l’appréciation des faits et agir en conséquence.

Chaque jour, il y a ouvertement déni du droit : on tripatouille à volonté les constitutions ; on confisque les libertés démocratiques ; on dilapide les biens publics ; on musèle l’opposition et les mouvements estudiantins ; on tient la société civile en respect et on tire sur les manifestants. Après le génocide rwandais et tant d’exemples macabres, l’UA devrait éviter de se faire indexer pour non-assistance à peuples en danger. Et si la communauté internationale veut convaincre les peuples africains que la démocratie républicaine est la meilleure voie pour sortir des affres de la misère et des injustices de tous ordres, il faut travailler en symbiose avec une Union Africaine renforcée.

L’UA devrait s’engager à créer les conditions qui lui permettent, si elle est sincère dans sa vocation, de pouvoir compter sur la détermination des peuples désormais convaincus d’être les otages de sommets rituels qui ne résolvent presque rien, mais qui grèvent sérieusement le budget des Etats. Le plus souvent pour…rien, les décisions étant presque tout le temps remises au sommet suivant. Comme quoi, ces sommets de Chefs d’État africains contribuent eux-mêmes à jeter de l’huile sur le feu, du fait même de l’inertie qui les caractérise. Assurément, les dirigeants africains parviendront difficilement à éteindre les incendies qu’ils auront eux-mêmes occasionnés par leur complicité active ou passive.

"Le Pays"

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