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Tertius Zongo - Hermann Yaméogo : Des signes de rapprochement ou simple civilité ?

Publié le mardi 29 janvier 2008 à 12h35min

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Hermann Yaméogo

Le mouton que le Premier ministre Tertius Zongo a offert au président de l’UNDD, Hermann Yaméogo, à l’occasion du nouvel an serait-il un signe ? Celui d’un rapprochement souhaité entre le pouvoir et l’un des partis d’opposition le plus virulent. C’est vrai le « large rassemblement » cher au président du Faso est une dynamique non exclusive. Le nouveau Premier ministre voudrait-il y apporter sa touche ?

Mwaï Kibaki, le président mal élu et vivement contesté du Kenya aurait offert une vache(*) à son rival le plus en vue, Raïla Odinga à l’occasion de la fête du nouvel an 2008 que le pays aurait peut-être fait l’économie de la boucherie dont il est le théâtre depuis un mois. Il faut le dire tout net, la crise kenyane est une honte pour l’Afrique. Elle met à nu l’incapacité des acteurs politiques à contenir les antagonismes politiques dans les limites des divergences d’idées et des programmes de gouvernement. Pour certains dirigeants de partis politiques comme Mwaï Kibaki et Raïla Odinga, le pouvoir est une fin en soi.

La fin justifie alors les moyens y compris la force illégale, illégitime et inintelligente, source de chaos. Le cas kenyan n’est malheureusement pas le premier et certainement pas le dernier dans une Afrique où beaucoup de dirigeants n’ont pas de talents d’homme d’Etat capables d’anticipation et d’ouverture d’esprit. Or justement les spécificités historiques et sociologiques, qui ont marqué la naissance des Etats africains, plaident contre le manichéisme et les stéréotypes centrifuges de l’unité nationale. Au Burkina Faso, Blaise Compaoré a inventé le concept de « large rassemblement » dès 1991 quand pour la première fois il demandait le suffrage des Burkinabè. Plus le temps passe, plus les Etats africains se déchirent dans l’étroitesse de la camisole démocratique taillée sur le modèle occidental et plus l’on se rend compte du besoin de spécificités africaines.

Dès lors que des principes universels tels que le suffrage universel, la séparation des pouvoirs, les libertés individuelles et collectives sont acceptés et codifiés, tout devient négociable. « Il n’y a pas mille projets de société pour développer ce pays », a déjà déclaré le président du Faso. La social-démocratie prônée par le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti présidentiel, peut bien, dans le cadre d’un gouvernement d’ouverture, s’accommoder avec le libéralisme dont se revendique l’UNDD. Et cela dans un souci d’amener toutes les compétences nationales à participer à construire le développement du pays. Si la France, une si vieille démocratie, alors que rien n’urgeait, a réussi le pari de former un gouvernement d’ouverture, les jeunes démocraties africaines ne devraient pas continuer à s’enfermer dans les schémas réducteurs du genre « la majorité gouverne, l’opposition s’oppose ».

Le mouton du Premier ministre n’était pas « wacké » mais « chargé » Dans la dynamique de l’ouverture politique quel sens donner au cadeau du Premier ministre à Hermann Yéméogo ? Il ne faut pas exclurequ’il pourrait s’agir d’un simple geste de civilité. Pas plus ni moins. Mais on peut bien décrypter le symbolisme dont était chargé ce cadeau comme une invite de Tertius Zongo au président de l’UNDD pour une mise en commun des initiatives pour le développement du Centre-Ouest. On se rappelle que lors de sa première visite dans sa région natale (Koudougou), le Premier ministre avait placé sa nomination dans la lignée des grands hommes politiques du Centre-Ouest qui se sont illustrés au service de l’Etat burkinabè. Il avait nommément cité feu le président Maurice Yaméogo, père d’Hermann Yaméogo, tout comme Bamina Georges Nébié.

Dans la logique du Premier ministre, que d’autres fils de la région soient appelés à de hautes fonctions est comme une continuité de l’oeuvre de ces illustres pionniers. Et si on devait citer quelques-uns des successeurs de ces illustres fils, bien sûr que Hermann Yaméogo et Tertius Zongo y feraient partie. Ce mouton du nouvel an pourrait donc exprimer un vœu de rapprochement de tous les fils de la région malgré les divergences politiques dans le souci de consolider la paix sociale à Koudougou et par ricochet dans tout le pays.

En tant que chef du gouvernement, le geste du Premier ministre à l’adresse du président de l’UNDD peut préfigurer des négociations pour la participation de ce parti à un prochain gouvernement. Cela peut vouloir dire également à l’adresse de l’UNDD, « vous n’êtes pas au gouvernement, mais nous sommes disponibles pour examiner toute initiative de votre part qui pourrait aider à l’approfondissement de la démocratie et au développement du pays ». Le mouton de Tertius Zongo n’était donc pas « wacké », mais plutôt « chargé » pour un croyant comme Tertius Zongo, de bonnes intentions de rapprochement et pourquoi pas de coopération avec l’UNDD. Rapprochement au plan régional ou national et pourquoi pas les deux.

Que le cadeau ait été dégusté en famille UNDD est une bonne chose. Cela indique que le geste a été bien accueilli par les premiers concernés. On attend la suite. Il est vrai que dans certains milieux, on évoque l’imminence d’un remaniement ministériel. Rumeur difficile à confirmer et qui a contre elle le fait que le Premier gouvernement de Tertius Zongo a à peine 6 mois d’âge. En outre, rien ne semble gripper la machine gouvernementale. Au contraire, les observateurs s’accordent à dire que la méthode Tertius Zongo est en voie de passer le cap du rodage. Ce ne serait donc pas le moment de remettre les compteurs à zéro du moins pour ceux des départements ministériels qui changeraient de titulaire.

Mais la politique a ses raisons que la raison ne connaît pas. N’est-ce pas qu’on parle de postes d’ambassadeur à pourvoir. Par exemple à Paris ou au Danemark. Qui sait ? Certains membres du gouvernement actuel feraient l’affaire. De là à dire que Tertius Zongo fait des préconsultations avec les bénédictions du président du Faso, ce n’est pas loin. Quoi qu’il en soit, ce petit geste d’un mouton offert par le chef du gouvernement à un opposant dur à cuire à l’occasion du nouvel an, est le signe d’une démocratie apaisée qui a besoin d’être encouragée. Pourvu que le symbolisme qui s’y rattache ne disparaisse pas avec la digestion du méchoui qui en a résulté. Simple spéculations de journalistes ?

Djibril TOURE

(*) Nota Bene : Offrir une vache à quelqu’un dans la tradition kenyane, c’est lui souhaiter bonheur et prospérité. On se rappelle qu’après les attentats du 11 septembre, le Kenya avait offert 13 vaches aux Etats-Unis

L’Hebdo

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