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Procès Saboteur contre L’Observateur : « Il n’y a pas de pardon entre Lassina et moi »

Publié le mardi 29 janvier 2008 à 10h39min

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« Lassina Traoré à Saboteur : Comme ton nom l’indique, c’est la pagaille qui t’arrange ». C’est sous ce titre que Lassina Traoré, 2e vice-président de l’Union nationale des supporters des Etalons (UNSE), a publié le 6 novembre 2007, dans les colonnes du quotidien L’Observateur Paalga, une tribune polémique contre l’ex-entraîneur des Etalons, Idrissa Traoré dit Saboteur.

Pour ce dernier, cet écrit n’est en fait qu’un pamphlet truffé d’injures, un fatras de mensonges tendant à le présenter sous la couture d’un homme qui instrumentalise des enfants et des supporters dans le but de satisfaire des intérêts égoïstes au détriment du football national. Pour toutes ces raisons, il a invoqué les dispositions du code de l’information (articles 109, 112 et 113) et du code pénal (articles 361 et 362) pour intenter ce procès contre Lassina Traoré.

Seulement, en matière de presse, la législation dispose que c’est le journal ayant publié l’article qui est le principal prévenu tandis que l’auteur (Lassina) n’est appelé à la barre que comme complice.

Par exploit d’huissier, L’Observateur, à travers son directeur de publication, Edouard Ouédraogo, et Lassina Traoré ont donc été cités à comparaître devant la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour répondre des chefs d’accusation de diffamation et de déclarations injurieuses. Devant le tribunal, la défense du journal a été assurée par Me Mahamadou Bambara et celle de Lassina par Me Issouf Sawadogo. Saboteur, lui, avait Me Prosper Farama comme conseil.

Dans la salle d’audience, le directeur de L’Observateur a bénéficié du soutien moral de Chériff Sy, directeur de publication de Bendré, président de la SEP (Société des éditeurs de presse privée), et de Boureima Jérémie Sigué, directeur de publication des éditions "Le Pays", qui avaient fait le déplacement de Ouaga 2000 où, rappelons-le, siège provisoirement le tribunal.

D’autres confrères de même que des associations professionnelles, par d’autres voies, ont témoigné leur solidarité au journal.

A l’appel du dossier, l’avocat de L’Observateur a tenté d’obtenir la nullité de toute la procédure en soulevant des exceptions, mais ces arguments n’ont pas prospéré devant le tribunal présidé par Mme Koala, laquelle a proposé de les joindre au fond du dossier. Les débats pouvaient donc se poursuivre.

« Ce n’est pas ma faute »

La présidente du tribunal a donc passé la parole à Me Farama, qui a exposé les motifs de la plainte de son client. Après quoi, Lassina a été appelé à la barre pour s’expliquer. Il a maintenu ses déclarations, accusant Saboteur d’avoir, à Bobo en 1996, distribué à un groupe d’enfants de l’argent (500f chacun) pour se faire acclamer et semer le désordre au stade lors d’un match (Burkina # Kenya).

Il a soutenu que la distribution des billets a eu lieu au quartier Diarradougou, même s’il n’était pas témoin oculaire, si bien que malheureusement il ne se souvenait pas des noms des enfants instrumentalisés. Sur insistance du tribunal, il a fini par lâcher deux noms (Karim Palé et Zoumana Traoré).

Autre grief, Lassina a accusé Saboteur, alors entraîneur des Etalons, d’avoir monté, en 2007 à Ouaga, lors du match Burkina # Mozambique, des supporters pour conspuer et jeter des sachets d’eau sur les dirigeants de la Fédération.

Il a argumenté son accusation par le fait que si les résultats sont décevants, c’est à l’encadrement technique que les supporters s’en prennent et non aux membres de la Fédération. Pour lui, c’est un coup que Saboteur a réalisé pour se remettre en selle, puisque son poste était menacé.

Mais le tribunal finira par lui faire admettre qu’il arrive que le public réclame le départ d’une fédération et non celui de l’entraîneur. Enfin, Lassina en voulait à Saboteur (qui n’était plus entraîneur) d’avoir rencontré l’encadrement technique de l’équipe togolaise, tout récemment (lors du tournoi de l’UEMOA) le jour même d’un match capital opposant les Etalons aux Eperviers.

Des allégations que le plaignant et son avocat se sont attelés à détruire point par point. En effet, l’ex-sélectionneur national a tout réfuté en bloc en expliquant n’avoir jamais été à l’hôtel des Togolais, mais à Palm Beach Annexe, où il avait un rendez-vous pour une interview avec une équipe de télévision togolaise (ndlr : il a produit au tribunal un cd de l’entretien).

Quant au comportement des supporters lors du match Burkina # Mozambique, il l’a expliqué par le fait que le public n’aime pas que lors des rencontres, les dirigeants de la Fédération s’immiscent, jusque dans les vestiaires, dans la gestion du onze national.

Pour ce qui est des acclamations qu’il a reçues à Bobo, il a déclaré que « ce n’est pas ma faute s’il y a des gens qui trouvent que j’ai fait quelque chose de bien pour le football dans ce pays ». A ce sujet, d’entrée de jeu, il a tenu à rappeler ses hauts faits d’abord comme joueur dans l’équipe nationale puis entraîneur du Kadiogo et enfin des Etalons, qu’il aura été le premier à qualifier sur le terrain respectivement pour les demi-finales et une phase finale de la CAN.

Dans un jeu de questions réponses, le tribunal a amené Lassina à accepter qu’en réalité, tout ce pour quoi il en veut à Saboteur ne pouvait pas avoir une incidence sur les résultats produits par les Etalons.

« Le préjudice que j’ai subi, le pardon ne peut pas l’effacer »

Après avoir informé le tribunal qu’il n’était pas là au moment de la parution de l’article incriminé, Edouard Ouédraogo a tenu a expliqué le ton de l’écrit par le climat passionnel qui entache les questions sportives et le contexte particulier du tournoi UEMOA marqué des échanges polémiques entre l’ex-entraîneur (Saboteur), les dirigeants de la Fédé et même les autorités de tutelle.

Evoquant le statut et la stature auxquels est parvenu Saboteur en sa double casquette d’instructeur de la FIFA et de la CAF, notre directeur de publication a regretté que le palinant ne se soit pas vraiment mis au-dessus de la mêlée face aux allégations d’un homme qu’il domine à tous points de vue : qu’il s’agisse de l’âge ou des responsabilités et bien d’autres considérations. "Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès", a conclu Edouard Ouédraogo en relevant qu’un droit de réponse ou de rectification aurait pu suffire dans ce genre de situation.

Dans sa plaidoirie, Me Farama s’est dit sincèrement désolé de voir L’Observateur à la barre. « Je suis pour la dépénalisation des délits de presse, je suis pour la liberté d’expression. Mais la loi est ainsi faite qu’on est obligé de poursuivre L’Observateur pour atteindre Lassina Traoré. La loi doit changer pour que dans les cas d’espèce, le journal soit le complice et l’auteur de l’article le principal prévenu ».

L’avocat a soutenu que le prévenu n’a pas regretté ses propos et qu’au contraire il les a assumés à la barre. « Lassina Traoré c’est quelqu’un qui écrit pour injurier et diffamer avec mépris. Certes, il est passionné par le sport mais cela ne le dédouane pas du respect dû à autrui ».

Pour lui, les infractions sont constituées et il faut condamner solidairement les prévenus à payer 1 F symbolique au titre des dommages et intérêts, la publication du verdict dans les journaux de la place (5 fois dans Le Pays, L’Observateur Paalga, L’Indépendant, Sidwaya), le paiement de 500 000 FCFA d’honoraires d’avocat ainsi que les dépens (les frais occasionnés) du procès.

Le procureur a suivi la partie civile dans ses prétentions et a de ce fait requis une peine de prison de 3 mois avec sursis contre Lassina Traoré. Il a demandé qu’il plaise au tribunal d’infliger à chaque prévenu une amende de 300 000 FCFA et enfin, de les condamner à publier le jugement dans les journaux.

Me Bambara a, quant à lui, réaffirmé que L’Observateur n’a, à aucun moment, eu l’intention de nuire à Saboteur. Or, selon lui, pour qu’il y ait vraiment justice, on doit également tenir compte de l’intention de nuire et non de se contenter du caractère diffamatoire de l’écrit.

Intervenant en dernier, Me Issouf Sawadogo, conseil de Lassina, a plaidé la clémence pour son client. Il a beaucoup insisté sur le déficit d’expression de l’intéressé en langue française. « Nous regrettons ce qui a été écrit. Pour ce qui est des peines, je souhaite qu’une simple amende soit exigée à mon client qui n’est qu’un délinquant primaire et qui n’est plus prêt de recommencer ».

Invité à s’exprimer pour la dernière fois, Lassina a répété qu’il n’est pas contre Saboteur. « Tout le monde se trompe. C’est la passion et l’énervement qui m’ont poussé à écrire contre lui. Comme je le considère comme mon père, je lui demande pardon ». Une main tendue que Saboteur a repoussée car « entre Lassina et moi, il n’y a pas de pardon.

Le préjudice que j’ai subi, le pardon ne peut pas l’effacer ». Edouard Ouédraogo a, lui, demandé au tribunal de tenir compte dans son délibéré du contexte et de considérer les circonstances car le sport est un milieu de passion. Le délibéré a été fixé au 11 février prochain.

San Evariste Barro

L’Observateur

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