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Election en Côte d’Ivoire : Eviter le cycle des reports

Publié le mardi 29 janvier 2008 à 11h51min

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Les électeurs ivoiriens et l’opinion africaine n’ont guère été surpris d’entendre Bernard Kouchner dire qu’un retard d’un mois ou deux, n’avait rien de grave pour les élections présidentielles en Côte d’Ivoire, l’essentiel étant qu’elles se tiennent en 2008. Ce qui surprend, c’est plutôt le moment choisi, et le contexte pour le souligner, surtout que la visite de M. Kouchner avait été reportée à différentes reprises. Il faut néanmoins se féliciter des bonnes dispositions de l’ancien pays colonisateur.

Quoiqu’on dise, la prise de position ouverte du nouveau chef de la diplomatie de la rupture est digne d’intérêt.

D’abord, elle repositionne la France qui se faisait oublier dans le règlement de la crise ivoiro-ivoirienne, alors qu’elle a des intérêts énormes en Côte d’Ivoire. Sans doute ce repli tactique a-t-il l’avantage d’avoir permis de digérer de part et d’autre les frustrations consécutives aux interventions des forces françaises dans le conflit.

Ensuite, à son tour, le président Sarkozy doit conduire cette année les destinées de l’Union européenne. Il urge donc que Paris nettoie ses écuries avant d’hériter de dossiers de ses prédécesseurs. Après avoir entamé le règlement de ses contentieux avec différents pays dont l’Algérie et le Rwanda, rien d’étonnant donc que l’Hexagone donne son aval même tardivement au processus de résolution de la crise ivoirienne.

Enfin, très bientôt se tiendra à Addis-Abeba, la rencontre au sommet des chefs d’Etats membres de l’Union africaine. Trop de dossiers importants seront sur la table, qui ne laissent pas indifférents les Français, notamment ceux liés à la crise du Darfour et sans doute à l’éventuelle candidature du chef de l’État soudanais qui pourrait encore tenter de prendre la tête de l’institution. Ils voudront certainement inspirer de nombreux amis africains à commencer par le président Blaise Compaoré qui est facilitateur, double président en exercice de la CEDEAO et de l’UEMOA. Le chef de l’État burkinabè apparaît ainsi comme un leader incontournable parmi ses pairs. Il ne faut donc pas s’étonner que le ministre français des Affaires Etrangères ait reconnu au Burkina Faso et à son président, un rôle éminent dans la résolution de la crise ivoirienne et dans l’avancée vers des élections réellement transparentes et démocratiques.

S’agissant des prochaines présidentielles en Côte d’Ivoire, il faut applaudir la sérénité actuelle des leaders ivoiriens dont on ne voudrait plus douter de la sincérité. Surtout pas après tant de sacrifices. Tout le monde est d’accord en effet, qu’il faut y aller dans les conditions les meilleures et surtout dans la paix et la compréhension mutuelle. Mais, faut-il pour autant continuer à ouvrir la porte aux incertitudes que revêtent ces sempiternels reports de dates ?

En faisant sa suggestion d’un possible report d’environ deux mois, le ministre français des Affaires Etrangères se voulait sans doute réaliste. Mais il faudra bien en finir avec le fétichisme des dates, éviter de s’installer dans le cycle des reports auquel les acteurs politiques ivoiriens nous ont habitués depuis le déclenchement des hostilités.

Parce que, durant leur toute dernière rencontre de Ouagadougou, les leaders politiques ivoiriens ont fait preuve de bonne volonté et de sérénité, il faut les encourager à oeuvrer continuellement dans ce sens. La logique dynamique des élections présidentielles est désormais en marche. Personne n’en doute, les uns et les autres ayant montré qu’ils se positionnent effectivement pour cette année. Le président Gbagbo lui-même n’a-t-il pas profité de sa présence à Ouagadougou pour rendre une visite appuyée au Moro Naba, empereur des Mossé dont une forte proportion vit en Côte d’ivoire ? Cette visite intervenant après sa rencontre avec la communauté burkinabè vivant dans son pays, il est hors de doute que le président-candidat veut s’attirer, le moment venu, les faveurs d’un électorat ivoiro-burkinabè disposant du droit de vote.

Au-delà des diatribes et des initiatives individuelles, il faudra s’entendre et activer le traitement des grandes questions en rapport avec l’identification des citoyens-électeurs, le désarmement des hommes en arme et leur réinsertion dans la société. Beaucoup de chemin reste encore à faire. Et il faudra certainement débloquer encore de l’argent pour venir à bout des questions pendantes.

Dans cette perspective, des dispositions doivent également être prises en faveur de la presse. Il faut aider la presse ivoirienne à cesser d’être partisane pour demeurer activement et positivement neutre. Nul doute qu’au fur et à mesure de l’approche de la date des élections, la campagne débordera d’intensité. Etant donné les enjeux, il faudra s’attendre à une montée d’adrénaline difficile à maîtriser. C’est là que le rôle de la presse devient cruciale et la dotation en ressources adéquates nécessaire.

La presse, de manière générale, et la presse d’opinion, de façon particulière, devrait davantage faire preuve de vigilance et surtout de responsabilité. Les traces de Radio Mille Collines sont encore trop fraîches dans les esprits pour que l’on sous-estime le degré de nocivité de ces cracheurs de venin qui ont pris la démocratie africaine en otage du fait de leur partisanerie mesquine. De quoi se rappeler au bon souvenir des recommandations issues des travaux des régulateurs de médias tenus seulement l’an dernier à Ouagadougou.

L’opinion africaine attend donc des acteurs politiques ivoiriens qu’ils optent définitivement pour le fair-play. Il faut éviter à tout prix de tomber dans ce qu’il convient d’appeler désormais le scénario de type kenyan ou le syndrome de Nairobi. Et surtout souhaiter que la sérénité prédomine dès les lendemains des élections. L’essentiel étant de rebâtir une Côte d’ivoire unie et prospère dans une sous-région pacifique, intégrée et harmonieuse.

"Le Pays"

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