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France/Burkina : Bernard Kouchner se fâche à Ouaga

Publié le lundi 28 janvier 2008 à 10h11min

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Après Kinshasa et Kigali, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, était en visite au Burkina hier 27 janvier 2008. Il a été reçu, dans la matinée par son homologue burkinabè, Djibrill Bassolé, et, immédiatement après, par le Président du Faso.

Avant de répondre à l’invitation à déjeuner de Blaise Compaoré, le diplomate français a bien voulu se prêter aux questions de la presse au palais présidentielle de Ouaga 2000. Mais l’entretien finira en queue de poisson, puisque Bernard Kouchner s’est fâché et a donné dos à la presse, lorsqu’un confrère l’a interrogé sur sa prétention à se faire "médiatiser" partout où il passe (lire interview). C’était donc la fin de la médiatisation de Bernard Kouchner au pays des Hommes intègres.

Après deux rendez-vous manqués le mois dernier avec le Président du Faso (il a reconnu que c’était sa faute), le ministre français des Affaires étrangères a fini par atterrir au pays des Hommes intègres dans la nuit du samedi 26 janvier dernier. Et cela, après avoir passé quelques heures, d’abord le vendredi, en RD Congo, où il a échangé avec le président Joseph Kabila et le Premier ministre Antoine Gizenga, puis au Rwanda le samedi, où il a discuté avec le président Paul Kagamé sur la normalisation des relations entre Paris et Kigali.

A Ouagadougou, le diplomate français s’est entretenu dimanche matin "dans une ambiance très différente" (c’est son terme), avec son homologue burkinabè, Djibrill Bassolé, puis avec le président du Faso, au palais de Ouaga 2000. Avec Blaise Compaoré, il était d’abord question d’amitié, a déclaré Bernard Kouchner, à sa sortie d’audience, insistant sur les relations personnelles qu’il dit entretenir depuis des années avec Blaise Compaoré. Il a ensuite été question d’échanges autour des relations bilatérales entre Paris et Ouaga, des grands travaux dans les domaines de l’éducation, des infrastructures, de la crise du coton, et bien entendu de la situation régionale, avec en toile de fond, la crise ivoirienne. Sur ce dernier point, Bernard Kouchner salue "l’influence très bénéfique du Burkina" à travers l’action du président Compaoré et du ministre Djibrill Bassolé qui devrait aboutir à l’organisation de l’élection en Côte d’Ivoire, en juin prochain. Bien d’autres sujets tels que les sommets de l’UEMOA de la CEDEAO, la situation au Darfour, l’opération européenne au Tchad, l’entrée du Burkina dans le Conseil de sécurité de l’ONU en tant que membre non permanent, etc., ont fait l’objet d’échanges entre Kouchner et Compaoré.

Par Paul-Miki ROAMBA

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ENCADRE

Le French doctor face à la presse

Après son entretien avec le président burkinabè, le ministre français des Affaires étrangères s’est prêté volontiers aux questions de la presse. Nous vous proposons les réponses apportées par Bernard Kouchner qui a été invité à se prononcer sur des situations en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Rwanda, et aussi sur des questions telles que les APE, la menace terroriste, l’immigration en France, etc.

Le Pays : Avec Blaise Compaoré, vous avez parlé de l’élection en Côte d’Ivoire, mais vous ne semblez pas sûr que cette élection se tiendra en juin, comme indiqué...

Lorsqu’avec le président Nicolas Sarkozy nous avons rencontré le président Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire, l’élection était prévue pour juin de cette année. Mais il y a eu, entre-temps, des obstacles techniques qui vont peut-être retarder l’organisation de l’élection, mais ce qui est important, c’est que tout le monde est d’accord maintenant pour la tenue de cette élection. Mais comme vous le savez, il y a des inscriptions, il y a la façon dont on pourrait mettre à jour les listes électorales en tenant compte des citoyens ivoiriens qui sont devenus majeurs depuis les dernières listes électorales. Avec un, deux ou trois millions de participants en plus à cette élection, ce sera un électorat d’environ huit millions d’électeurs. ça veut dire qu’il y a un travail énorme à faire, et l’on comprendrait bien que ça soit difficile. Mais il y aura une élection de toutes façons, c’est la promesse.

Mais pas en juin ?

Je n’en sais rien, moi ! Je souhaite en tout cas que ça soit en juin. Je me rappelle la dernière fois que le président Gbagbo avait dit que ce serait en juin, mais comme je l’ai dit, il y a eu des impératifs techniques, mais ça ne sera pas grave que cette élection soit repoussée d’un ou de deux mois. L’essentiel est qu’elle se tienne cette année. Et tous les protagonistes (MM. Gbagbo, Ouattara, Bédié, Soro), avec la participation oh ! combien bénéfique du Burkina, sont d’accord pour ça. C’est bien parce qu’avant ils ne l’étaient pas.

Dans l’affaire du Djola, au Sénégal, un juge d’instruction français était récemment à Dakar pour examiner des plaintes déposées par des Français. Dans la foulée, le porte-parole a laissé entendre que nous n’étions plus dans les Etats africains néocoloniaux. Quel est votre point de vue là-dessus ?

Mon point de vue est celui du porte-parole parce que c’est mon porte-parole d’une certaine façon. Il n’est pas question pour moi de commenter ce qui se passe dans le domaine de la Justice, ce n’est pas mon rôle. Je veux seulement que les relations soient bonnes.

Est-ce que votre bref séjour à Kigali vous a permis de tracer les sillons d’une reprise rapide de la coopération diplomatique entre Paris et Kigali qui est rompue depuis que le juge Jean Louis Brugère a émis un mandat d’arrêt contre 3 proches du président Kagamé ?

Oui, mais enfin !... ça pendra encore quelques mois bien entendu, car il faut que nous établissions le chemin de la sortie. Avec le président Kagamé, je suis resté seulement deux heures et demie, mais ça suffisait parce que nous nous connaissions très bien. Puisque pendant la période du génocide, c’est-à-dire en avril 1994, j’étais là-bas ! Je sais ce qui s’était passé, et personnellement, je tiens beaucoup à ce que les relations diplomatiques soient rétablies. C’est le voeu du président Kagamé, c’est également le voeu du président Nicolas Sarkozy, puisque nous nous sommes rencontrés à Lisbonne. Dans quelques jours, deux représentants du Rwanda viennent à Paris et il y aura un groupe de travail qui va être mis en place pour qu’on trouve le chemin pour aller de l’avant. ça, c’est très positif. Mais je ne sais quels seront les délais précis, franchement, je ne le sais pas.

Quelle est la position de la France par rapport aux APE, elle qui s’est toujours voulue l’avocate de l’Afrique ?

Sur cette question, le président Wade nous avait beaucoup interrogés lors de la conférence de Lisbonne. Je crois qu’il faut absolument trouver les chemins d’un accord qui tienne compte de la réalité et pas seulement des théories économiques. ça, je suis d’accord. Maintenant, il faut le faire avec précaution, parce qu’il ne faut pas désactionner un système économique international dont la crise vous est familière maintenant. Ce système est quand même en crise. Il ne faut pas être théoricien, il faut savoir à chaque fois ce que ça signifie pour les populations. ça, c’est le rôle de la France, mais pas seulement de la France ; ne soyons pas prétentieux. Alors, il faut voir comment on peut y participer. Vous savez qu’il y a un Français au Fonds monétaire international, le ministre Strosgane ; vous savez que cette réforme, cette participation des pays en développement s’impose.

La menace islamiste dans le Sahara est réelle. Est-ce que vous en avez parlé avec le Président du Faso, et est-ce qu’il y a des plans qui se profilent à l’horizon entre Français et Africains ?

Nous avons parlé d’éventuels contacts et d’éventuelles conférences compte tenu des situations dans le Sahel, mais nous n’avons pas été plus loin. Mais je peux dire qu’on nous a beaucoup reproché d’avoir influencé négativement le rallye automobile Lisbonne-Dakar. Mais ce n’est pas vrai ! Nous n’avons fait que donner les éléments d’informations que nous avions, et c’est un groupe privé qui s’occupe de ça. D’ailleurs, ce n’était pas Paris-Dakar, mais Lisbonne-Dakar. Je crois qu’ils ont pris une décision sage en arrêtant ce qui était risqué, puisque nous avions des renseignements qui visaient directement le rallye. J’espère que la sécurité reviendra et que le rallye se déroulera à nouveau.

Lors d’une visite du président Sarkozy à New Delly, il a été question de l’augmentation du nombre de visas pour les Indiens désirant étudier en France. Est-ce qu’il en sera de même pour le Burkina ?

Oui. Je précise d’abord qu’au Burkina Faso, les demandes de visas sont remplies à 93%. Le Burkina n’est pas un pays de migration, et nous n’avons pas de problèmes d’illégalité. Alors, je suis très content de pouvoir le dire parce que j’aime la perspective de multiplier les visas et de faire en sorte que les étudiants du Burkina, en particulier, ne s’engagent pas dans les filières qui ne servent strictement à rien.

Du Vietnam en Somalie, le "french doctor" que vous êtes aime se faire médiatiser. Alors...

Attendez ! Regardez vous-même ! Vous me posez une question pour que je n’y réponde pas ! C’est ça ? Alors, je n’y réponds pas ! (ndlr : il retourne aussitôt à l’intérieur du palais présidentiel, laissant les journalistes sur leur soif ).

Propos recueillis par Paul-Miki ROAMBA

Le Pays

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