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Bassiaka Dao, président de la Confédération paysanne du Faso : « Nous avons beaucoup de choses à dire au Président du Faso »

Publié le mercredi 23 janvier 2008 à 10h04min

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La XIIe Journée nationale du paysan prévue les 25 et 26 janvier prochains, s’annonce prometteuse pour le monde rural. En tous les cas, c’est ce qui ressort de l’entretien que nous avons eu avec le président de la Confédération paysanne du Faso (CPF), Bassiaka Dao. Sans détour, il aborde les préoccupations des producteurs agricoles et se prononce entre autres, sur les questions brûlantes de l’actualité.

Sidwaya (S.) : Que pensez-vous du thème de la XIIème Journée nationale du paysan (JNP) qui est : « Intensification des productions agro-sylvo-pastorales » ?

Bassiaka Dao (B.D.) : Le thème de cette Journée nationale du paysan est particulièrement intéressant en ce sens qu’on parle de l’intensification de la production agricole à tous les niveaux, que ce soit en agriculture, en élevage, en agroforesterie et en pisciculture. Pourquoi intensifier ces productions ? La population croît d’année en année et les besoins alimentaires augmentent également. Intensifier notre production voudrait dire quitter l’agriculture de subsistance au profit d’une agriculture moderne. Ce qui voudrait dire qu’on ne doit plus travailler quatre mois et consacrer huit mois à ne rien faire et consommer ce qu’on a produit. Que durant les douze mois de l’année, l’agriculteur puisse continuer son activité en ayant recours aux facteurs de production. Il s’agit d’utiliser des semences améliorées afin de permettre à chacun de faire un très bon rendement. Voilà pourquoi je dis que le thème de cette journée est très intéressant et qu’il va nous conduire à la professionnalisation, à la modernisation de notre agriculture.

S. : Au cours de la XIème édition de la JNP tenue à Dori, les producteurs ont pris des engagements en ce qui concerne les ressources agricoles, animales et l’environnement. Quel bilan faites-vous de ces engagements ?

B.D. : Si je dois dresser un bilan de nos engagements pris à Dori, je dirai qu’il est positif. Vous le savez, la saison pluvieuse s’est beaucoup décalée au Burkina, ce qui a fortement influencé les productions céréalières et cotonnières qui ont enregistré un recul significatif. Toutes les superficies que nous devions emblaver n’ont pas pu l’être. Néanmoins, nous avons pu faire le maximum. Quand on prend par exemple le coton, nous avions prévu de produire 800 000 tonnes. Malgré les aléas climatiques, nous avons produit entre 380 000 à 400 000 tonnes. Ce qui nous place au premier rang des pays producteurs de coton en Afrique de l’Ouest. Cela voudrait dire également que nos engagements ont été tenus et, sans le facteur climatique, je suis certain que nous allions atteindre 800 000 tonnes de coton graine. D’autre part, des engagements pris au niveau de l’élevage ont eu un taux d’exécution assez significatif. L’utilisation des fosses fumières et compostières, des bottes de foin s’est intensifiée. Au niveau de l’aviculture, le nombre de poules prévues pour être vaccinées l’ont été effectivement. Je pourrais citer également bien d’autres actions que nous avons pu réaliser. Ce qui me permet de dire que notre bilan est positif.

S. : En dépit des efforts de part et d’autre, des conflits fonciers ont été observés encore en 2007 avec de graves conséquences, notamment à Manga. Croyez-vous qu’un jour on puisse arriver à résoudre définitivement ces problèmes ?

B.D. : En ce qui concerne les problèmes fonciers, je suis convaincu que notre allons y trouver des solutions à court et moyen termes. Quand nous parlons de foncier, la terre est le support de toute activité humaine. Ce qui fait qu’elle est l’objet de convoitises. Avec tout ce que nous avons entrepris en matière de sécurisation foncière où les acteurs du monde rural, les producteurs, l’administration, les chefs coutumiers se sont impliqués, je pense qu’à notre niveau et qu’au niveau de l’Etat, on a adopté la politique de sécurisation foncière. Cela est un grand pas. L’autre aspect que je voudrais souligner ici, c’est qu’à chaque fois qu’il y a un conflit foncier comme cela a été le cas à Manga, les organisations professionnelles notamment la CPF et les Chambres d’agriculture se sont déportées sur le terrain pour sensibiliser les protagonistes. Je parlais tantôt de solutions à court et à moyen termes. A ce sujet, l’avant-projet de loi sur la sécurisation foncière est en élaboration, ce qui va nous permettre dans l’immédiat, s’il est adopté par l’Assemblée nationale, de donner des orientations stratégiques à la gestion du foncier au niveau national, au niveau décentralisé et au niveau des acteurs. Dans ces trois paliers, nous aurons des zones d’agriculture et des zones pastorales bien distinctes qui vont permettre à chacun de mener en toute sécurité ses activités.

On dit au niveau national que la terre appartient à l’Etat. Mais nous, disons que tout ce qui grand (aménagements hydro-agricoles, pistes rurales, forêts classées) appartient à l’Etat. Au niveau décentralisé aussi, il y a les collectivités de l’Etat qui ont leur portion de terrain. En dehors de celles-ci, il y a maintenant les acteurs agricoles que nous sommes qui ont leur propriété. Selon la vision que nous avons définie, il y aura un cadastrage rural qui va permettre à chaque acteur de connaître réellement la limite de son territoire, de son exploitation. Et selon la politique de sécurisation foncière, chaque acteur détiendra son titre foncier et à partir de ce moment, je pense que cela va résoudre les conflits entre agriculteurs et éleveurs. Ce qui est déjà fait est intéressant puisque les zones agropastorales, les zones pastorales et les zones consacrées à l’agriculture sont chacune, bien définies.

S. : On pourrait vous répondre par exemple que cette stabilisation des prix sur les marchés est le fait de l’opération vente de céréales à prix sociaux initiée par le gouvernement ?

B.D. : Il faut que l’on se comprenne. Parce que les zones déclassées sont celles où les agriculteurs ont fait de mauvaises récoltes. C’est pour que ces agriculteurs puissent s’approvisionner en céréales que l’opération a été initiée. Certaines personnes auraient voulu que l’on les laisse profiter de la situation dans les provinces déficitaires. En les laissant profiter de cette situation, ce sont nos collègues qui n’ont rien récolté qui allaient ramasser les pots cassés. Puisque nous sommes dans un domaine de solidarité, que faut-il faire ? Nous avons bien indiqué les quinze provinces déficitaires où les céréales sont vendues à prix sociaux. Les autres provinces n’étant pas déficitaires, le marché est libre.

S. Qu’est-ce qui vous tient particulièrement à cœur et que vous entendez soumettre au Président du Faso le 26 janvier prochain ?

B.D. : Nous avons beaucoup de choses qui nous tiennent à cœur. Nous voulons que l’agriculture soit considérée comme un corps de métier qui nourrit son homme. Et après cela, il faudrait mettre un certain nombre de services adaptés à nos conditions. Ces services vont du crédit à la formation et la commercialisation de nos produits. En dehors de cela, pour que l’on soit compétitif sur le marché, nous allons dire au Président du Faso que dans les pays de la sous-région, les intrants agricoles sont subventionnés. Il faut qu’on subventionne les intrants au Burkina et que les producteurs aient accès aux produits à un taux d’intérêt de 7%. Au Sénégal, le taux est à 7,5. Au Niger, c’est la même chose. Au Burkina, nous sommes toujours à 12% frappés d’une TVA à 18%. Ce sont-là des préoccupations que nous allons soumettre au Président du Faso. Cette année, nous n’allons pas être très long à la Journée nationale du paysan. Nous allons échanger autour de trois thématiques qui sont : la subvention des intrants, la mise en place d’un dispositif d’approvisionnement en intrants de qualité en quantité, le crédit sur lequel on va s’appesantir, puisqu’on ne demande pas la charité. Il faut permettre à chaque acteur désireux de moderniser son exploitation, d’accéder aux crédits à un taux bonifié. Voilà autant de questions que nous allons débattre. On ne va plus se divertir cette année avec des sujets du genre insuffisance de semences améliorées ou autres, mais on va poser, soumettre trois ou quatre questions majeures.

S. : Selon vous, quelle est la difficulté majeure actuelle de notre agriculture ?

B.D. : La difficulté majeure de notre domaine d’activité est la modernisation de nos exploitations. Il est reconnu partout que le Burkinabé est un grand travailleur mais nos exploitations ne bénéficient pas d’équipements adaptés. 80% des producteurs utilisent toujours la petite daba. Ce qui nous tient vraiment à cœur, c’est la modernisation et cela doit nous conduire à la diversification des activités sur l’exploitation. Donc si nous avons des exploitations qui sont améliorées et si nous avons accès aux crédits, nous pourrons produire en toute saison. Je voudrais profiter de votre micro pour interpeller les médias. Il y a beaucoup d’activités qui sont menées par les organisations des producteurs mais on n’en parle pas. Que les médias consacrent une petite tranche de leur programme et production à l’agriculture afin que le grand public puisse s’imprégner des innovations et des réalités des marchés. Que constate-t-on ? Quand on lit ou écoute la presse, à tout moment, ce sont les analyses politiques. J’invite donc la presse à faire des analyses aussi sur l’agriculture. Cela peut mettre fin à certaines polémiques comme le bilan de la campagne agricole écoulée.

Entretien réalisé par Frédéric OUEDRAOGO

Sidwaya

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