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MBDHP : "Les opposants d’hier sont devenus les prédateurs de la démocratie"

Publié le lundi 21 janvier 2008 à 12h34min

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Le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), à travers cette lettre ouverte, demande aux chefs d’Etat de prêter un peu plus d’attention aux préoccupations profondes et légitimes de leurs peuples.

Excellences mesdames et messieurs les chefs d’Etat et de gouvernements de l’UEMOA et de la CEDEAO Nous saisissons l’occasion solennelle de la tenue des 12e sommet et 33 e conférence ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernements de l’UEMOA et de la CEDEAO à Ouagadougou, respectivement les 17 et 18 janvier 2008, pour nous adresser à vous qui tenez entre vos mains les destinées de plusieurs millions de personnes.

Par la présente, nous voudrions particulièrement vous interpeller sur la situation des droits humains dans vos Etats respectifs et en Afrique de façon générale. En effet, contrairement aux contenus reluisants des discours officiels que vous tenez souvent, la question des droits humains et de la démocratie reste très préoccupante dans la quasi-totalité des pays de la sous- région ouest-africaine et d’Afrique que vous dirigez.

Ainsi, sur le plan politique, la situation dans nos Etats est loin d’être la meilleure. La Côte d’Ivoire, le Liberia, la Sierra Leone et le Togo se remettent difficilement des longues années de crise, marquées par de nombreuses atteintes aux droits de l’homme. Ces crises, comme dans bon nombre d’Etats africains, ont pour origine le déficit de démocratie. Dans certains pays, les opposants d’hier sont devenus les prédateurs de la démocratie d’aujourd’hui. Il y a environ une année, c’était la Guinée Conakry qui vivait une crise sociale sans précédent, due à une gestion peu scrupuleuse du pouvoir d’Etat. A cette occasion, les forces armées n’ont pas hésité à ouvrir le feu sur des manifestants aux mains nues, dont le seul crime fut de revendiquer une meilleure gestion du bien public. Nous attendons toujours que justice soit rendue à ces martyrs de la liberté.

Aucun scrupule

L’actualité africaine de ces dernières semaines reste marquée par les violences postélectorales au Kenya. Au 10 janvier 2008, ces violences avaient causé la mort de plus de 600 personnes et forcé environ 250 000 autres au déplacement. Cette situation illustre la volonté de certains dirigeants de s’accrocher coûte que coûte au pouvoir, au mépris des aspirations et de la volonté de leurs peuples. Certains dirigeants, en effet, n’ont aucun scrupule à tripatouiller les constitutions afin de s’assurer un pouvoir à vie. A ce sujet, des velléités se manifestent au Cameroun et au Gabon, tandis qu’au Burkina Faso, on occulte volontairement le sujet en attendant, peut-être, le moment propice. Sur le plan des libertés, il est à déplorer la recrudescence de l’Etat policier. Ainsi, ces derniers mois, nous notons des arrestations et autres actes d’intimidation à l’encontre de journalistes au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Sénégal, etc.

Dans le même temps, certains dirigeants ont érigé l’impunité en mode de gouvernement. Ils assurent leur protection aux pilleurs de deniers publics, aux assassins et autres délinquants politiques. Au Burkina Faso, les assassins de Norbert Zongo bénéficient d’une impunité qui ne dit pas son nom. De nombreux cas de détournement de deniers publics demeurent impunis ; les auteurs bénéficient même quelquefois de promotion. Sur le plan des droits économiques, sociaux et culturels, la situation n’est guère reluisante. Les effets conjugués de l’application zélée des programmes d’ajustement structurels et de la mal gouvernance sont criards. Certains gouvernements de la région ne disposent d’aucune politique sociale.

Ils se contentent de répercuter sur les pauvres populations leur incapacité à élaborer des politiques de développement adaptées aux besoins de leurs peuples. La pauvreté est rampante dans nos contrées. Les populations sont confrontées à une misère noire. Manger à sa faim, boire à sa soif, aller à l’école, pouvoir se soigner, se loger, etc. sont devenus de véritables chemins de croix.

Dans tous nos Etats, les produits de première nécessité connaissent des hausses vertigineuses tandis que dans nos villes et campagnes, les revenus des couches laborieuses stagnent ou sont tout simplement en baisse. Pendant ce temps, les classes dirigeantes, insensibles aux misères de leurs peuples, s’enrichissent de façon insolente et exposent ostensiblement les signes extérieurs de leurs richesses souvent mal acquises. Sous nos tropiques, la politique est devenue le moyen le plus rapide de s’enrichir. Pour le reste, les laissés pour compte, les jeunes notamment, il ne reste plus qu’à tenter l’aventure par tous les moyens et au péril de leurs vies.

Excellences mesdames et messieurs les chefs d’Etat et de gouvernements de l’UEMOA et de la CEDEAO La situation des droits humains et de la démocratie pourrait être meilleure si vous prêtiez un peu plus d’attention aux préoccupations profondes et légitimes de vos peuples. Et une opinion désormais bien répandue sur le continent qualifie vos rencontres de grands-messes où l’on célèbre des retrouvailles entre amis. Il vous appartient, à présent et désormais, de nous démontrer le contraire.

Pour ce faire, le MBDHP vous appelle à :
- toujours placer la question des droits humains au centre de toutes vos préoccupations ;
- œuvrer inlassablement et avec persistance à la création d’Etats de droit dans lesquels les règles du jeu démocratique s’appliquent effectivement et équitablement à tous les citoyens.

Fermement attachés à la promotion et à la protection effective des droits humains et de la démocratie, nous vous prions de croire, Excellences Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de Gouvernements, en l’expression de notre haute considération.

Fait à Ouagadougou, le 17 janvier 2008 Le Comité exécutif national

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