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Issa Hayatou, président de la CAF : « Je rêve d’un pays africain vainqueur de la Coupe du monde »

Publié le lundi 21 janvier 2008 à 11h33min

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Issa Hayatou

Président de la Confédération africaine de football (CAF) depuis mars 1988, El Hadj Issa Hayatou est resté un homme d’une grande simplicité. Toujours disponible et affable, il a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses pour les lecteurs de Fasozine. Originaire du Nord du Cameroun, ancien athlète international et professeur d’éducation physique et sportive de métier, Issa Hayatou a également été, tour à tour, directeur des sports et président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Il est par ailleurs vice-président de la Fédération internationale de football association (Fifa) et membre du Comité international olympique (CIO).

C’est donc un homme averti qui aborde, en cette veille de la 26e édition de la phase finale de la Coupe d’Africaine des nations (CAN’2008) au Ghana, des questions ayant trait au football mondial et qui annonce sa retraite après la Coupe du monde 2010, en Afrique du Sud…

Fasozine : Monsieur le président, en cette année du cinquantenaire de la Caf, comment percevez-vous l’image du football africain ?
Je voudrais d’abord vous remercier pour l’intérêt que vous manifestez pour l’évolution du football africain et pour la Confédération africaine que j’ai l’honneur de diriger. C’est une immense fierté pour moi d’être à la tête d’une organisation qui célèbre ses 50 ans, et cette célébration est une étape importante dans l’histoire de notre institution.
Nous avons innové dans plusieurs domaines, multiplié les compétitions, amélioré l’image du football africain au niveau international à travers les actions de la Caf et les performances des équipes africaines. Nous avons accru l’audience du football africain, de sorte que certains estiment qu’après la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques, le plus grand tournoi sportif dans le monde c’est la Coupe d’Afrique des nations, avant même l’Euro. (…) Et un peu partout, malgré quelques difficultés et parfois des couacs ici et là, on voit que les choses bougent dans le bon sens, que la jeunesse africaine est heureuse de jouer au football. Tous ces résultats nous comblent de fierté.
En 50 ans, c’est un gros pari gagné. Nous ne pouvons que souhaiter que les 50 prochaines années permettent au football africain de s’affirmer davantage sur la scène internationale.

Avez-vous le feed-back du public et des dirigeants des pays comme le Burkina Faso ou le Mali, que certains considéraient petits mais qui ont réussi à organiser la Can, sur l’impact du football dans les pays ?
Je dois vous dire que les dirigeants de ces pays - et d’autres - sont toujours preneurs pour organiser à nouveau la Can. Je vais d’ailleurs vous raconter une anecdote. J’ai rencontré un richissime homme d’affaires malien basé à Sikasso, qui m’a avoué qu’il était très mécontent quand son pays a obtenu l’organisation de la Can, en 2002. Et puis, la Can a apporté 15 km de route à Sikasso, un stade neuf, l’électricité, le téléphone mobile et d’autres actions du gouvernement dans cette zone. Alors, mon interlocuteur me dit que si la Can pouvait venir au Mali tous les six mois, ce serait merveilleux…
C’est dire que la Can a apporté beaucoup à ces pays, surtout sur le plan économique. Au niveau touristique, beaucoup de villes de l’intérieur se sont ainsi fait connaître dans le monde entier. L’impact du football au niveau des peuples et des dirigeants de pays africains est donc manifeste.

La prochaine Can se joue en janvier-février 2008 au Ghana. Des attentes particulières ?
Déjà, les gens peuvent penser que Ghana’2008, c’est trop rapproché de Ghana’2000. Mais, en 2000, le Ghana avait co-organisé la manifestation avec le Nigeria, pour suppléer le Zimbabwe, qui avait renoncé à l’accueillir.
Pour 2008, le Ghana s’était présenté tout seul comme candidat à l’organisation de la Can. Et jusque-là, il a rempli convenablement son cahier de charges. Quatre stades ont été construits, les anciens stades de Kumasi et d’Accra ont été rénovés. On avait quelques soucis au départ, concernant les infrastructures hôtelières de Kumasi, mais ces doutes ont été aplanis. Quand nous nous sommes rendus à Accra pour le tirage au sort, les terrains d’entraînement n’étaient pas encore achevés, mais les plus hautes autorités du pays nous donné des garanties, que tout sera prêt avant le 15 janvier, date prévue pour l’arrivée des équipes.

Monsieur le président, l’Afrique va organiser, pour la première fois, une Coupe du monde de football senior en 2010. Quelle sera la particularité de cette Coupe du monde dont vous êtes le président du comité d’organisation au niveau de la Fifa ?
La particularité, c’est que ce sera une Coupe du monde à l’africaine. J’entends ici et là des gens prédire que nous allons échouer, que l’Afrique du Sud ne sera pas prête. Moi, je vous le dis : nous organiserons cette Coupe du monde qui sera une grande fête, peut-être même la plus belle Coupe du monde jamais organisée. Ceux qui annoncent l’apocalypse sont ceux-là qui ne voulaient pas de la rotation de cette compétition. Ils ne voulaient pas que la Coupe du monde vienne en Afrique, parce qu’ils ne veulent pas le bien des Africains. Ils viennent vers nous quand ils veulent obtenir des privilèges qu’ils souhaitent avoir pour eux seuls, chez eux.
Je peux néanmoins vous affirmer que cette Coupe du monde aura bel et bien lieu en Afrique du Sud et dans de très bonnes conditions. Je vous donne rendez-vous en août 2010 ! C’est un défi que nous allons relever. Déjà, je crois que le monde entier a eu une idée de ce dont l’Afrique est capable à partir de la grandiose cérémonie du tirage au sort des préliminaires qui s’est déroulée le 25 novembre dernier à Durban.

Cette Coupe du monde en Afrique sera-t-elle l’apothéose de votre présidence à la Caf ?
Je compte effectivement prendre un repos mérité après cette échéance. Je vise en fait deux objectifs, et j’espère que la nature me permettra de les atteindre : la Coupe du monde en Afrique et la victoire d’un pays africain à la Coupe du monde.
On peut dire que le premier objectif est déjà atteint, puisque je vous confirme que c’est l’Afrique du Sud qui organisera la Coupe du monde 2010. Pour le deuxième objectif, l’Afrique a toutes les potentialités pour le réaliser. Mais il faut reconnaître que la plupart de nos associations nationales de football ne parviennent pas encore à soutenir le rythme du haut niveau et sont restées trop approximatives dans leur fonctionnement. Vous avez vu le Ghana à la dernière Coupe du monde, ou le Cameroun et le Nigeria, avant. C’était des équipes capables de gagner, mais à la dernière minute on se rend compte qu’elles n’y parviennent pas, qu’il leur manque quelque chose, peut-être un peu de rigueur ou de discipline.
Je souhaite de tous mes voeux que la donne change à l’occasion de la Coupe du monde 2010. Même si on ne la gagne pas, au moins qu’on aille le plus loin possible. Parce que, à deux exceptions près (le Brésil en 1958 en Suède et en 2002 à Corée-Japon), tous les continents qui ont accueilli la Coupe du monde l’ont également remportée. Donc, comme l’Afrique l’organisera en 2010, il faudrait aussi qu’elle gagne…

A quoi allez-vous vous occuper après 2010 ?
Ce qui est sûr, c’est que je pense déjà à partir. S’il n’y avait pas cette Coupe du monde 2010, je ne me représenterais pas au terme de mon actuel mandat qui finit en 2009. Mais je vais le faire, uniquement pour vivre ce grand moment du football africain pour lequel je me suis tant battu. Après, je partirai…
Etre président de la Caf n’est pas une affaire simple, ne serait-ce que par le nombre de voyages qu’on est obligé d’effectuer. Je ne sais pas exactement à quel moment je vais partir, mais je crois qu’à plus de 65 ans, il faudra que je ménage ma santé et que je prenne enfin le temps de me reposer. Pendant tout ce temps passé à la Caf, j’ai toujours bénéficié du soutien du gouvernement de mon pays, le Cameroun, et surtout du président de la République. Je demanderai aussi conseil aux autorités de mon pays au moment de me retirer.

Pas de reconversion en vue ? Juste du repos ?
Je vais quand même rester membre du Comité international olympique, ce qui est nettement moins contraignant parce que je ne suis pas président du CIO. Bien entendu, statutairement, je serai aussi président d’honneur de la Caf et vice-président d’honneur de la Fifa. J’aurai donc un calendrier bien allégé. Je verrai ce que je peux faire au Cameroun. Peut-être l’élevage, puisque je suis peuhl, ou bien l’agriculture pour imiter d’autres retraités célèbres.

Vous êtes tout le temps parti. Avez-vous encore des loisirs ?
Je ne peux pas vous mentir, je n’ai plus de temps pour moi-même. Je crois que personne dans le monde n’a la position que j’occupe : membre du CIO, vice-président de la Fifa et président de la Caf, la plus grande confédération continentale de football. En dehors des longs trajets, de la Chine en Afrique du Sud, de Tokyo au Mexique, il y a ces multiples réunions, où je ne peux pas me faire représenter et dans lesquelles j’ai l’obligation d’être présent. Les rendez-vous sont serrés et je suis vraiment très bousculé. Vous comprenez que je n’ai pas le temps pour quelque loisir. Et c’est pourquoi je vous dis qu’après la Coupe du monde 2010, si Dieu le veut, je vais me retirer, pour mieux gérer mon temps.

Entretien dirigé par Emmanuel Gustave Samnick à Yaoundé

Fasozine

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