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Guerre des boulangers : Wend Konta déballe tout

Publié le vendredi 4 juin 2004 à 08h04min

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Hajjar Rimon est le président du conseil d’administration du
groupe Hajjar, propriétaire des boulangeries Wend Konta et de
la minoterie "Minor". C’est un des poids lourds du secteur avec
18 boulangeries. Suite à notre article paru le 1er juin 2004 sur la
guerre que se livrent les boulangers de la place autour de
l’augmentation du prix du pain, Hajjar Rimon sort de sa réserve
et donne sa version des faits.

Il appelle à plus de concertation et
dénonce la pagaille qui règne dans le secteur en l’absence de
toute réglementation. Par dépit ou par découragement ? Nous
venons d’apprendre la démission du président du groupe Hajjar
de l’association patronale des boulangers et pâtissiers au
moment où nous bouclions cette édition.

Que s’est-il réellement passé à Bobo lors de la réunion des
boulangers ?

Merci de nous donner la parole pour vous relater les faits. Les
Boulangers ont effectivement demandé aux responsables des
unités présents à Bobo d’arrêter la production pendant 48 h.
Selon eux, cet arrêt de la production devrait permettre de réviser
un nouveau prix pour le pain. Mon fils adoptif, Traoré Hamidou
leur a dit qu’il refusait d’arrêter de produire, estimant que pour
augmenter le prix du pain, une concertation devrait être faite avec
les autorités. Il y a eu des menaces à son égard puis le sit-in
devant son unité. A la suite de cela il a déposé une plainte à la
gendarmerie. Nous déplorons ce qui s’est passé et qui a été
largement commenté dans la presse.

L’incident est venu du fait que vous aviez refusé l’arrêt de travail
ou de diminuer les marges des grossistes à Bobo ?

En réalité, les auteurs de la manifestation ont souhaite nous
associer à leur décision. Nous avons attire leur attention sur le
fait que ce sujet a déjà été a l’ordre du jour de nos précédentes
concertations et que les mesures prises étaient souvent violes
par certains signataires.

Comme mon fils a refuse d’observer un
arrêt de travail, et de diminuer les marges des grossistes sans
concertation avec les intéressés eux-mêmes, nous pensons
que cela a cause l’incident. Nous pensons qu’ une
sensibilisation des livreurs, grossistes et clients est nécessaire
pour obtenir le consensus au niveau de tous les acteurs. Ce
n’est pas en agressant une personne qu’on obtient son
ralliement.

Voulez-vous dire qu’il n’y a pas eu ce genre de concertation ?

Sil y a eu une concertation, c’est entre eux que cela s’est passé.
Nous n’y avons jamais été associé ; ni à Ouagadougou ni à
Bobo Dioulasso. Mais à Bobo comme nous avons été échaudé
des discussions qui se terminaient toujours en notre défaveur,
nous les avons regardé faire. Effectivement, s’ils réussissaient à
rogner les marges, tant mieux. Qui va refuser de se faire de
l’argent.

Cependant, le mouvement tel qu’il est enclenché, nous,
on ne marche pas dedans :
réduire les marges des grossistes que eux-mêmes ont
instauré et que tout le monde a suivi sans consulter les
intéressés eux-mêmes.
Et puis, augmenter le prix du pain sans l’accord de l’autorité est
quand même délicat, vu la sensibilité du produit. Sur la
diminution des marges des grossistes, c’est une chose que
nous n’avons pas refusé catégoriquement.

Mais pour y arriver, il
faut sensibiliser ceux à qui on a accordé ces marges
importantes. Les grossistes, livreurs clients cafetiers... Il faut
quand même une communication. Voilà en gros, ce que nous
avons défendu à Bobo, mais on n’a pas été bien compris. Ils ont
voulu nous contraindre. Ce n’est pas comme ça qu’on obtient
d’une personne son ralliement.

Vous avez refusé donc d’arrêter la production ?

Nous avons refusé car elle était injustifiée. Mais chose
curieuse, eux avaient décidé d’arrêter de produire mais avaient
produit dans la nuit du sit-in. t dans le même temps , on nous
demande d’arrêter notre production. Pourquoi ? Il y a quelque
chose qui ne va pas.

Est-ce la ville de Bobo seule qui était concernée ?

Le mouvement a commencé à Ouagadougou depuis fort
longtemps. C’est après que Bobo a suivi.

Le problème qui vous oppose est-il lié à l’augmentation du prix
ou à la stratégie mise en oeuvre pour l’obtenir ?

En réalité, comme nous l’avons dit plus haut, la procédure
utilisée non a semblé in appropriée. Il n’y a aucune
réglementation à part celle de la fixation du prix de la baguette
de pain et une recommandation de l’autorité par rapport aux
ristournes. Celle-ci propose une ristourne de 12 FCFA par pain
vendu au revendeur. A part cela, il n’y a plus d’autres contraintes.
Nous sommes présentement dans un monde libéral. Du fait
que le pain est une denrée sensible, l’Etat a voulu que l’on fixe
son prix à 120 F CFA la baguette. La ristourne de 12 F CFA
recommandée visait à permettre au pain d’être bien distribué au
sein de la population. Wend Konta est à 25 FCFA de ristournes
pour un pain vendu au comptoir. Cela est dû au fait que le
secteur de la boulangerie est en concurrence sauvage et
hostile. Il y a surtout les problèmes tel la débauche des livreurs
et des grossistes. Tout le monde pratique cela. Cela
occasionne cette descente aux enfers.

En tant que patron-boulanger, reconnaissez-vous qu’il y a des
problèmes dans la gestion des boulangeries aujourd’hui,
notamment avec l’inflation du prix des intrants ?

Bien sûr, il y a des problèmes. J’ai été le premier à attirer
l’attention des autorités là-dessus en leur écrivant, il y a cinq
ans. J’ai même fait un écrit sur la question dans un magazine de
la Chambre du commerce. Je n’ai pas attendu que ces
messieurs sortent dans la rue pour faire du bruit et attirer
l’attention du public sur les problèmes du secteur de la
boulangerie.

On vous accuse de refuser de réduire les marges, juste pour
récupérer tous les grossistes pour vous. Est-ce votre intention ?

Ce serait de l’utopie. Dans aucun pays, vous ne verrez un seul
boulanger détenant tous les clients. Le pain, c’est une affaire de
qualité et de goût d’abord, et les goûts et les qualités ne sont
pas identiques. A Wend Konta, nous n’avons jamais refusé que
l’on réglemente le secteur de la boulangerie. Réglementer, cela
englobe tout ce dont on parle actuellement, c’est-à-dire les
ristournes, la gestion des grossistes et des livreurs, la qualité,
le poids du pain. Je veux parler de tout ce qui peut entraîner une
concurrence malsaine.

Êtes-vous toujours membre de l’Association patronale des
boulangers et pâtissiers ?

Nous sommes membres de l’Association jusqu’à ce jour (2 juin
2004). Quand ils ont tenu leur réunion à Ouagadougou, nous
n’avons pas été conviés. Des rumeurs faisaient alors état que
nous ne sommes pas boulangers. Ni le président, ni le
secrétaire général ne nous ont contacté officiellement. Pourtant,
c’est nous qui les avons élus.

Pourquoi, ne vous conviait-on pas aux réunions ?

A mon avis, nous avons des adversaires ou même des
ennemis qui ne souhaitent pas nous y voir.

Malgré tout, reconnaissez-vous que la situation d’ensemble est
difficile ?

Nous ressentons les mêmes difficultés mais moins qu’eux
parce que nous ne les avons pas suivis dans leurs descentes
aux enfers. Nous donnons 14 F CFA et 25 F CFA de
commissions en fonction des clients et du prix auquel le pain
est acheté. 14 F CFA pour le pain vendu à 110 F CFA et 25 F CFA
pour celui vendu à 120 F CFA. Pour les clients des livreurs
appelés grossistes, nous leur donnons 12 F CFA par pain
vendu à 110 F CFA. Nous ne pensons pas qu’il en soit ainsi

Vos adversaires disent que vous n’avez pas de problèmes du
fait de votre minoterie. Ils parlent de monopole et de
concurrence déloyale.

S’ils pensent que nous avons un avantage quelconque, c’est
leur droit. Notre minoterie facture à nos unités la tonne à
340.OOO F CFA. Nous souhaitons que vous puissiez vérifier sur
le terrain que nous ne servons pas les meilleurs ristournes,
malgré l’avantage supposé de la minoterie.

Comment expliquez-vous cela ?

A l’époque, la farine importée était largement moins chère que
celle que nous produisons nous-mêmes aujourd’hui. Les
mêmes personnes qui en profitaient se plaignent. Nous avions
lutté pour leur vendre notre farine mais en vain.
La minoterie, ce n’est pas une faveur. Les GMB (Grands
moulins du Burkina) ont fermé, pourtant, ils avaient des
boulangeries. Dans le monde entier, il y a des boulangers qui
sont meuniers. Les grands moulins de France ont leurs
boulangeries. Ce n’est pas interdit. Dans la vie d’aujourd’hui,
tout homme sensé ne doit pas utiliser sa force dans le but de
nuire à autrui mais plutôt de construire. C’est ce que nous
essayons de faire. Nous sommes un groupe de 650 personnes.
Nous sommes fiers de faire du pain de qualité. Les
consommateurs nous font confiance et c’est cela qui nous fait le
plus plaisir.

Etes-vous prêts à revendre aux autres la farine que votre
minoterie produit ?

Depuis 1997, cette minoterie existe et personne n’a voulu
acheter la farine jusqu’aujourd’hui . Nous sommes prêt à le
faire. Mais sachez que nous achetons environ 250 tonnes par
mois à 350 000 F la tonne de farine étrangère aux mêmes
conditions que nos concurrents pour couvrir nos besoins. Et je
rappelle que la minoterie est une structure indépendante
financièrement. Elle peut revendre à qui elle veut.
Nous avions même été accusé, il y a 6 ans, de vendre la farine
sans en avoir le droit. Nous avions dû nous justifier devant les
autorités.

C’est une campagne contre vous alors ?

Je pense que tout cela est orchestré par quelques individus qui
ne veulent pas se dévoiler. Ils veulent nous déstabiliser et
désorganiser le secteur de la boulangerie. Nous n’allons pas y
adhérer. Le secteur de la boulangerie est un secteur important
pour la vie socio-économique nationale. Il emploie beaucoup de
travailleurs. Depuis 30 ans, la consommation n’augmente
quasiment pas au Burkina à cause des multiples crises. Et
pourtant c’est le premier employeur après l’Etat. Nous
souhaitons une réglementation qui prennent en compte les
soucis de tout le monde . Nous restons ouvert à tout dialogue
pour assainir le secteur sous l’égide de l’Etat. Nous n’en
voulons à personne.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO
Le Pays

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