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Guinée : L’impossible renouveau démocratique

Publié le lundi 7 janvier 2008 à 09h21min

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Cafouillage au sommet de l’Etat guinéen. A l’origine, un décret de restructuration des départements ministériels et secrétariats généraux, signé en décembre dernier par le président de la République de Guinée. Les erreurs dans le texte touchaient notamment aux prérogatives du secrétaire général de la présidence de la République.

Falsification du décret ou erreur technique ? Toujours est-il qu’il devait renforcer les pouvoirs du secrétaire général et le placer dans la posture d’un Premier ministre bis.

Un scénario que les Guinéens, jaloux des acquis des événements sanglants de janvier et février derniers, ne sauraient concevoir, et qui rend davantage enragés des syndicats déjà sur le pied de guerre. Autant dire que 2008 se présente, au pays de Sékou Touré, sous de mauvais auspices. Le second cafouillage est relatif au discours de nouvel an attribué au général Lansana Conté qui… n’était pas authentique. Il n’est pas besoin d’être dans les secrets du Palais pour constater qu’il y a eu pagaille au sommet de l’Etat. Le Premier ministre et son équipe étaient censés être les concepteurs du décret signé par le chef de l’Etat, le général Lansana Conté. Si cela n’a pas été le cas, on est en droit de se demander : qui a fait quoi, à partir d’où, à quelles fins, et pour quels intérêts obscurs et égoïstes.

Le secrétaire général de la présidence de la République, Sam Mamady Soumah, est, a priori, celui à qui devait profiter le crime. Selon le décret réorganisant le secrétariat général du gouvernement, les attributions dévolues au Premier ministre, seul chef du gouvernement, auraient été littéralement reprises pour être "concédées" au secrétaire général du gouvernement. Il fut, tout naturellement, désigné à la vindicte publique.

Mais attention, le théâtre d’ombres peut cacher bien d’autres marionnettes, bien d’autres acteurs, y compris le chef de l’Etat himself. D’autant que, comme on le sait, l’entourage du général-président est connu pour être un milieu d’intrigants aux agissements qui rappellent l’époque d’un certain Fodé Bangoura. Une époque faite de coups bas, d’animosités, de mensonges, de flatteries, sur fond de luttes de positionnement, de corruption et de détournement des deniers publics. Sans doute faut-il situer ces manoeuvres dans ce contexte malsain où grenouillent des forces opposées au changement, qui travaillent à reprendre la main après les acquis de l’an dernier, obtenus de haute lutte. Au prix du sang. Les Guinéens ont clairement exprimé leur désir de changement et perçu que la sortie de crise négociée en fin février dernier leur offrait désormais la chance de remettre leur pays sur les rails. Mais il faut s’attendre à ce que ceux qui l’avaient sorti de là, à des fins propres, s’emploient toujours à conserver leurs privilèges et sans doute à permettre à d’autres de se remettre en scelle.

Le Premier ministre a-t-il été trahi par le président Lansana Conté ? Ce dernier veut-il, dans le secret et par proches collaborateurs interposés, vider de sa substance les Accords tripartites de mars dernier et remettre insidieusement en cause les attributions du Premier ministre ? A-t-il voulu armer le bras du secrétaire général contre le Premier ministre ? En tout cas, le fait d’avoir automatiquement révoqué le porte-parole du gouvernement, Justin Morel Junior (JMJ) - qui n’a fait que lire un discours - sans en référer à Lansana Kouyaté, laisse songeur. Et l’on comprend le coup de sang de Kouyaté qui refuse de s’asseoir à la même table que le remplaçant de JMJ.

Cette décision unilatérale de Lansana Conté remet à nu la conception étriquée que le président-bidasse s’est toujours faite de son pouvoir. A dire vrai, l’homme est resté égal à lui-même et rien ne pourra le faire bouger du tabouret des certitudes sur lequel il est assis. Régnant depuis plus de deux décennies sur la Guinée et concentrant toujours entre ses mains la réalité du pouvoir, il n’est pas près d’abandonner ses vieux réflexes. C’est au-dessus des forces de cet homme qui a toujours fait la preuve qu’il est le seul maître à bord du navire Guinée. Et ce sera ainsi tant qu’il aura le soutien de l’armée.

A présent humilié, que fera Lansana Kouyaté qui ne veut aucunement entendre parler de démission de son poste ? Que peut-il faire en réalité ? Il aurait eu les coudées franches que le bilan des 8 mois de son gouvernement aurait mieux satisfait aux attentes des Guinéens. Pour son avenir politique et pour le bien de la Guinée, Conté ne devrait pourtant pas rejeter toute idée de démission. Il devra éviter de sombrer en compagnie du capitaine guinéen difficile à raisonner, pour ne pas porter avec lui la responsabilité du naufrage.

En tout état de cause, miser sur le binôme Kouyaté-Conté, c’est comme parier sur le mauvais cheval. Ils sont trop différents, notamment sur le plan de la gouvernance politique et économique, pour constituer un couplet gagnant de la bataille du renouveau démocratique. Le péché originel est d’avoir pactisé avec le chef de l’Etat et de compter sur le soutien d’un homme qui refuse de quitter les planches, bien que rongé par la maladie, sénile et incompétent. On ne saurait faire du neuf avec du vieux, et tous les Guinéens devraient accepter cette réalité.

Le Pays

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