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Le Dakar : Un rallye dans une voie sans issue

Publié le lundi 7 janvier 2008 à 09h02min

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Grosse déception, stupéfaction et incompréhension dans les pays qui devaient être traversés du 5 au 20 janvier (Portugal, Maroc, Sénégal et surtout Mauritanie), chez les préparateurs de véhicules et de motos, les équipes professionnelles ou semi-professionnelles et toute cette fourmilière besogneuse qui gravite autour de l’événement.

De mémoire de raiders, on n’avait jamais vécu pareil cauchemar. Tout juste certaines années, annulait-on, pour un motif ou pour un autre, certaines étapes, mais même tronquée la course se courait si on peut s’exprimer ainsi. Cette fois-ci, fait historique, rien de tel.

Tout le monde débande. Un faux départ à faire pâlir de jalousie le rituel hebdomadaire (tous les vendredis) du Moogho Naaba. Raison invoquée par A.S.O. (Amory Sport Organisation), qui s’est appuyée sur des recommandations du gouvernement français pour prendre cette décision inédite et lourde de conséquences, "l’assassinat de quatre touristes français le 24 décembre [en Mauritanie Ndlr] par une branche d’Al Qaïda au Maghreb islamique et, surtout, des menaces directes lancées contre la course par des mouvances terroristes". Dans un communiqué datant du 29 décembre, la nébuleuse d’Ossama Ben Laden attaquait violemment Nouakchott, coupable de collaboration avec les "croisés, les apostats et les mécréants", dénonçant au passage son soutien à la sécurisation de la manifestation. Mais en fait de "menaces directes", Etienne Lavigne, le directeur du Dakar, n’en sait pas grand-chose, les autorités françaises s’étant retranchées derrière la fameuse (fumeuse ?) "raison d’Etat" pour ne pas en dire plus.

Qu’à cela ne tienne, "le choix de la sécurité n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais sujet à compromis au sein du rallye", Lavigne dixit. Prudence étant mère de sûreté, et comme il vaut toujours mieux prévenir que guérir, on ne peut décemment pas reprocher aux organisateurs de l’affaire d’avoir appliqué le principe de précaution. Ceux d’ailleurs qui râlent aujourd’hui tels de vieux moteurs poussifs auraient été les premiers à crier haro sur le boudet si A.S.O. avait passé outre aux mises en garde du Quai d’Orsay et qu’il s’était produit quelque chose de dramatique.

Il n’empêche, on ne peut pas ne pas se poser certaines questions comme celles-ci :
et si on avait surestimé les risques, qui, de toutes les façons, sont omniprésents depuis que la multinationale du terrorisme a décidé de semer la mort à tout vent ?
toutes les alternatives ont-elles été explorées pour contourner la difficulté ?
n’y avait-il pas un plan B, autrement dit une solution de rechange avec, par exemple, une modification de l’itinéraire, comme c’est souvent le cas, et un raccourcissement de l’épreuve ?...

Il est vrai que si, ainsi que le disent les principaux concernés, la menace était diffuse, c’est-à-dire partout, il n’y avait pas grand-chose à faire ; encore qu’il ne faille pas pousser la psychose jusqu’à voir derrière chaque dune de sable un kamikaze embusqué prêt à opérer. La vérité est que le rallye a pris un gros risque en mettant (presque) tous ses œufs dans le panier mauritanien, où devait avoir lieu 8 des ...11 étapes. Difficile, voire impossible, de supprimer le palier Mauritanie sans que toute l’architecture ne s’effondre.

Ceux qui ont assassiné les quatre Français et, quelques jours plus tard, trois militaires mauritaniens n’ont donc pas fait qu’endeuiller des familles, ils ont aussi flingué le Dakar, victime collatérale de ces tueries de fin d’année. Si ça se trouve d’ailleurs, c’était peut-être l’objectif visé par leurs auteurs, et de ce point de vue, ils seraient parvenus à leurs objectifs. Lavigne l’avoue, la mort dans l’âme, l’annulation du rallye est une victoire du terrorisme international.

Reste à savoir, les mêmes causes produisant les mêmes effets et sans vouloir jouer les Cassandre, ce que l’on fera l’année prochaine et celles d’après si les menaces étaient réitérées, en Mauritanie ou ailleurs dans la mesure où les cellules dormantes d’Al Qaïda peuvent se réveiller n’importe où et à tout moment.

Le rallye, qui est visiblement dans une impasse, est-il en bout de course et va-t-il droit dans le mur ? Est-ce la fin du Dakar dans sa formule actuelle ? La question mérite d’être posée et on en redoute la réponse. Car, si celle-ci devait être affirmative, ce serait la mort d’une formidable aventure sportive, humaine et humanitaire qui, malgré les critiques itératives dont elle est l’objet, participe à une certaine visiblité de l’Afrique et contribue, fût-ce modestement, à la réduction de la pauvreté par la colossale économie qu’elle génère dans les pays traversés, lesquels vont subir de lourdes conséquences financières. Envolées donc les retombées directes et indirectes pour des centaines de milliers de personnes, qui n’ont désormais plus que leurs yeux pour pleurer.

Quid des forçats du désert que la seule vue du désert, de cette immensité sablonneuse, enivre ? Pour eux, la note est autrement plus salée et passé le temps de la stupeur, l’heure est aux calculettes. Ce sont en effet des mois, parfois des années d’efforts, à rechercher des sponsors, à réunir les fonds en s’endettant au besoin jusqu’au cou qui viennent d’être ruinés.

Quand on sait que les sommes en jeu sont considérables (des dizaines voire des centaines de milliers d’euros), on se demande bien comment les équipes pourront rembourser les clients et les sponsors et si, les éditions à venir (si elles ont lieu), ceux-ci ne rechigneront pas à se lancer de nouveau dans une aventure qui peut, du jour au lendemain, virer au mirage. Privés de ces espaces désertiques infinis, les voici maintenant contraints à une autre traversée de désert, financier celle-là et qui risque de se révéler autrement plus périlleuse que ces "21 jours de rigolade" pour reprendre l’expression de Claude Brasseur, un ancien vainqueur de la compétition.

L’Observateur

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