LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Signature des APE : "L’impréparation des économies ACP explique tout" (Siaka Coulibaly)

Publié le lundi 31 décembre 2007 à 11h53min

PARTAGER :                          

S’il est un sujet qui a mobilisé en 2007 les énergies en Afrique et, par-delà le continent noir, tous les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), ce sont les Accords de partenariat économique en négociation avec l’Union européenne. L’enjeu est en effet de taille même si la complexité du problème est telle que le commun des mortels ne s’y intéresse pas outre mesure, au contraire des questions politiques plus facilement abordables.

En tout cas, c’est en principe ce 31 décembre 2007 que prend fin la dérogation spéciale relative à la signature des APE par les pays ACP. Que se passera-t-il après ? Quels sont les enjeux de ces APE ? Pourquoi la Côte d’Ivoire et le Ghana ont signé des accords intérimaires ? C’est de tout cela et d’autres sujets ayant trait aux APE qu’il est question dans cette interview, que nous a accordée un spécialiste de la question, Siaka Coulibaly, consultant juriste, politologue, Secrétaire exécutif du Réseau des organisations de la Société civile pour le développement (RESOCIDE).

Pouvez-vous d’abord donner les enjeux qui ont sous-tendu la signature des tarifs préférentiels le 23 juin 2000 à Cotonou ?

• La signature des Accords de Cotonou en 2000 a correspondu à la mise en place d’un cadre juridique global de coopération entre l’Union européenne et ses partenaires des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) en remplacement des Accords de Lomé, qui avaient expiré. L’orientation préférentielle du volet commercial (Titre II) de ces Accords de Cotonou répond à des considérations d’ordre économique et de développement. Dans la mouvance néolibérale de l’économie mondiale, les règles régissant les relations internationales, notamment celles économiques, tendaient à une déréglementation générale.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui, depuis 1995, régule le commerce mondial, a adopté l’orientation libérale du commerce, laquelle tend, entre autres, à supprimer les préférences unilatérales qui existaient entre certaines puissances et leurs partenaires pays en développement. Les Accords de Cotonou permettaient à l’Union européenne de maintenir des liens de coopération vieux de plus de vingt-cinq (25) ans avec ses partenaires des pays ACP dans un contexte mondial caractérisé d’une part par des changements de mode de l’économie mondiale (toute puissance des multinationales, recul des Etats), et par la montée au premier plan de nouvelles puissances économiques et commerciales d’autre part (Chine). Pour les pays ACP, la coopération avec l’Union européenne signifie une assistance et une aide de plusieurs milliards de francs et surtout des règles de partenariat plus adaptées aux dispositifs politiques et économiques de ces pays.

En 2001, une dérogation de 7 ans a été accordée formellement par l’OMC, dérogation qui prend fin le 1er janvier 2008. Pourquoi avoir demandé ce moratoire ?

• Devant le constat de l’état d’impréparation des économies des pays ACP à intégrer le commerce international sans dommages (compétitivité), l’Union européenne, principal partenaire des pays ACP, et ceux-ci ont en effet négocié une dérogation spéciale de sept (7) ans auprès de l’OMC. Ce délai était prévu pour être le temps nécessaire aux réformes et aux ajustements des systèmes économiques et commerciaux des pays ACP afin de leur permettre de mieux s’adapter aux règles du commerce mondial. Il s’agit de mettre en place les dispositifs légaux et managériaux qui rendraient les économies des pays ACP à même de compenser les pertes de recettes douanières par des revenus purement commerciaux. C’est connu, en ce qui concerne les APE, il y a une polémique qui oppose les 15 membres de la CEDEAO plus la Mauritanie aux 27 pays de l’Union européenne.

Pouvez-vous nous situer sur les arguments des différents camps ?

• Les pays de la CEDEAO basent leur argumentaire sur les raisons qui ont justifié le moratoire de 7 ans, à savoir l’inaptitude des économies ACP à intégrer immédiatement le commerce mondial. Pour eux, la période du moratoire n’a pas permis les changements projetés dans les pays ACP et la signature d’un Accord de partenariat économique aux conditions proposées par l’Union européenne plongerait les pays ACP dans des difficultés économiques. La stratégie commerciale adoptée par l’Union européenne pour les APE suppose que le commerce peut permettre de générer suffisamment de ressources pour soutenir le développement socio-économique.

Les pays ACP rétorquent que leurs systèmes économiques ne sont pas encore prêts à affronter le commerce mondial pour des motifs de faible compétitivité et que les soutiens au commerce se feraient au détriment des investissements de développement privilégiant les secteurs sociaux. Le contexte de pauvreté galopante de la plupart des pays ACP rend indispensable de consacrer une partie importante des ressources publiques et de l’aide publique au développement à des dépenses sociales. Il s’agit ici de faire une option stratégique et le choix proposé par l’Union européenne, qui sous-entend plus de prise de responsabilité de la part des pays ACP et présente plus de risques, fait peur aux pays ACP, généralement habitués à une conduite planifiée et prudente de l’économie.

Peter Mandelson, le commissaire européen au Commerce, a déclaré en novembre dernier que si les Africains ne signaient pas le 31 décembre 2007, il n’y aurait pas de plan B. Et pourtant on s’achemine vers ce plan. Qu’en sera-t-il selon vous ?

• L’Union européenne a bien été obligée de proposer un plan B devant l’incertitude de la signature d’APE globalement par les pays ACP avant le 31 décembre 2007. Le 24 octobre 2007, Peter Mandelson, commissaire au Commerce, et Louis Michel, commissaire au Développement, principaux négociateurs pour l’Union européenne, ont proposé la signature des APE en deux temps : dans un premier temps, les parties signeraient avant le 31 décembre 2007 un accord intérimaire portant exclusivement sur les marchandises, et dans un second moment la poursuite des pourparlers pour la conclusion d’un accord final avant fin 2008. Symboliquement, le principe de ne pas recourir à une solution de rechange a été battu en brèche. Dans cette affaire, l’Union européenne a probablement péché par excès de confiance dès le début du processus, sans doute poussée dans cette voie par certains de ses principaux membres parmi les plus influents (France, Allemagne et Belgique) habitués, du fait de leur passé colonial, à des relations teintées de tutélarisme et de paternalisme avec les pays africains, majoritaires parmi les ACP.

Pour certains avertis en la matière, tant que la CEDEAO n’aura pas rendu effective sa zone de libre échange, les APE sont un saut périlleux dans l’inconnu. Votre commentaire.

• Pour ma part, les efforts des pays en besoin d’assistance que sont les pays de la CEDEAO doivent plutôt porter sur des réformes internes portant sur la gestion des ressources publiques et la formulation de politiques publiques audacieuses assorties de dispositifs cohérents et efficaces de suivi et d’évaluation de ces politiques publiques. Sans un système efficace de production de la richesse et surtout de redistribution des revenus de la croissance, toute l’aide et les initiatives internationales sont vouées à l’échec. D’ailleurs 50 ans au moins de coopération au développement, où toutes les approches et les formules ont été usitées, le prouvent. En l’absence de démocraties réelles et de gouvernance équilibrée (dans l’esprit de la séparation des pouvoirs), les systèmes économiques produisent peu d’effets.

Les pays ACP et ceux de la CEDEAO en particulier ont encore besoin d’établir des dispositifs de participation citoyenne aux décisions sur la formulation, l’exécution et l’évaluation des principales politiques publiques de développement pour assurer l’efficacité recherchée à leurs systèmes nationaux. Dans l’acception de la bonne gouvernance, le contrôle citoyen de l’action gouvernementale (politiques publiques) est considéré comme une condition et un facteur systématique de succès. Cela remet au goût du jour la question du rôle et de la place réels de la société civile dans ces pays, qui sont toujours loin du niveau à partir duquel ce segment de la société pourrait faire une contribution significative au développement. Sans l’assainissement et la réforme des administrations publiques des pays de la CEDEAO et le renforcement du secteur privé, ainsi que l’application des dispositions du Protocole Additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance, adopté par la CEDEAO en 2001, les mesures technocratiques comme la zone de libre échange seront loin de pouvoir remédier aux maux de la sous-région. Prenons l’exemple illustratif de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO.

Le Protocole A/P/1/5/79 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement a été adopté en mai 1979 par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO. Malgré ses multiples protocoles additionnels et les textes d’enforcement dans les droits nationaux, la réalité de la circulation sur les routes et de la résidence des citoyens dans les différents pays membres est toujours en question. En partant de cet exemple, on peut extrapoler un manque d’effet de l’établissement formel d’une zone de libre échange dans l’espace CEDEAO sans la mise en œuvre préalable de réformes dans les différents systèmes de gouvernance et économiques. Cependant, dans la perspective du libre échangisme contemporain, un tel mécanisme pourrait théoriquement servir à booster les économies des pays de la CEDEAO et contribuer à la lutte contre la pauvreté.

On cite justement la division qu’il y a entre les Pays les moins avancés (PMA) et les autres, qui risquent de ne pas parler d’une même voix au finish. Ainsi la Côte d’Ivoire et le Ghana ont paraphé des accords intérimaires.

• Les analyses du processus de négociations avaient déjà fait craindre que les pays ACP en général et ceux de la zone CEDEAO en particulier ne soient pas en mesure de soutenir des positions radicales de refus lors de ces négociations. La CEDEAO ne constitue pas encore de nos jours un bloc politique homogène capable de jouer un rôle géopolitique. On pouvait de ce fait s’attendre à un effritement de la cohésion des pays membres au moment de la signature des APE. De fait, les pays membres de la CEDEAO ne sont pas classés dans la même catégorie sur le plan mondial. Sur les quinze pays membres, seuls quatre ne sont pas classés parmi les Pays les Moins Avancés (Nigéria, Ghana, Côte d’Ivoire et Cap-Vert).

Ces pays, du fait de la taille de leurs exportations, seront dans l’obligation de payer des droits douaniers vers l’Europe avant de porter leurs productions sur le marché européen après le 31 décembre 2007 s’ils n’ont pas signé d’APE avec l’Union européenne. Cela n’est pas le cas des autres pays de la CEDEAO, qui, en tant que PMA, bénéficient de l’initiative Tout Sauf les Armes (mars 2001), qui est un mécanisme préférentiel à travers lequel ces pays peuvent exporter vers le marché européen sans payer de droits de douanes et sans quota. L’unité de façade qui existait entre les pays membres de la CEDEAO lors de ces négociations historiques a montré ses limites objectives durant la dernière ligne droite du processus. En ce mois de décembre 2007, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont, comme vous le rappeliez, signé des accords intérimaires avec l’Union européenne et ainsi brisé la position officielle de précaution affichée par la CEDEAO. Hormis cette dimension économique, des considérations de politique intérieure influencent fortement l’attitude des différents Etats vis-à-vis des APE. Les régimes nigérian et ivoirien ont, en ce moment, bien besoin de reconnaissance et de soutien diplomatique sur le plan international. Les APE apparaissent, dans cette perspective, comme une excellente opportunité de négocier un repositionnement sur la scène régionale ou internationale.

Un parallèle pourrait, ici, être établi avec le cas du régime libyen, qui, dans l’affaire des infirmières bulgares, aurait probablement échangé une libération des prisonniers contre un changement d’attitude de l’Union européenne envers Tripoli. Les retombées diplomatiques de ce marchandage sont bien visibles aujourd’hui avec la visite du Guide libyen en France du 12 au 15 décembre 2007. Cet exemple pourrait bien faire des émules, notamment du côté de la lagune ébrié dans la perspective d’élections présidentielles incontournables mais bien incertaines. Avec la zone de libre échange projetée, il y aura un démantèlement progressif des barrières douanières des pays ACP. Principe de réciprocité oblige. Ce qui serait asphyxiant économiquement pour les pays ACP, car les droits douaniers constituent 25% des recettes des Etats africains.

Qu’en pensez-vous ?

• Ce risque figure en bonne place dans l’argumentaire de ceux qui en appellent à la vigilance concernant la signature des APE dans leur forme actuelle. Des projections ont permis d’estimer les pertes probables des recettes douanières du Niger à 37 milliards annuels en cas de régime libre de droits douaniers. Il est certain que les pays comme le Burkina Faso, pour qui les recettes douanières constituent une part importante du Produit intérieur brut (PIB), vont subir des diminutions sensibles de leurs revenus en cas de suppression des barrières douanières. Sur ce point, il serait préférable que, parallèlement aux négociations des APE, les pays concernés commencent à imaginer des solutions de substitution aux recettes douanières, car inéluctablement, quels que soient les procédés utilisés pour en retarder l’échéance, les APE seront signés, ou ce qui est plus certain, le libre échange deviendra la règle pour tous, tendance mondiale oblige.

Il est temps que les responsables africains, notamment ceux des PMA, trouvent dans les ressources disponibles localement les solutions de rechange. Il y a bien dans chaque pays ACP une production naturelle ou un service pour lequel ce pays présente un avantage comparatif sur d’autres pays dans le monde. Par exemple, le Burkina Faso pourrait opérer l’option de l’élevage biologique et exporter à prix d’or des poulets ou de la viande de qualité. D’autres solutions sont certainement disponibles. Les Africains devraient éviter de tomber dans le catastrophisme par rapport à l’avenir néolibéral du monde, car, on l’a déjà dit, le terroir peut permettre de conjurer la mondialisation.

A ce risque s’ajoute également une sérieuse menace sur les unités industrielles africaines, qui deviendraient moins compétitives, provoquant des distorsions commerciales...

• Effectivement, la levée des préférences va contraindre les industries des pays ACP à subir des pertes de compétitivité par rapport à d’autres régions du monde. Malgré les préférences, le coton africain a déjà bien du mal à compétir face au coton venu de Chine. Qu’en sera-t-il si les producteurs africains devaient en plus, payer des droits de douane pour exporter le coton vers l’Europe ? Il existe d’autres obstacles que les droits de douanes : les normes de qualité (sanitaires), le label et la traçabilité sont autant de contraintes aux productions ACP sur le marché européen.

Ces obstacles vont obliger encore plus les pays ACP, en particulier ceux africains, à ne se positionner sur le marché mondial qu’en tant que fournisseur de matières premières brutes et à se désengager du secteur de la transformation. De même, ces pays vont constituer des marchés de consommation pour les industries des pays développés qui, par les fusions successives, en arrivent à réunir des moyens et des pouvoirs financiers bien supérieurs à ceux des Etats même parmi ceux les plus puissants de la planète. Prenons l’exemple du secteur de la téléphonie cellulaire. Combien de compagnies nationales des pays africains arrivent-elles à compétir avec les géants européens dans ce secteur ? Au bout du compte, les sociétés nationales de téléphonie sont obligées de se vendre à leurs consœurs du Nord ou de disparaître purement et simplement. D’où l’argument selon lequel le commerce est une solution aux problèmes de développement des pays ACP se rapproche vraiment de la spéculation.

Autre secteur "menacé" selon les contempteurs des APE, l’agriculture ; en cas d’accord, les exportations européennes vers les pays ACP augmenteraient de 35% au détriment de celles des ACP...

• La question de l’agriculture est parmi les plus dramatiques de ce projet de libre échange. Et c’est sur ce sujet que porte l’essentiel du discours de la société civile sur ces APE. Bien que l’agriculture soit considérée comme le premier secteur de production et d’exportation de la plupart des pays ACP, son importance tient en réalité à sa fonction de fourniture de moyens de subsistance d’une très grande (trop grande ?) partie de la population de ces pays. A défaut de permettre aux pays ACP de générer des revenus suffisants pour en faire des Etats riches, l’agriculture permet aux populations, notamment rurales, de subvenir aux besoins courants d’existence. Le libre échange va faire déferler des quantités industrielles de produits du Nord sur les contrées ACP.

Les inquiétudes ici portent sur la survie des petites exploitations rurales familiales, qui jouent en même temps des fonctions sociales et culturelles. Que feront les paysans africains une fois que le blé et le lait européens "bon marché" vont submerger les marchés de leurs pays ? Ces aliments seront-ils de nature à suppléer les habitudes culinaires des populations africaines ? A ces interrogations s’ajoutent celle des Organismes génétiquement modifiés (OGM), à la consommation desquels les Européens eux-mêmes opposent de fortes résistances. La solution technique préconisée face à ces inquiétudes est l’établissement d’une liste de produits dits sensibles contre lesquels les pays ACP seront protégés à l’importation. Des études sont en cours au niveau de la CEDEAO pour en définir la liste.

L’article 24 du GATT pose aussi un problème, car il restreint un peu les règles de l’OMC relatives au taux de tolérance, qui est de 90%, or l’OMC veut que ce taux soit ramené à 80%. Pouvez-vous expliciter ces règles pour les profanes ?

• Le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), en français Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé le 30 octobre 1947, avait pour objectif d’harmoniser les politiques douanières des pays signataires et surtout de faire baisser les prix au profit des consommateurs. Après plusieurs décennies de fonctionnement, le GATT qui, après tout, restait plus un système politique qu’une véritable organisation internationale (peu de structures, pas de personnalité juridique internationale), a été reformé pour donner naissance à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Son principal défaut était l’existence de trop nombreuses dérogations, ce qui, en définitive, revenait pour les Etats membres à adhérer à un « GATT à la carte » en fonction de leurs intérêts du moment. La principale faiblesse de ce système était la possibilité pour un trop grand nombre d’Etats membres du GATT de s’abstenir de respecter les principes directeurs (notamment la clause de la « nation la plus favorisée »). Du fait de l’entrée en vigueur des Accords de Marrakech en avril 1994, qui tentaient de corriger les lacunes du GATT, les contradictions entre les règles du GATT et celles de l’OMC n’ont plus de sens. Ce sont les règles de l’OMC qui s’appliquent présentement au commerce international.

Le GATT ne comptait que 23 pays en 1947 tandis que l’OMC comptait déjà 120 pays en 1994, à sa création. Qu’est-ce que cela représente également comme pertes d’ajustements fiscaux à l’exportation et à l’importation ?

• Si les Etats signataires d’un accord de libre échange s’imposent la suppression des droits de douanes, comme le prévoient les APE avec l’Union européenne, en revanche, ils ne sont nullement astreints à supprimer les autres taxes et droits. Par exemple, un produit X importé du Luxembourg au Burkina Faso, dans le contexte d’un APE avec l’Union européenne, sera exempté de tout droit de douanes. Une fois le produit introduit au Burkina Faso, il sera frappé de la TVA de 18% avant d’être mis à la consommation, sauf s’il fait partie des produits non concernés par cet impôt. De même, les impôts sur les bénéfices commerciaux auxquels aurait participé à créer ce produit seront pleinement dus au Trésor public du Burkina Faso. Les Etats ACP demeurent souverains en ce qui concerne leur fiscalité intérieure autre que les droits de douanes. Les pertes issues des ajustements fiscaux seront rapprochées des recettes tirées du commerce pour donner la balance commerciale, qui peut être excédentaire ou déficitaire à un moment donné.

Des pays africains bénéficient déjà de l’initiative Everything-but-arms (tout sauf les armes), et pourraient en bénéficier davantage si l’APE ne se réalise pas au niveau de la CEDEAO en fin décembre 2007. Qu’est-ce que c’est au juste ?

• Il s’agit d’une dérogation que l’Union européenne, depuis mars 2001, accorde à tous les PMA, y compris ceux qui ne sont pas ACP, en vue de leur permettre d’exporter leurs produits vers le marché européen sans s’acquitter de droits de douanes. C’est cette mesure qui constitue aujourd’hui la pomme de discorde entre les pays de la CEDEAO. Les pays non PMA (Côte d’Ivoire, Ghana, Cap-Vert et Nigeria) n’auront plus de protection de leurs exportations vers l’UE après le 31 décembre 2007 et devront s’acquitter des droits de douanes sur leurs exportations tandis que les pays ACP PMA exporteront toujours leurs produits vers l’UE libres de tout droit de douanes.

Ces pays sont donc moins sous la pression de la non-signature des APE que les pays de la CEDEAO non PMA. L’UE a pourtant exempté pour 5 ans deux produits de cette initiative, le riz et le sucre. Pourquoi ?

• Ces deux produits faisaient déjà l’objet d’autres arrangements au titre des Accords de Lomé, notamment des investissements spéciaux pour leur promotion. Le délai de cinq ans concerne probablement ces dispositions particulières.

Estimez-vous que si les APE étaient signés, le 8e objectif des OMD pourrait être atteint ?

• Cela dépend de quel point de vue l’on se situe. Pour l’Union européenne, les APE participent bel et bien du huitième Objectif du millénaire pour le développement, qui est « Développer un partenariat global pour le développement ». Les APE font du partenariat un de leurs principes cardinaux. Les Africains en général, et surtout la société civile estiment que dans leur forme actuelle, les APE vont plutôt réduire les chances de diminuer la pauvreté. D’ores et déjà, un partenariat suppose un dialogue d’égal à égal. Que les APE soient signés à la date prévue ou ultérieurement, le partenariat pour le développement des pays ACP a encore de beaux jours devant lui si l’on considère le fossé qui existe entre la situation actuelle et les échéances fixées par les OMD..C’est l’occasion pour la Société civile africaine de renvoyer un satisfecit au président sénégalais, Abdoulaye Wade, pour avoir osé porter la contradiction aux Européens en terre même d’Hellénie. Cet acte politique, loin de modifier le rapport de forces entre l’Europe et l’Afrique, porte une force symbolique certaine. Et c’est bien du flair politique que de tirer parti d’une situation aux règles bien figées.

Interview réalisée par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique