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Sini Pierre Sanou, Ambassadeur du Burkina à Accra : "Nous sortons souvent des opérateurs économiques de prison"

Publié le mercredi 26 décembre 2007 à 07h49min

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Sini Pierre Sanou

En plus d’être colonel de l’armée Burkinabè, Sini Pierre Sanou est l’ambassadeur du Burkina à Accra depuis 2004. Fidèle commis de l’Etat, l’homme, avant de prendre les rênes de la représentation diplomatique du Burkina au Ghana avec également sous sa compétence juridique le Bénin et le Togo, a d’abord servi comme attaché militaire à l’ambassade du Burkina à Paris.

Nous l’avons rencontré dans ses bureaux sis au quartier Asalam Down à Accra, le 10 décembre dernier. Le différend frontalier entre le Bénin et le Burkina, les difficultés rencontrées par les Burkinabè vivant dans les pays relevant de son ressort juridique et l’aura actuelle du pays des hommes intègres dans la sous-région, constituent l’essentiel de cet entretien.

"Le Pays" : Excellence ou mon colonel, c’est selon votre préférence, comment un officier de l’armée devient-il ambassadeur ?

Sini Pierre Sanou, Ambassadeur du Burkina à Accra : Appelez-moi simplement Excellence, compte tenu des fonctions que j’occupe actuellement.

Les exemples d’officier de l’armée occupant des fonctions diplomatiques pullulent dans le monde, surtout dans le cas des États Unis d’Amérique. C’est vrai, je suis colonel parachutiste de mon pays et j’en tire une fierté légitime. Pour être militaire, cela nécessite du courage. Etre officier parachutiste nécessite encore plus de courage. Ce sont le même courage et la finesse d’esprit qui nous permettent à nous diplomates de défendre en tout temps et en tout lieu, et cela de manière ferme, les intérêts vitaux du Burkina Faso.

Donc, lorsque j’ai eu l’honneur d’être nommé par son Excellence le président du Faso, le 12 mai 2004, je me suis dit qu’après avoir mis mon courage au service de mon pays à travers ma fonction de militaire, le temps était venu de la mettre en exergue dans la noble mission de diplomate que venait de me confier le Chef de l’Etat. Ce sont en effet des responsabilités lourdes, mais tout autant exaltantes, qui exigent, du reste des vertus militaires, notamment le sens du commandement, l’esprit d’initiative et la rapidité de décision sans attendre d’être couvert par des instructions, celles-ci venant de très loin et souvent trop tard. Parfois lesdites instructions n’arrivent, d’ailleurs, jamais ! Il faut donc être en mesure de prendre rapidement des initiatives dans l’esprit et dans la lettre de la mission et rendre compte à l’autorité pour recueillir la conduite à tenir. C’est vous dire que la Défense et la Diplomatie représentent un couple pratiquement indissociable dans le contexte actuel où les grandes questions internationales tournent surtout autour des résolutions de crises et autres conflits.

Parlant de grandes questions internationales, qu’en est-il des petits problèmes de frontière entre le Burkina et le Bénin ?

Le différend frontalier entre le Burkina Faso et le Bénin, notamment dans la zone de Kourou-Koalou, devient une question extrêmement sensible et récurrente depuis plus de deux décennies. Toutefois, avec l’implication personnelle et heureuse de son Excellence, le Président du Faso après la tenue à Ouagadougou en mai 2005 de la 3e session de la grande commission mixte de coopération bénino-burkinabè, et ceci en concertation directe avec le chef de l’État béninois, un règlement juridique et définitif est à portée de main. Ceci permettra, du reste, d’éviter bien des problèmes et de prémunir les générations futures des deux pays de tout conflit malheureux.

Qu’est-ce qui constitue actuellement le point d’orgue de l’aura du Burkina dans la zone dont vous avez la responsabilité diplomatique ?

Il faut déjà rappeler que l’ambassade du Burkina à Accra couvre le Ghana, mais aussi le Togo et le Bénin. Entre le Ghana et le Burkina, les relations sont excellentes. Comme je le dis toujours, ce sont des relations géographiques, historiques et économiques qui sont au beau fixe. Dans cet élan, nous avons même ouvert un consulat général du Burkina à Kumasi (deuxième grande ville du Ghana, après la capitale Accra, ndlr) pour davantage rapprocher la mission diplomatique de nos compatriotes qui résident dans cette ville. Au Bénin également, nous avons un consul honoraire, en la personne de Mamadou Lamine Ouédraogo qui abat un excellent travail de mobilisation et de défense des intérêts des Burkinabè dans de ce pays frère.

Au Togo, nous avons introduit une note verbale, pour laquelle nous avons reçu une réponse positive de la part des autorités togolaises, en vue de l’ouverture future d’un consulat général dans ce pays frère. Avec l’action permanente de son Excellence Blaise Compaoré, président du Faso, l’aura du Burkina dans ces trois pays n’est plus à démontrer. Elle est réelle, en témoignent les efforts reconnus du président du Faso qui ont abouti aux élections législatives anticipées apaisées du 14 octobre dernier au Togo, scrutin auquel ont pris part toutes les forces politiques, sans exception, de ce pays. C’est un excellent point pour le Togo et pour toute l’Afrique, grâce aux efforts continus du président du Faso dans le sens de la paix et du développement de notre continent. Je ne saurais occulter, en parlant de l’aura du Burkina sur l’échiquier international, la Côte d’Ivoire, pays où l’espoir de paix est permis, une fois encore, grâce au travail sans relâche du président du Faso.

Avec le Bénin, le Ghana et le Togo, les échanges commerciaux sont assez denses. En cela, quelles sont les difficultés que les opérateurs économiques burkinabè rencontrent le plus sur le terrain, et qu’ils vous répercutent sans doute ?

Au Ghana ici, la première difficulté rencontrée par les opérateurs économiques burkinabè est d’ordre linguistique. Mais depuis bien longtemps, ils arrivent à transcender cet obstacle et se font comprendre de façon correcte par leurs interlocuteurs ghanéens. Au niveau du port de Téma, ils disent rencontrer d’autres problèmes inhérents à leur activité. Nous arrivons, grâce aux efforts de tous mes collaborateurs et ma ferme conviction de défendre les intérêts des Burkinabè, à juguler certaines questions. Cependant, des difficultés demeurent persistantes sur les routes ; le Ghana ayant sa propre législation. Ainsi, en cas d’accident et lorsque la justice doit trancher, les activités du transporteur burkinabè prennent souvent un grand coup : le camion est bloqué et les déplacements du transporteur incriminé sont arrêtés. Il y a donc un manque à gagner difficile à combler par la suite. Certes, l’on ne peut pas toujours éviter les accidents, mais c’est leur gestion qui crée souvent les problèmes, notamment celui du permis international exigé sur le territoire ghanéen. Les conducteurs burkinabè doivent donc se faire établir ce document à Ouaga, avant de prendre la route.

Que fait concrètement l’ambassade du Burkina à Accra pour accompagner nos opérateurs économiques ?

Il y a des actions menées par les représentantsdu CBC, de la Chambre de Commerce et des syndicats des transporteurs. De même, le conseiller économique et commercial de l’ambassade, en la personne de Alain Compaoré s’investit beaucoup pour faciliter la tâche aux transporteurs. Ce service dispose d’un ensemble de données qui lui permet d’établir des contacts entre les opérateurs économiques burkinabè et les institutions ghanéennes en charge de ce volet. Nous sommes également aux côtés de ceux qui doivent investir au Burkina.

C’est ainsi que nous fournissons aux Ghanéens, Togolais ou Béninois qui voudraient faire des affaires au Burkina, les informations adéquates pour cela. Nous faisons de même avec nos compatriotes qui manifestent la volonté de mener des activités économiques en direction des pays auprès desquels nous sommes accrédité. Il faut relever également qu’il arrive que l’ambassadeur que je suis, soit saisi de l’emprisonnement de certains de nos opérateurs économiques. Là, nous mettons en oeuvre tous les moyens diplomatiques en notre possession pour les assister, les défendre, et parfois obtenir leur libération sous caution.

En dehors des difficultés spécifiques des opérateurs économiques, quelles sont celles d’ordre général rencontrées par les Burkinabè vivant dans les pays auprès desquels vous êtes accrédité ?

Que ce soit au Bénin, au Ghana ou au Togo, nos compatriotes sont très bien accueillis et vivent en parfaite harmonie avec les peuples hôtes. Pour cela, nous sommes très reconnaissants envers les autorités de ces pays où les Burkinabè font preuve d’une parfaite intégration. Dans le cas spécifique du Ghana, ils sont tellement intégrés que nous sommes contraints de les sensibiliser afin qu’ils n’oublient pas d’investir au Faso. La tendance actuelle nous oblige à cette sensibilisation car le constat est que nombre de Burkinabè installés ici au Ghana depuis des siècles, en sont venus à oublier jusqu’à leur patronyme, donc leur identité d’origine. Certes, la majorité de nos compatriotes continuent d’être fiers de leurs origines burkinabè. Toutefois, nous continuons la sensibilisation, pour que tous les Burkinabè vivant ici se fassent enregistrer et immatriculer, afin que nous puissions leur délivrer les documents d’identité burkinabè, notamment la carte d’identité et la carte consulaire. L’ambassade, ici à Accra, et le consulat général à Kumasi sont en mesure de délivrer ces papiers à tout Burkinabè pouvant en être possesseur. Sinon, de plus en plus, nous irons vers une diaspora au Ghana constituée de compatriotes sans papiers burkinabè.

Ils risquent alors de devenir des étrangers ou des sans-papiers dans leur propre pays !

Non, je n’irai pas jusque-là. Seulement, la situation est assez préoccupante et ce serait opportun que des recherches soient même entreprises sur le plan universitaire pour comprendre les causes réelles, lointaines et actuelles de cette tendance qui fait que des Burkinabè n’ont en leur possession que des papiers ghanéens. Cependant, je peux déjà vous dire que l’une des raisons fondamentales est d’ordre socio-économique. Quand ils ont les papiers ghanéens, ils bénéficient par exemple de la sécurité sociale et de certains autres avantages. Ce n’est pas mauvais, mais j’insiste pour dire qu’ils doivent tout faire pour avoir les papiers burkinabè, la double nationalité étant autorisée.

Arrivent-ils à obtenir facilement ces papiers burkinabè au niveau de l’ambassade à Accra ?

Si, très facilement. Si tu es demandeur et que tu fournis les documents et la petite contribution financière qui est demandée, le service consulaire de l’ambassade et le consulat général sont en mesure de délivrer les papiers, de façon diligente. Du reste, depuis la sensibilisation que nous avons entreprise et que nous continuons, de nombreux compatriotes viennent se faire délivrer la carte consulaire par exemple. A chaque passage du président du Faso, la diaspora émet le souhait de pouvoir exercer son droit de vote lors des différentes élections burkinabè. Or l’une des conditions, c’est d’avoir au moins une carte consulaire ou une pièce d’identité nationale valables.

Parlant du droit de vote, n’est-ce pas parce que les Burkinabè vivant au Ghana n’ont pas la possibilité de l’exercer qu’ils se détachent de plus en plus du Burkina ? S’ils ont des papiers ghanéens, ils votent certainement au Ghana et se sentent donc forcément plus Ghanéens que Burkinabè...

La question du vote des Burkinabè à l’étranger est en réflexion au niveau des plus hautes autorités du pays. Que ce soit pour le président du Faso ou le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, le sujet des Burkinabè vivant à l’extérieur est crucial. Tout ce qui peut contribuer à rendre la vie facile à ceux-ci est une priorité pour l’Etat burkinabè. Les autorités burkinabè sont donc très sensibles à cette question de vote qui se tranchera au moment opportun par elles.

Avez-vous des statistiques fiables en ce qui concerne la population des Burkinabè vivant au Togo, au Ghana et au Bénin ?

Selon les derniers chiffres, nous évaluons la communauté burkinabè à 2,5 millions d’âmes au Ghana, environ 500 mille au Togo et à peu près le même effectif au Bénin.

Dans quels secteurs d’activité retrouve-t-on particulièrement ces Burkinabè ?

C’est surtout dans les activités économiques, notamment au niveau des ports des 3 pays sus-cités, c’est-à-dire les ports de Téma, de Lomé et dans une moindre mesure, de Cotonou. Ce dernier port mène du reste la sensibilisation pour intéresser davantage nos compatriotes.

En guise de conclusion à cet entretien, quels sont les voeux que vous formulez pour l’année 2008 ?

Je voudrais réitérer ma reconnaissance au chef de l’Etat et formuler à son endroit, de même qu’à sa famille, mes voeux de santé, de longévité et de bonheur, afin qu’il continue à gouverner, avec sa légendaire clairvoyance, le Burkina. Je présente mes voeux les meilleurs à tous les Burkinabè, et particulièrement à ceux vivant au Bénin, au Togo et au Ghana. Je souhaite aussi aux autorités et ressortissants de ces pays la paix et la prospérité. Je remercie enfin les Editions "Le Pays" pour les efforts qu’elles font pour la démocratie et le développement du Burkina. Je souhaite mes voeux les meilleurs au directeur général du "Pays" et à tout son personnel.

Propos recueillis à Accra par Morin YAMONGBE

Le Pays

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