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La guerre du pain : Qui veut rouler l’autre dans la farine ?

Publié le vendredi 4 juin 2004 à 08h10min

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L’Association patronale des boulangers de Bobo a appelé ses membres et les revendeurs à observer une grève les 10 et 11 mai derniers. Cette décision a été jugée "brusque’’ par les boulangeries Wend Konta. Depuis lors, les deux parties sont en conflits. Une guerre larvée sur fond d’augmentation du prix du pain.

La miche de pain est jusque-là livrée aux grossistes à 85 F CFA. Prétextant d’un contexte économique difficile, des patrons boulangers ont proposé de leur livrer ça désormais à 105 F CFA sans toucher le prix au consommateur fixé à 120 F CFA. A défaut, il fallait augmenter le prix au consommateur. Le tout, c’est de permettre aux boulangers de "survivre’’.

Le groupe des boulangeries Wend Konta a refusé de s’aligner sur cette donne. Pourquoi ? "On ne peut pas augmenter le prix du pain sans l’autorisation de l’Etat’’ se défend le président directeur général (PDG) du groupe Wend Konta, M. Rimon Hajjar. Et d’ajouter : "Le pain, les cigarettes et les hydrocarbures sont des produits sensibles. Malgré le fait que nous sommes dans un contexte de libéralisme, le prix de ces produits est toujours sous le contrôle de l’Etat’’.

De l’autre côté, les arguments ne manquent pas : "les prix des intrants pour la fabrication du pain ont tous augmenté’’. Et cela depuis 1996, date à laquelle la première augmentation du pain a eu lieu. Le prix du DDO (gas-oil) utilisé pour faire "tourner’’ les fours a connu une hausse de 53 %. L’augmentation du prix du sel a battu tous les records (107 %). La farine, pour sa part, a augmenté de 53 %. Se fondant sur cette "dure réalité’’, l’Association des grossistes et revendeurs de pain (AGRP) soutient que "depuis, tout a augmenté sauf le prix du pain’’. Pour défendre sa cause, elle a monté un dossier dans ce sens pour ensuite l’adresser au ministère en charge du Commerce.

Wend Konta se démarque

Dans cette "guerre du pain’’, tout porte à croire que le lien est coupé entre les principaux antagonistes. Le PDG de Wend Konta qui se réclame "l’un des pères fondateurs de l’association’’ dit être marginalisé : "l’actuel bureau clame-t-il, ne nous a jamais appelés pour nous inviter aux réunions’’. (...) "C’est seulement le vendredi passé (28 mai) révèle-t-il que "nous avons été contactés par notre ministère de tutel pour une réunion présidée par le secrétaire général du ministère du Commerce’’. Wend Konta salue cette démarche, car ce groupe estime que c’est le ministère ("une structure diligente’’), qui est à même d’œuvrer dans le sens de pallier les problèmes qui opposent les boulangers. "Sinon, ce n’est pas la peine de s’entendre pour se tirer ensuite dans le dos’’.

M. Rimon Hajjar se souvient qu’il y a de cela trois ans, les boulangers, de commun accord, avaient procédé à une réduction des commissions versées à leurs clients (les revendeurs). Cette mesure, à son avis, avait coûté cher à Wend Konta car "les autres avaient profité pour retirer des clients de Wend Konta’’. "Ils nous ont attaqués en proposant plus de commissions à nos clients’’. C’est cette autre raison qui suscite "la méfiance de Wend Konta à s’allier de nouveau avec "les autres’’. "Moi, je m’occupe de ma clientèle, qu’ils s’occupent de la leur’’ a martelé M. Hajjar.

"Etre au four et au moulin’’

L’expression "être au four et au moulin’’ semble bien correspondre à la situation actuelle de Wend Konta. En effet, outre la série de boulangeries à travers le Burkina, Wend Konta dispose également d’une minoterie (la minoterie de l’Orient) situé à Kossodo à Ouagadougou.

Ce dispositif, selon les autres boulangers, place Wend Konta en bonne posture à leur détriment : "C’est de la concurrence déloyale’’. Pour eux, revêtu de ses habits de meunier "Wend Konta achète le blé en catégorie 1 de droit de douane et sans TVA, soit entre 6 et 8 %’’.

Pour leur part, les autres importent la farine de blé en catégorie 3 de droits de douane. Et cela leur reviendrait à 48 % plus cher toutes taxes comprises (TTC). En clair, les autres disent achèter la tonne de farine à 350 000 F CFA environ. Ce qui n’est pas le cas selon eux pour "Wend Konta. Cette dernière ferait une économie de près de 100 000 F CFA sur chaque tonne de farine qui sort de sa minoterie’’. Ce "monopole de fait’’ entraîne une déréglementation du marché du pain. En effet, peut-on demander à des gens de forces et de compétences différentes de compétir sur la même base ? Cette question a fait sourire Rimon Hajjar.

Celui-ci pense tout à fait le contraire. Il ne voit pas les choses de cette manière : "Notre minoterie ne peut pas produire la moitié de nos besoins’’. Et d’ajouter : "Nous achetons environ 250 tonnes de farine par mois’’. Ce qui dépasse de loin la commande groupée de tous les autres boulangers. Wend Konta dit acheter de la farine togolaise et également chez CORAM, "mais jamais de la farine fraudée’’. "La fraude’’ : Le mot est laché. Rimon Hijjar soutient que "les difficultés actuelles’’ de ceux qui l’attaquent proviennent de leur "non prévoyance’’. "Ils pensaient qu’ils allaient toujours avoir la farine par le biais de la fraude’’. "C’est cette fraude qui a tué les GMB (Grands moulins du Burkina). Maintenant qu’ils ne peuvent plus acheter la farine à bas prix, ils réclament le retour des GMB’’.

Pour clamer sa bonne foi, M. Rimon Hajjar dit avoir "écrit, il y a cinq ans au ministère pour attirer son attention sur le danger encouru par les GMB compte tenu de la fraude’’.

Revenant sur la minoterie, le premier responsable de Wend Konta a précisé ceci : "la minoterie est indépendante administrativement et juridiquement des boulangeries Wend Konta’’. Parlant de nouveau des GMB il a rappelé que "les GMB en son temps, étaient propriétaires de boulangeries. Il en a été de même quand M. Barro Djanguinaba a racheté les GMB’’... "Il n’existe pas de texte qui interdit une telle situation’’. "Nous sommes dans un marché de libre concurrence’’.

Pour Wend Konta, tout ce qui se passe à l’heure actuelle n’est qu’un "’procès d’intention’’. Dans cette affaire de pain, il a fallu que le ministère du Commerce se prononça afin de faire tomber la tension et aussi pour contenter les consommateurs. Mais les différentes démarches auprès du ministère sont restées vaines. Pourquoi ce silence ? Pourquoi la réglementation dans le milieu des boulangeries tant entendue tarde à se mettre en place ? Que se passe-t-il...? Aux dernières nouvelles, le prix du blé pourrait baisser au mois d’août prochain. La canicule qui a sévi l’année dernière a été la cause principale de la chute de la production du blé en France. Celle-ci est passée de 25 millions de tonnes à 19 millions.

L’absence de canicule cette année a retabli la production du blé à son meilleur niveau. Dans les grandes bourses, les côtations concernant le blé sont en baisse. Ce qui entraînera à coup sûr une diminution du prix du blé au grand bonheur des boulangers.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi @ yahoo.fr)
Sidwaya

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