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Alternances en Afrique : Hypocrisie, prudence et boulimie du pouvoir

Publié le samedi 22 décembre 2007 à 08h29min

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Si l’on interroge un chef d’État africain pour savoir s’il sera candidat ou non à sa propre succession, invariablement, il répond qu’il n’y a pas encore réfléchi et qu’il le dira le moment venu ; ou encore que c’est trop tôt pour en parler ; que le travail de construction du pays l’occupe à tel point qu’il n’a pas le temps d’y penser, ou que ce n’est pas le plus important pour l’heure.

D’autres sortent des balivernes, à l’image du président sénégalais Abdoulaye Wade qui disait que de toute façon "ce sera un Sénégalais". On lui posait la question de savoir s’il va quitter le pouvoir à la fin de son second mandat, et si c’est vrai qu’il prépare son fils aîné, Karim Wade, pour prendre sa place. Dans tous les cas, les réponses sont standard. Elles traduisent à la fois l’hypocrisie, la prudence et la boulimie du pouvoir des chefs d’État africains. Et s’il arrive que des présidents africains fixent des échéances, ils les respectent rarement, à l’instar de feu le général Gnassingbé Eyadéma qui, à force de vouloir s’accrocher au pouvoir, s’est aliéné les sympathies de la communauté internationale.

A voir de près, c’est superflu même de demander à un chef d’État d’un pays quand il va quitter la présidence. Des mécanismes juridiques, constitutionnels et autres sont là. Il suffit de les respecter. Dans un régime républicain, la question perd son sens. En Afrique francophone, le président de l’Assemblée nationale est le successeur constitutionnel du chef de l’État en cas de vacance du pouvoir. Mais on a vu ce qui est arrivé à l’ancien président de l’Assemblée nationale togolaise à la mort du général Eyadéma. L’actuel président de la République française, Nicolas Sarkozy qui savait depuis 2005 que Jacques Chirac était dans l’impossibilité de briguer un troisième mandat avait annoncé son intention d’être président. Aux États-Unis d’Amérique, les primaires vont bientôt commencer au sein des partis démocrate et républicain pour désigner leur candidat aux prochaines élections présidentielles qui auront lieu en novembre 2009. En Afrique du Sud, l’élection le 18 décembre de Jacob Zuma à la présidence de l’African National Congrès (ANC) fait de lui le successeur du président Thabo Mbeki. Tout est prévu et chacun sait quel rôle il est appelé à jouer.

La question de l’alternance politique pacifique, c’est-à-dire une alternance qui se déroule selon les dispositions de la Constitution, se pose principalement en Afrique subsaharienne, et de manière particulière, en Afrique francophone, où la plupart des présidents rêvent encore de présidence à vie et de dévolution dynastique du pouvoir républicain. Ici, on ne sait pas si l’on sera ou pas candidat, même si la Constitution fixe clairement qu’après deux mandats successifs à la tête de l’État, il faut laisser sa place à d’autres, afin qu’ils apportent leurs expériences dans la résolution des nombreux et multiples problèmes du pays. Dans cette zone, après 20 ou 40 années de mal développement, on se dit prêt pour assumer d’autres mandats à la tête de l’État.

En Afrique francophone encore, aucun président n’indique à l’avance s’il va quitter le pouvoir ou s’il va rester. Les explications les plus couramment avancées pour justifier ce comportement antidémocratique s’appellent préservation de l’unité du parti qui est à l’origine de son arrivée au pouvoir. On évoque la volonté de sauvegarder la paix sociale qu’une annonce d’un prochain départ est susceptible de compromettre.

Devant ces arguments avancés par les hommes au pouvoir ou leurs affidés qui peuvent être compréhensibles, même s’ils sont loin d’être convaincants, on est surpris par l’attitude de la mouvance présidentielle ou de l’opposition radicale. Rarement, des hommes de la mouvance ou de l’opposition affichent leurs ambitions politiques. Les uns et les autres ont une peur bleue de parler du fauteuil présidentiel. Par ces comportements les chefs d’Etat africains, de la zone francophone notamment, confortent leurs stratégies de confiscation et de conservation du pouvoir, souvent au nom d’intérêts claniques. On entoure le pouvoir d’un mythe et de toute une mystique. Celui qui l’a n’est plus un simple homme ; il a acquis une dimension surnaturelle. C’est pourquoi, tout est fait pour le conserver, mieux... pour le léguer à ses descendants. Et tout le drame de l’Afrique réside aussi dans la gestion d’Etats qui se veulent modernes, et qui paradoxalement s’appuyent sur des méthodes et des recettes d’un autre temps.

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