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Justice pour Norbert Zongo : Le baptême du feu de Zougmoré

Publié le vendredi 14 décembre 2007 à 12h29min

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Chrysogone Zougmoré

13 décembre 1998 - 13 décembre 2007. Cela fait 9 ans, jour pour jour, que le journaliste Norbert Zongo, alors directeur de publication de L’Indépendant, et trois de ses compagnons d’infortune, ont été sauvagement tués sur la route de Sapouy. Depuis, le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques, créé à l’occasion, réclame justice et vérité pour notre confrère à travers marches et meetings.

La célébration de l’anniversaire de cet odieux crime est devenu un "rendez-vous annuel" et a permis hier encore de remobiliser les militants du Collectif et d’afficher leur détermination à poursuivre la lutte, laquelle est placée, cette année, sous le signe du rejet du non-lieu et de la réouverture du dossier Norbert Zongo.

Le samedi 8 décembre 2007, le Collectif a livré un point de presse à la Bourse du travail de Ouagadougou au cours duquel le programme de l’anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo a été communiqué. Le calendrier arrêté n’a pas subi de modification. Ainsi donc, dans la matinée du jeudi 13 décembre 2007, les militants du Collectif ont été conviés dès 7h, au cimetière de Gounghin à Ouagadougou, pour le dépôt des gerbes de fleurs sur les tombes de l’illustre disparu et de ses trois compagnons d’infortune que sont Blaise Ilboudo, Ablassé Nikièma et Ernest Zongo. Pendant ce temps, la place de la Nation recevait du monde dont la plupart portait un foulard noir au cou en signe de deuil.

8h 30. Une effervescence particulière commence à régner. Le top de départ de la marche est imminent. Un groupe de jeunes filles se mettent devant avec une banderole "Contre le non-lieu, contre la vie chère, contre une école au rabais, pour les libertés démocratiques et la justice sociale". Derrière elles, des rangs se forment. La Confédération générale (CGT-B) se distingue par les drapeaux rouges brandis par ses militants. L’UNIR/MS aussi. Les ouailles de Me Bénéwendé Sankara sont habillés en tee-shirts portant le logo de leur parti.

Les sifflets résonnent en chœur. L’on se croyait dans un stade. La marche démarre, mais est vite stoppée. Que se passe-t-il ? "Il faut mettre de l’ordre", lance d’un ton martial, une voix. On soupçonne des intrus dans les rangs. "Où sont les brassards ?", demande un jeune, visiblement énervé qui, au passage, menace des usagers de la route qui voulaient forcer le passage. "Vite, doublez les brassards", dit un autre qui distribuait des morceaux de tissus à ceux qui portaient déjà celui qui est de couleur bleue.

« La jeunesse Wollosso...A bas ! »

« La jeunesse Mapouka...A bas ! »

La marche redémarre avec de multiples arrêts pour donner des consignes, mettre de l’ordre dans les rangs et dégager la circulation, car les forces de sécurité s’étaient contentées de bloquer certaines issues où le trafic perturberait le trajet des marcheurs. L’itinéraire allait de la place de la Nation à l’avenue Houari- Boumédienne (voie qui longe le cimetière municipal de Ouagadougou), en passant par le rond-point des Nations unies et l’avenue Kwamé-N’Krumah. Le dernier tournant pour rejoindre le point d’origine, c’est au niveau de la grande cathédrale.

Même si la mobilisation n’est pas celle des premières heures de la lutte, la détermination est toujours perceptible, ne serait-ce que pour cette journée souvenir. Les slogans et les chansons sont répétés en chœur, flagellant le président Blaise Compaoré, "le grilleur" et son "régime d’impunité", son épouse Chantal Compaoré, son frère cadet, François, El hadj Oumarou Kanazoé, Alizet Gando et sans oublier les "juges acquis" que sont Abdoulaye Barry, Adama Sagnon et Wenceslas Ilboudo, celui-là même qui a prononcé le non-lieu sur le dossier Norbert Zongo. Chacun en a eu pour son compte. La jeunesse même en aura pour son grade par ces slogans des plus marrants : « La jeunesse Wollosso...A bas ! La jeunesse Mapouka...A bas ! »

Retour à la place de la Nation

La chorale du Collectif séduit l’assistance, qui applaudit à tout rompre, avec l’hymne du Collectif et des chansons dont elle seule a le secret. C’est l’heure des discours enflammés contre le pouvoir de la IVe République. L’Union générale des étudiants du Burkina (UGEB), par la voix de son président, Hamidou Baguyan, dénonce la "falsification ignoble » de l’histoire du Burkina à travers la célébration des 20 ans de pouvoir de Blaise Compaoré".

"C’est parce que le régime panique face à la montée du front social et la crise dans l’armée que les fêtes sont organisées pour divertir le peuple", ajoute-t-il. Il s’insurge également contre les promesses non tenues faites aux étudiants, les difficiles conditions de vie au campus et les mesures « iniques » du ministre de l’Enseignement supérieur, Joseph Paré, à propos des bourses qui ne sont pas accordées aux bacheliers ayant obtenu leur parchemin au second tour. La solution à tous ces problèmes : "il faut que le pays soit débarrassé de tous ces délinquants", martèle le président de l’UGEB.

Le vice-président du groupe du 14-Février, le député Nestor Bassière de l’UPS, ajoute sa voix à celles de ses prédécesseurs pour présenter un tableau sombre du contexte sociopolitique, marqué, entre autres, "par une campagne agricole calamiteuse, l’adoption de mesures antisociales dans le budget 2008, la flambée générale des prix des produits de première nécessité".

Tolé Sagnon du Collectif CGT-B s’attaquera aux mêmes maux de notre société, dénoncés par ses camarades de lutte, liés à la mauvaise gestion du pouvoir de Blaise Compaoré. Mais, il est apparemment confiant car, promet-il, "aussi longue que soit la nuit, le jour viendra".

"La Justice veut seulement enterrer le dossier"

Chrysogone Zougmoré, le président du Collectif, après la minute de silence observée à la mémoire de Liermè Somé, directeur de publication de L’Indépendant, décédé dans la nuit du 25 au 26 novembre 2007, va également, dans son message, emboucher la même trompette que les autres avec un accent particulier sur le non-lieu prononcé le 16 juillet 2006. Morceaux choisis : "Le pouvoir s’empresse de dire à chacune de ses sorties médiatiques qu’il faut des éléments nouveaux, scientifiques pour rouvrir le dossier. En fait, il n’y a pas et il n’y aura pas de faits nouveaux pour le régime.

Quel fait nouveau peut-il y avoir après le brillant travail abattu par la Commission d’enquête indépendante (CEI) ? Quel fait nouveau peut-il y avoir après les nombreux et concordants témoignages reçus dans le cadre de la Commission ? Quel fait nouveau peut-il y avoir après l’expertise des experts en balistique, qui ont démontré que les armes utilisées pour tuer Norbert Zongo ne pouvaient provenir que d’une caserne militaire ?... Ce ne sont pas des faits nouveaux que la justice burkinabè recherche.

Elle veut, contre vents et marrées, enterrer le dossier". Face à une telle situation, il a conseillé : "il nous faut organiser la riposte en maintenant la mobilisation pour contraindre le pouvoir et sa justice de service à instruire le dossier Norbert Zongo, à trouver ses assassins, à les juger et à les condamner à la hauteur de leur forfait".

Cela est bien possible, selon Chrysogone Zougmoré, qui cite en exemple la lutte pour le jugement du dossier David Ouédraogo et la condamnation des éléments de la garde présidentielle. "Le Collectif a confiance à ses militants et au peuple burkinabè quant à leurs capacités à vaincre l’injustice et l’impunité et à conquérir la liberté et la justice", clame-t-il. Et pour conclure, Chrysogone Zougmoré lance la formule célèbre du Pr Joseph Ki-Zerbo "Naan lara, an saara" en dioula, entendez par là, "Si nous nous couchons, nous sommes morts". (Lire aussi 13 décembre à Koudougou, p. 35).

Issa K. Barry

Adama Ouédraogo Damiss


Un journaliste violenté par des éléments zélés

Lors de la marche, un journaliste a été violenté par des militants zélés du Collectif. Pendant que notre confrère prenait des notes dans les rangs, un jeune vint lui demander de décliner son identité. Il voulait achever la phrase qu’il écrivait sur son calepin avant de lui répondre qu’il était un reporter qui ne faisait que son métier. Mais on ne lui donna pas cette occasion de s’expliquer. Pire, le forcené lui tint le langage suivant en le bousculant pour le faire sortir du rang : « On s’en fout de votre couverture médiatique ».

Il s’ensuit une chaude discussion et n’eût été la présence d’Abdoulaye Diallo du Centre de presse Norbert Zongo, il serait victime d’une agression, voire d’un lynchage venant de ces jeunes hommes qui ne semblent connaître que le langage de la violence. Et ce n’était pas fini ! Plus tard, un autre militant lui demanda encore de présenter sa carte de presse ou son document d’identité qui prouve qu’il est journaliste. Le crime de notre confrère, c’est d’être resté par moments seul pendant que les autres reporters étaient ensemble durant tout le trajet, de crainte justement d’être pris à partie. Un autre reporter a failli lui aussi être victime d’une telle situation.

Ces éléments, à notre avis, inutilement surexcités, ont eu un comportement aux antipodes de la lutte du Collectif. Lorsque l’on marche contre la violence, l’on doit donner le bon exemple à travers des actes pacifiques. L’on comprend que dans tout groupe, il y ait des moutons noirs. Raison de plus pour que Chrysogone Zougmoré et les autres responsables du mouvement, qui ont d’ailleurs remercié les journalistes présents au meeting, sensibilisent davantage leurs militants, surtout certains étudiants, à plus de civisme et à un comportement responsable, digne de ceux qui luttent véritablement pour un Burkina, où la violence est bannie et où le dialogue et la tolérance sont des valeurs cardinales. Un policier se serait comporté ainsi que ces personnes auraient crié haro sur le baudet. Pour le moment, ils ne sont pas assermentés pour réguler l’ordre. Et si un jour, ils avaient le PA accroché à la ceinture...

I.K.B.

A.O.D.

Observateur Paalga

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