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Retour de Côte d’Ivoire : Une semaine au pays d’Houphouët Boigny

Publié le vendredi 14 décembre 2007 à 11h40min

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Depuis la signature de l’Accord de Ouaga le 4 mars 2007, on ne cesse de nous dire que, sur le terrain, les choses évoluent dans le sens de l’apaisement en Côte d’Ivoire, mais l’occasion ne m’avait pas été donnée de le constater ou de l’infirmer de moi-même. C’est la tenue des 39es assises de l’UPF à Yamoussoukro du 30 novembre au 7 décembre dernier qui me donnera cette idoine opportunité.

Avant de m’atteler à la rédaction ce petit carnet de route, je me suis même posé la question de son opportunité, tant la Côte d’Ivoire est familière pour les Burkinabè. Ces deux pays sont si imbriqués que, pensais-je, je risquais de n’avoir rien à dire qui ne soit déjà connu. Qu’à cela ne tienne, je tenterai de faire ressortir au moins quelques impressions de notre séjour en terre ivoirienne.

Après les assises de l’UPF à Libreville en 2003, Ouaga en 2004, Lomé en 2005, Buccarest en 2006, la Côte d’Ivoire a accueilli les récentes assises. Et comme Abidjan est à un jet de pierre de Ouaga, mon pays a fait par conséquent l’effort d’y être fortement représenté. C’est ainsi que le Burkina fera sensation avec une délégation de 14 journalistes. C’est le samedi 30 novembre que la première vague de ces hommes de médias quitta, à bord d’Air Burkina, l’aéroport international de Ouagadougou à destination d’Abidjan.

Le vol ne dura qu’une 1h 15 mn. Et l’aéroport Félix Houphouèt Boigny, nous y voilà. Tout de suite les formalités. Et premier couac avec les services sanitaires : emmitouflé dans une blouse blanche, un agent m’interpella :

- Monsieur, votre carnet de vaccination !
- "Je l’ai oublié à Ouaga", lui répondis-je. S’engagea alors un long dialogue.
- "Alors là, on va vous administrer un vaccin".
- "Oh, je ne supporte pas ! Je suis déjà vacciné et je ne souhaite pas en refaire".
- "Vous êtes de quelle nationalité et d’où venez-vous ?" répliqua-t-il.
- "Je suis Burkinabè et journaliste de mon état ".
- "Ah voilà, c’est pour cela vous parlez fort avec assurance ?". "Mais mon cher, poursuivit-il, vous savez qu’on a des problèmes ici avec vous les journalistes ; mais vraiment si c’était quelqu’un d’autre, on allait lui demander quelque chose".
- "Comme quoi ?" lui demandai-je.
- "Un peu quelque chose pour..."
- "Non, la prochaine fois".

Pendant que nous discutions à l’accueil, quelques belles hôtesses triées sur le volet, accompagnées des membres du Comité d’organisation des ces assises, dont le président de l’UPF Côte d’Ivoire, Alfred Dan Moussa, nous attendaient pour l’hôtel. Pour cette organisation, c’est peu dire que d’affirmer que toute la Côte d’Ivoire avait mis les petits plats dans les grands afin que le succès de l’événement soit à la hauteur des attentes des Ivoiriens pour un retour de la paix.

Autant Gbagbo que Guillaume Soro et presque tout l’establishment ivoirien, tous voulaient prouver à la face des journalistes du monde francophone, voire du monde tout court que la Côte d’Ivoire est désormais un pays fréquentable, que "Côte d’Ivoire is back". C’est à bord des spacieux cars de la SOTRA (Société de transport abidjanaise) que nous prîmes place.

Destination : le mythique hôtel Ivoire, en fanfare. Rarement, de mémoire d’homme de médias, on avait vu une délégation de journalistes escortée, roulant à tombeau ouvert, comme s’il s’agissait d’hommes d’Etat qu’on convoyait d’un lieu à un autre. C’est ainsi qu’en moins d’un quart d’heure, nous étions à la devanture de l’hôtel Ivoire.

Bien qu’atteints par les outrages du temps, l’immeuble reste majestueux. Rendons à César ce qui est à César, et reconnaissons que Félix Houphouèt-Boigny, qui a eu l’initiative de l’édification de cette haute bâtisse de 108 m de long et de 750 chambres disséminées sur 30 étages, où se démènent chaque jour 1500 employés, était un peu visionnaire. Penser à construire un tel édifice en 1963, il fallait bien s’appeler Félix Houphouèt-Boigny pour le faire.

Mais, faute d’entretien, de nos jours, l’hôtel Ivoire est l’ombre de lui-même. Les murs sont décrépis, les ascenseurs fonctionnent au ralenti et la climatisation centrale a fait place à des split grossièrement installés ; bref, ce haut lieu du tourisme ivoirien a perdu de son lustre d’antan. A la chambre 21-60, c’est-à-dire au 21e étage, où je logeais, j’avais tout Abidjan à mes pieds.

Durant toute la nuit, de la chambre voisine ne cessaient de me parvenir quelques bruits qui m’agaçaient un peu. Au petit matin, je ne mis pas longtemps à savoir que mes voisins de chambre n’étaient autres qu’un couple qui a jeté son dévolu sur ce prestigieux hôtel pour sa première nuit de noces. C’est ce que confirma d’ailleurs le tout jeune marié, que j’ai fortuitement croisé dans l’ascenseur.

Ceint d’un pagne aux couleurs vives, avec un bonnet d’où scintillaient quelques pépites d’or, le jeune homme avait les yeux bouffis de celui qui avait passé une nuit blanche. Après les salutations d’usage, il ne tarda pas à me faire des confidences comme si nous nous connaissions de longue date.

- Alors, pourquoi tant de bruits dans votre chambre durant la nuit derrière ?
- C’est ma première nuit de noces, répondit-il, et j’ai dû débourser 70 000 FCFA pour les deux nuits ici, pour être tranquille avec ma femme, car, à la maison, c’est infernal avec tout ce monde !
- Alors c’était bien ?
- "Vraiment pas tout à fait ! Car, vous savez, grand frère, ma femme, que j’ai connue il y a de cela quatre ans, m’a dit n’accepter les rapports sexuels qu’après le mariage. Et j’ai souscrit à sa volonté, ce, d’autant plus dans ma religion, c’est ce qui est prescrit.

Ne nous connaissant pas sur le plan sexuel, il va sans dire que ça n’a pas été aisé cette première fois". Mon Dieu, qu’est-ce qu’on peut avoir pour confident quelqu’un dont on ignorait l’existence il y a seulement une demi-heure ! C’est le même avec lequel je m’étais découvert des atomes crochus qui m’interpella le lendemain, tout enthousiasmé. Il était heureux, ce jeune homme, qui ne doit pas avoir encore 35 ans. Frais comme un gardon, le sourire aux lèvres, il était heureux comme un gamin à qui on venait d’offrir le jouet de son rêve.

- "Ah, grand frère, dit-il, hier c’était bien !"
- Ah bon, félicitation, tu vois que ce n’est pas la mer à boire que de réussir ces choses ? lui lançai-je en connaisseur.

Après un échange de coordonnées, nous nous dîmes au revoir, car le car affrété par l’UPF Côte d’Ivoire était déjà près pour l’excursion prévue à Bassam, une ville située à une cinquantaine de kilomètres d’Abidjan.

Première destination : Assinie Mafia (qui signifie en langue agni "où vas-tu me voir" ?) Une petite cité balnéaire, située à 80 km d’Abidjan. C’est là que nous visiterons Croco Dipi, le célèbre parc à reptiles, à crocodiles et à serpents. Une visite guidée empreinte d’émotion et de sensations fortes. Créé par Pierre Dupuis, un Français qui vit en Côte d’Ivoire depuis 1950, Croco Dipi a vu le jour en 1987 et compte une cinquantaine de crocodiles et une vingtaine de serpents ; à une encablure de ces sauriens, des bungalows en bordure de mer, pour faire partir son stress.

Après avoir apprécié cet échantillon de curiosités ivoiriennes, cap sur le centre de conditionnement d’ananas de la coopérative fruitière de la Comoé, sis à Samo (eh bien oui !) à 75 km à l’est d’Abidjan. Et ce fut plein d’enseignements que j’effectuai cette visite de la chaîne de production. Les responsables du centre ont permis aux participants de déguster leurs produits et ont eu la gentillesse de leur donner des cartons d’ananas en guise de présents.

L’intérêt de cette randonnée, c’est que ce centre exporte des ananas en direction de l’Europe. Et là, nous avons pu voir toute la technique utilisée pour répondre aux normes occidentales. Puis, Grand-Bassam. Première capitale de la Côte d’Ivoire, de 1893 à 1900, Grand-Bassam reste une ville de détente et de loisirs.

D’accès facile par un tronçon bitumé, cette cité balnéaire est sans nul doute l’endroit idéal pour fuir les bruits des grandes villes, le stress et la pression des bureaux et autres lieux de travail. C’est pour cela que, tous les week-ends, cette petite ville de 58 000 habitants est prise d’assaut par des milliers de touristes et d’autres gens.

C’est là que la délégation de journalistes est reçue par le maire, Jean-Michel Moulod qu’il s’appelle. De corpulence moyenne, il a le contact facile et la sérénité de ceux qui ont fini totalement de régler certains problèmes existentiels ici-bas. Mais son allure de modeste fonctionnaire jure radicalement avec ce qu’il est effectivement.

Après avoir parcouru brièvement le curriculum vitae de notre hôte, je me rends à l’évidence : l’homme, bien qu’ayant un allant modeste, n’en reste pas moins un des grands bourgeois de la bureaucratie ivoirienne. En effet, ingénieur des travaux publics de formation, il aura passé, excusez du peu, dix-sept (17) ans à la tête du Port autonome d’Abidjan, huit (08) ans au Port de San Pédro, avant d’être appelé au gouvernement. Depuis 2001, il est maire FPI de Grand-Bassam. Qui connaît la Côte d’Ivoire ne douterait pas alors qu’il soit milliardaire.

Après avoir présenté sa ville et ses nombreux sites historiques tel le musée national du costume, avec pour objectif ultime d’inscrire Bassam au patrimoine mondial de l’Unesco, il nous convia à un repas, en bordure de mer. Et comme disait le spot publicitaire de Burkina-Pat, c’était tout simplement bon. J’en connais un qui se lèche les batines, pardon la moustache, rien qu’à la lecture de ces lignes.

Une fois de retour à Abidjan, nous prîmes place dans des bateaux de la SOTRA pour naviguer des heures durant dans la lagune. Là poussent, de chaque côté, comme des champignons, de belles bâtisses devant recevoir seulement durant les week-ends leurs propriétaires. C’est ce qu’on appelle là-bas la baie des milliardaires.

Cap sur Yamoussoukro

Capitale officielle de la Côte d’Ivoire depuis le 21 mars 1989, Yamoussoukro est le patelin natal de feu Félix Houphouèt-Boigny. En effet, dans cette ville construite avec art, il n’y a pas que les artères colossales, il s’y construit aussi des bâtiments futuristes.

Yamoussoukro, dans son entièreté, aurait été d’abord dessiné sur papier avant que les travaux qui sont fait de ce village une ville moderne ne démarrent. Nul ne peut se soustraire à cette impression de stupeur lorsqu’il découvre l’Hôtel Président et son golf 18 trous (le plus grand de Côte d’Ivoire) ou encore, un peu plus loin, l’énorme maison du Parti-Palais des Congrès. Il semble que les matériaux précieux, et en particulier le marbre dont ils sont composés, font de ces bâtisses des références dans la sous-région, voire au-delà.

A Yamoussoukro, il n’est pas question de rues, mais de véritables avenues, aussi larges, asphaltées et éclairées que possible. Et que dire de l’immense propriété du Président Houphouèt-Boigny, entourée de lacs artificiels infestés de crocodiles et des villas destinées à sa famille et à ses invités ? A l’extrême ouest, sur une colline, se trouve la fondation qui porte le nom de l’illustre disparu. Immense bâtiment, cet édifice fait honneur au marbre et au bois précieux, prolongé d’une vaste esplanade de marbre illuminée par de nombreux réverbères et entourée "d’un jardin à la française".

Cet édifice, qui est un somptueux complexe sur trois niveaux et climatisé en permanence, dit-on, ne sert que deux ou trois fois l’an pour des séminaires et colloques internationaux. N’oublions surtout pas les grandes écoles telles l’Ecole nationale supérieure des travaux publics, pouvant abriter 1500 étudiants, l’Ecole d’Agronomie, etc.

La Basilique Notre Dame de la Paix

Nous l’avons visitée le vendredi 7 décembre en début de soirée. C’est somptueux. C’est une réplique de Saint-Pierre de Rome, sortie de terre grâce au génie de l’architecte libano-ivoirien Pierre Fakhoury. En effet, à l’issue d’un concours organisé fin 1984 et qui mettait aux prises plusieurs grands noms de l’architecture, c’est finalement Pierre Fakhoury qui a été préféré par Félix Houphouèt-Boigny.

S’étant mis aussitôt au travail, celui-ci fit en sorte que les délais de construction soient respectés, en mobilisait pendant trois ans 1500 employés pour y travailler de jour comme de nuit. Et, en 1989, il remit les clefs à qui de droit, c’est-à-dire à l’ex-Président ivoirien. Par le style donné à cette bâtisse, avec un dôme haut de 160 mètres rappelant par sa forme celui de Saint-Pierre de Rome, mais en beaucoup plus grand, cet architecte répondait au goût du Belier pour le néo-classicisme, avec le jeu de ses très nombreuses colonnes, particulièrement appréciées par le père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.

Ce dôme, dit-on, pourrait contenir Notre Dame-de-Paris. Marbre, bois précieux, vitraux, ascenseurs tubulaires dans les colonnes, climatisation, etc., cette construction étonne par sa démesure. Mais, au fait, quel en est le coût ?, avons-nous demandé à notre guide du jour. Non, dit-il, le Président n’a jamais révélé le coût de la construction, car, pour lui, une œuvre dédiée au Seigneur ne se comptabilise pas.

Cependant, certains l’estiment à 250 millions d’euros, soit environ 163 milliards FCFA. De l’avis d’un architecte, la construction de cette basilique coûterait au bas mot 300 milliards de nos francs présentement. Mais, de nos jours, cette basilique a été rétrocédée au Vatican et selon notre guide, ce sont des prêtres polonais qui y officient.

Je vous disais tantôt que les journalistes de l’UPF ont été choyés par les organisateurs. C’est ce qui explique que nous ayons été les premiers à prendre nos quartiers dans le tout nouvel hôtel des députés, construit en partie grâce à la Coopération chinoise. Là également, un joyau architectural qui n’est autre qu’un pas décisif sur le chemin du transfert de la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire d’Abidjan à Yamoussoukro.

Cet hôtel, d’une capacité de 300 chambres, est ultramoderne. C’est un bâtiment à six niveaux bâti sur un terrain de huit hectares, dont deux effectivement occupés par l’immeuble. Et il aura fallu 22,7 milliards CFA, dont 16 financés par la Coopération chinoise, pour le sortir de terre.

De ce pays nous aurions beaucoup à dire. Par exemole de cette paix qui tarde véritablement à s’installer avec ces patrouilles militaires toutes les nuits dans les quartiers d’Abidjan. Mais comme nous prions tous pour que ce pays retrouve sa sérénité d’antan, nous n’allons pas jouer aux oiseaux de mauvais augure.

Boureima Diallo

L’Observateur

L’Observateur Paalga

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