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Célébration du 11-Décembre : Le regard des chercheurs et universitaires burkinabè

Publié le mercredi 12 décembre 2007 à 09h44min

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Le gouvernement burkinabè a décidé de renouer avec le faste d’antan de la célébration du 11-Décembre, fête nationale. Cette année en effet, tous
les Burkinabè seront appelés à l’unisson, à travers des manifestations grandioses. Tout en définissant le sens que l’on peut donner à cette date,
des universitaires et chercheurs burkinabè (les Pr Basile Guissou, Serges Théophile Balima, Albert Ouédraogo) déclinent également leur appréciation du cachet particulier que l’on voudrait donner à la manifestation.

Albert Ouédraogo, maître de conférence, enseignant à l’Université de Ouagadougou : "Fêter d’accord, le minimum vital d’abord". Pour Albert Ouédraogo, le 11-Décembre est un moment qui exprime notre retour à la liberté et notre prise en charge de notre destin. "Le 11-Décembre pour les Burkinabè est quelque chose de très important dans la mesure où, si l’on se réfère aux conditions de constitution de l’Etat burkinabè, on se rend compte que cela n’a pas été quelque chose d’aisé", précise le Pr Ouédraogo. Remontant le cours de l’histoire, l’enseignant de littérature orale, dira que l’ex-Haute-Volta (actuel Burkina Faso), est un espace conquis par la force coloniale au moment où il y avait des entités séculaires qui géraient cet espace en toute liberté et en toute souveraineté (royaumes mosse, gourmantché, peulh, etc,). "Avec la colonisation et sous le fait de la violence politique, ces peuples ont été soumis", indique l’enseignant de lettres. Et à la différence des autres colonies, celles de la Haute-Volta a été démantelée pour être partagée entre la Côte d’Ivoire, le Soudan français et le Niger, rappelle Albert Ouédraogo. Et n’eut été la mobilisation des acteurs politiques de l’époque, souligne-t-il, la Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso, n’aurait pas été reconstituée.

Au regard de cette donne, le professeur d’Université, pense que le 11-Décembre devrait être une date de rencontre de tous les Burkinabè, quel que soit leur bord politique, un lieu de retrouvailles, de mémoire pour tous. "Cette date ne devrait souffrir d’aucune divergence, d’aucune contestation. C’est la date qui fonde notre identité et nouvelle citoyenneté", confie-t-il. Albert Ouédraogo estime que la fracture sociale, constatée avant et après la période révolutionnaire est en train d’être dépassée à travers le 11-Décembre. "Vivre ensemble, c’est se quereller, confronter des projets de société qui ne sont pas toujours les mêmes. Mais nous ne devons jamais remettre en cause le socle sur lequel nous sommes assis".

Le faste ? pas nécessaire

Albert Ouédraogo dit être animé par deux sentiments au regard du faste, avec lequel le 11-Décembre sera célébré : satisfaction et crainte. Mais le deuxième sentiment semble dominant chez l’enseignant d’Université, car dit-il, de plus en plus, nous mettons plus l’accent sur les fêtes au détriment de ce qui paraît essentielle. "Nous avons trop de fêtes pour laquelle, nous mettons trop de millions, alors que le pays profond a des difficultés énormes, et nous côtoyons des situations de misère au quotidien", précise l’ex-doyen de la fac de lettres, avant d’ajouter : "je suis enclin à dire que, pour pouvoir faire des grandes fêtes, il faudrait pouvoir assurer le minimum vital au maximum de Burkinabè". Et le professeur d’avertir : "le Burkina devrait faire attention et savoir raison garder au regard du gaspillage d’argent consacré aux fêtes". Car selon lui, les sommes d’argent auraient pu contribuer à créer des emplois, résorber le chômage, et la fuite des cerveaux. Albert Ouédraogo estime également, que la situation agricole de cette année, avec la flambée des prix, ne milite pas pour une célébration grandiose du 11-Décembre 2007.

Le professeur d’Université a son idée derrière la tête : "pour moi, on aurait pu trouver une année ronde. On n’est pas loin du cinquantième anniversaire de l’indépendance et l’Assemble nationale aurait pu voter un budget pour célébrer ces 50 ans, occasion de dresser un bilan et regarder ensemble vers les 50 ans à venir".

Basile Guissou, délégué général du CNRST : "Mon pays coûte plus cher que mille milliards de francs CFA". Pour montrer l’importance de la date du 11-Décembre pour le Burkina Faso, Basile Guissou part d’un rappel historique : "Le 11-Décembre doit représenter pour chaque Burkinabè, un point de repère, une référence historique pour évaluer notre passé et notre présent, afin de projeter notre avenir. En ce sens que ce pays que nous aimons tous et qui se nomme aujourd’hui le Burkina Faso, a été créé dans le cadre d’un ensemble de propriété de la France.
Le 1er mars 1919, l’administration coloniale a décidé à l’intérieur de la Boucle du Niger, de la création d’un territoire nommé la Haute-Volta. Cette colonie était reconnue être un grand réservoir de main-d’œuvre. Elle était peuplée de trois millions d’habitants à l’époque.
Le 5 septembre 1932, l’on a décidé de la suppression de ce territoire pour le rattacher à la Côte d’Ivoire, au Niger et au Mali (Soudan français à l’époque).
"Par la suite, les habitants de cette entité (la Haute-Volta) qui ont appris à vivre ensemble ont entrepris des luttes pacifiques pendant quinze (15) ans pour obtenir le 4 septembre 1947, la reconstitution de la colonie de Haute-Volta.
Les Voltaïques de l’époque se sont organisés pour exiger l’autonomie et accéder à l’indépendance. La lutte pacifique a abouti à la date du 11-Décembre 1958 où la République a été proclamée, dans l’amitié et la fraternité avec la France. En juillet 1960, un voyage des quatre présidents des pays membres du Conseil de l’Entente a eu lieu à Paris (France).

L’on se rappelle encore le président voltaïque à l’époque, Maurice Yaméogo, revenant de Paris, présentant la mallette en disant : "Voilà je vous apporte l’indépendance".
Cette date du 5 août(1960) a été transférée au 11 décembre pour permettre aux Burkinabè dans leur majorité, de fêter cette commémoration. C’est notre histoire. Il faut l’assumer. Pour moi, tous les Burkinabè doivent se retrouver en vue de fêter" .

A propos du budget de cinq cent (500) millions pour les festivités du 47e anniversaire, l’avis du professeur Guissou est le suivant :
“Je pense que mon pays est un grand pays. Pour moi, le Burkina Faso n’est pas un pauvre pays. Ce n’est pas comme le disent certains, l’avant dernier des derniers. Je n’ai pas autre chose. C’est ce que j’ai le plus cher. De ce point de vue, on ne fera jamais trop pour célébrer notre pays. C’est ma position de principe. Sinon, les cinq cent (500) millions que certains trouvent exorbitants, ce n’est absolument rien. Notre budget est de l’ordre de mille milliards. Donc 500 millions ce n’est jamais assez pour fêter ma patrie, le pays qui m’a vu naître. Je ne rentrerai pas dans une polémique stérile, anti-patriotique et irresponsable. J’estime que celui qui insulte mon pays ne mérite pas mon respect. Je refuse qu’on évalue la fête nationale de mon pays en terme de millions de francs CFA. Je trouve cela triste et honteux. En mon sens ce n’est pas une affaire d’argent, la fête de l’indépendance. C’est plutôt une affaire de défendre la dignité, l’identité de mon pays. Mon pays coûte plus cher que mille milliards à mon avis. Je m’insurge contre tous ceux qui vont évaluer mon pays en terme monétaire".

Pr Serge Théophile Balima, directeur de l’IPERMIC : Le 11-Décembre est une date importante dans l’évolution historique du Burkina Faso. Le directeur de l’Institut panafricain d’étude et de recherche sur les médias, l’information et la communication (IPERMIC), le professeur Serge Théophile Balima estime que le 11-Décembre est assurément une date importante dans l’histoire du Burkina Faso, puisque c’est par elle que la Haute Volta reconstituée s’est retrouvée en une entité étatique.

Selon lui, le 11-Décembre peut être considérée comme une date importante dans l’évolution historique du Burkina Faso, d’autant plus qu’elle se veut une opportunité de réfléchir sur ce que chaque Burkinabè a pu apporter à la nation entière. selon lui, "Le citoyen, jouissant entièrement de ses droits civiques, politiques, doit pouvoir s’interroger sur sa contribution au processus de développement". Dans ce sens , le professeur Balima a soutenu que le 11-Décembre est une occasion de faire un bilan, sur le plan politique, pour connaître les efforts consentis collectivement par tous les citoyens et ce qu’ils n’ont pas pu réaliser ensemble, afin de prendre des résolutions pour l’avenir. "Mais personnellement j’aimerais que chacun de nous puisse réfléchir sur le développement humain ; je veux dire qu’il faut privilégier les secteurs dits sociaux parce que sans le développement de ces secteurs sociaux, il n’y aurait pas de mon point de vue, un véritable développement durable dans notre pays".

Il a alors expliqué qu’il s’agit des secteurs de la santé et de l’éducation. De son avis, il est nécessaire que tous les enfants aillent à l’école, dans de bonnes conditions, qu’il y ait des filières de formation aussi diversifiées que possible et que des moyens conséquents soient alloués à la recherche scientifique. Sans cette recherche scientifique, dit-il, il ne peut y avoir d’intervention, de création, de progrès endogène...
Le professeur Balima a, par ailleurs, souligné qu’il faut réorganiser la société dans son ensemble pour que la productivité puisse générer, avec le temps, des emplois plus qualifiés pour les citoyens burkinabè.

Gabriel SAMA
Alban KINI
Aimée Florentine KABORE

Sidwaya

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