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Festivité du 11-décembre : Les préparatifs vont bon train ; les critiques aussi...

Publié le vendredi 7 décembre 2007 à 19h01min

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Afin que la fête soit à la hauteur de leur espérance, les membres du comité d’organisation des festivités du 11 décembre 2007 sont en train de mettre les petits plats dans les grands. Hier dans la matinée, ils ont invité les journalistes pour faire le point des préparatifs. C’était le jour J-5, et, à les écouter, tout marche comme sur des roulettes pour que cette célébration diversement accueillie par la population soit une réussite.

Jusqu’en 82, le 11-Décembre rappelait à l’écolier de l’époque le drapeau fabriqué avec une feuille de cahier emmanché dans une tige de mil et la marche aux pas, cadencée par le rythme de la musique militaire, sous l’œil admiratif des parents qui le reconnaîtront. C’est aussi le moment des jeux marrants comme la grimpée du tronc d’arbre sans écorce et badigeonné de savon pour prendre le paquet de bondons à son sommet ou la course avec les pieds entravés dans un sac de mil.

Ce jour était également une occasion où jamais d’admirer les pistolets mitrailleurs chinois (PMC) et les MAS 36 des CRS, ou encore, de compter le nombre de décorations sur la poitrine des anciens combattants. En somme, un moment de réjouissances. Mais un 4-Août est venu arrêter cette tradition et depuis lors, la date ne donnait lieu qu’à de modestes cérémonies de décoration.

Aujourd’hui, vingt ans après, les autorités de notre pays ont décidé de ressusciter une manifestation jetée aux oubliettes par les capitaines de la Révolution, qui la ravalaient au rang de fête impérialiste. Pour cette année 2007, l’organisation des différentes festivités a été confiée au ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Clément Sawadogo.

En rappel, la première conférence de presse pour annoncer l’événement a eu lieu le 12 novembre 2007. Hier c’était le Jour J-5 et les journalistes ont été de nouveau conviés pour un « briefing » sur l’état des préparatifs et le contenu du programme. Le principal animateur était le colonel Brice Bayala, vice-président du comité national d’organisation. A l’écouter, les préparatifs vont bon train et le comité d’organisation maîtrise toujours les prévisions budgétaires du projet des festivités, qui est 500 millions de francs CFA.

L’embellissement des sites se poursuit, même si les organisateurs ne ressentent pas l’effectivité de la demande faite aux services riverains des lieux de la parade d’embellir leur zone. Les riverains rechignent à mettre une couche de peinture. « Il n’y a que les activités d’embellissement et de pavoisement du comité d’organisation et de la mairie qui sont visibles », a regretté le président du comité national d’organisation.

Un intervenant a tiré la sonnette d’alarme sur un éventuel débordement le jour de la parade. Il a surtout fondé son inquiétude sur les troubles qui ont déjà commencé dans certains établissements scolaires de la ville et qui pourraient être dus à la proximité du 11-Décembre avec le 13 du même mois, qui consacre la date anniversaire de la mort du journaliste Norbert Zongo. Avec le responsable de la commission « Sécurité », le colonel Brice Bayala a assuré les uns et les autres que tout est mis en œuvre pour qu’il n’y ait aucun accroc le jour de la parade.

Les entraînements, qui ont débuté lundi dernier et qui préparent le grand défilé du matin du 11 décembre 2007, n’ont pas été sans désagrément pour les usagers de la circulation, particulièrement pour ceux logeant ou travaillant à l’est de la ville. On imagine donc bien que cette question était tout aussi prévisible que les autres posées aux organisateurs.

La main sur le cœur, le président du comité d’organisation a demandé les excuses et la compréhension de la population en justifiant : « Vous savez, cela fait 27 ans que nous n’avons pas organisé une telle fête. Avec le temps, nous nous améliorerons pour déranger le moins les usagers. Du reste, les populations auront remarqué que nous avons allégé le dispositif ».

Selon les organisateurs, la parade va mobiliser 7000 participants (civils et militaires nationaux et étrangers). Alors, une question toute somme légitime est celle-ci : comment va-t-on entretenir ces participants ? Réponse du principal orateur du jour qui a promis : il leur sera offert des rafraîchissements. Ils seront habillés et soignés sur place si nécessaire.

Mais il n’y aura point de perdiems. « D’ailleurs, ce n’est pas ce qui doit motiver les citoyens à défiler. C’est l’amour pour son pays et le patriotisme qui doivent prévaloir. En tout cas, quand nous étions enfants, c’était une joie et une fierté que de faire partie de ceux qui marchent au pas pendant le 11-Décembre ».

« C’est une stratégie pour occulter le 13-Décembre »

La célébration du 11-Décembre est diversement interprétée par l’opinion. Pour ceux qui défendent l’initiative, les festivités permettront de recentrer le Burkinabè dans son histoire et, pourquoi pas, de développer un tant soit peu la fibre patriotique qui existe en chacun de nous. Mais ce n’est pas l’avis de tous.

Il existe des « anti 11-Décembre ». Heureusement d’ailleurs. Ne sommes-nous pas en démocratie ? Nous n’avons pas fait un sondage pour savoir quel en est le pourcentage, mais même s’ils ne sont pas nombreux, leurs points de vue doivent cependant interpeller.

Pour Norbert Tiendrébéogo, député membre de l’Union des partis sankaristes (UPS) à l’Assemblée nationale, il y a des mobiles cachés à travers cette organisation fastueuse : le refus d’une minorité de nouveaux riches qui oublient ou feignent d’oublier que la grande majorité du peuple croupit dans la misère. « En festoyant ainsi, ces gens-là ne se rendent pas compte que le Burkina est l’un des pays le plus pauvre du monde », a-t-il renchéri.

Il a cité aussi la « peur » du 13-Décembre, jour anniversaire de la mort du directeur de publication de l’Indépendant, Norbert Zongo. Foi de l’honorable député, le pouvoir joue à la politique de l’autruche en se cachant les réalités du pays. « Il veut éclipser le 13-Décembre avec des anniversaires, comme celui de la LONAB et du 11-Décembre. Ils mettent 500 millions juste pour fêter alors que nous venons de sortir d’une campagne agricole médiocre ».

Ce député de la 4e législature pense que s’il y a une date à célébrer, il s’agit du 4-Août. L’affirme-t-il parce qu’il est sankariste ? Suivons son argumentaire : « Tout ce qui se passe aujourd’hui, toute cette prise de conscience d’appartenir à la même nation, nous tenons cela du 4 août 1983. En 1960, l’on nous a seulement accordé une indépendance factice qui nous maintenait toujours dans les liens de la métropole (France).

Je crois que c’est en 83 que le peuple burkinabè a pris en charge son destin. Fuir cette réalité, c’est fuir ses responsabilités d’homme. Qu’à cela ne tienne. Je crois que ceux qui sont encore burkinabè, qui ont une vraie conscience nationale savent où se trouvent les vrais repères de ce pays ».

L’étudiant en 4e année de Droit Bagaré Diallo, lui non plus, ne se sent concerné par les festivités marquant l’indépendance de notre pays. Il a énuméré les signes de la pauvreté du pays, le Burkinabè moyen qui n’arrive pas à garantir ses deux repas quotidiens et ... les tickets pour la restauration. Et de vitupérer : « Pour moi, c’est absurde ! Ça n’a aucun sens !

Les autorités pouvaient faire cet anniversaire de façon plus modeste. Si j’étais un pays bailleur et que je voyais ces millions dépensés pour festoyer, je serais réticent à financer des projets de développement. Je me dirai que des gens qui n’ont pas les moyens ne peuvent pas fêter leur anniversaire à coup de millions ». Conséquence, il promet qu’il ne fera pas partie de ces curieux qui vont admirer les pas bloqués et l’artillerie lourde le jour de la parade.

Le futur juriste en fin de cycle a promis de prendre tout son temps pour bien pioncer. Au réveil, s’il dispose encore d’un peu de temps, il ira en bibliothèque pour bouquiner sur l’histoire de son pays. « Je parie que 90% des étudiants vous diront que cette fête ne les intéresse pas.

D’ailleurs, demandez-leur d’abord si le 11-Décembre leur dit quelque chose. Beaucoup vous répondront que ça ne leur dit absolument rien ! Au campus, on réfléchit surtout à ce qu’on va faire pour avoir le ticket pour le repas de midi et pour celui du soir ».

Issa K. Barry

L’Observateur Paalga

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