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Clément P. Sawadogo (MATD) : "La commémoration du 11-Décembre n’a rien à voir avec l’anniversaire du décès de Norbert Zongo"

Publié le lundi 3 décembre 2007 à 13h25min

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Clément P. Sawadogo, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation

Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Clément P. Sawadogo est le président du comité national d’organisation du 47e anniversaire de l’indépendance. Dans l’interview qu’il a accordée à Sidwaya, M. Sawadogo situe entre autres l’état des préparatifs, l’importance du thème : "Décentralisation, citoyenneté et développement", justifie le budget et revient sur la nécessité pour tous les Burkinabè de communier dans la fraternité et dans la solennité.

Sidwaya (S.) : A quelques jours de la fête de l’indépendance, quel est l’état des lieux des préparatifs ?

Clément P. Sawadogo (C. P. S.) : Merci de l’intérêt que vous portez à la fête nationale. C’est un événement majeur de la vie de notre pays. La célébration de cette année se fera de manière particulière. Le gouvernement ayant décidé de restituer à cette date, toute la profondeur de sa signification. Le 11 décembre 1958, c’est la date de la proclamation de la République et le 5 août 1960, la proclamation de l’indépendance. Mais au fil des années, on a fusionné les deux événements en un, pour célébrer le 11-Décembre.

Pour l’état des préparatifs, le gouvernement a mis en place un comité d’organisation. Et en tant que ministre chargé de l’Administration territoriale, j’ai été désigné président de ce comité. On a mis en place une douzaine de commissions dont chacune est à pied d’œuvre. Dans l’ensemble ça se passe assez bien. J’exprime ma reconnaissance au ministère des Finances qui a mis à notre disposition, les ressources nécessaires pour mener à bien les préparatifs de la fête de l’indépendance.

S. : Quels seront les actes forts de cette célébration ?

C. P. S. : En tout premier lieu, il y a la grande parade civile et militaire. Elle va regrouper près de 7000 "marcheurs défilants". Ils vont nous servir un spectacle à la hauteur de l’événement. Donc, il y aura environ 3500 défilants civils, à peu près le même nombre de défilants militaires à pied ; puis un défilé motorisé militaire et un défilé motorisé civil. Le dernier vise à montrer le potentiel productif de notre pays, notamment de son industrie. Pour le défilé à pied, il s’agit de présenter devant la Nation toute entière, les différents groupes qui composent cette société, leur spécificité et leur dynamisme pour la construction de la Nation. En plus de la parade, la fête sera marquée par des activités sportives. Un tournoi de football mettra aux prises des régions entre elles, pour créer davantage de symbiose, d’ambiance et de fraternité. Il y aura également un tournoi de volley-ball, un combat de boxe, une grande course cycliste, un cross populaire, etc. Le cross se fera à travers les artères de la ville de Ouagadougou et aura lieu le samedi 8 décembre dans l’après-midi. Nous invitons tous les Ouagalais à y participer. Beaucoup d’animations de vedettes modernes, de troupes traditionnelle seront au rendez-vous à la place de la Nation et à la Maison du peuple. A partir de 20h le 11 décembre, il y aura un grand feu d’artifice à la place de la Nation. Aussi, dans tous les arrondissements périphériques de la commune de Ouagadougou, il y aura des animations afin qu’ils ne soient pas délaissés.

S. : Et au niveau déconcentré ?

C. P. S. : Il en sera de même. Dans toutes les autres régions du Burkina, il y aura des parades civiles et militaires. Seulement à Ouagadougou, les manifestations seront d’envergure nationale.

S. : Quelles sont les raisons de la célébration du 11-Décembre en grande pompe après plusieurs années de rupture ?

C. P. S. : Les années de rupture sont dues aux péripéties de l’histoire de notre pays. Depuis les années 1980, on a suspendu l’organisation en pompe de cette fête. Cela peut être expliqué par les Etats d’exception. A partir de 1983, le régime révolutionnaire a estimé que le 4 août 1983 avait désormais plus de signification que le 11-Décembre. Les régimes qui ont suivi, tout en reconnaissant la validité de cette date n’organisaient pas d’activités grandioses. Dans une période assez récente, on organisait quand même des cérémonies de décorations. Et pour marquer la date, il y a eu toujours un message du chef de l’Etat à la veille, adressé à la Nation. Le gouvernement a estimé, cette année, que nous avons de plus en plus besoin de réaffirmer une date pouvant rassembler tous les Burkinabè sans distinction et qui a plus de signification. Toutes les composantes de notre pays reconnaissent que c’est l’indépendance qui nous a permis de nous organiser en tant que nation, de cimenter une unité nationale, de progresser ensemble et de lutter pour son épanouissement. C’est une volonté politique que le gouvernement a voulu afficher en ramenant la signification du 11-Décembre dans toute sa portée.

S. : D’aucuns disent pourtant que la célébration en grande pompe du 11-Décembre vise à contrecarrer le 13 décembre, date anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo.

C. P. S. : Le 13 décembre 1998, cela fait environ 10 ans. On n’aura pas besoin d’attendre 10 ans pour chercher une astuce de ce genre pour contrer quoi que ce soit. Ça n’a rien à voir. Je pense qu’on ne peut pas prendre un débat aussi important que la signification de la fête de l’indépendance pour s’égarer dans les débats d’un autre genre. Je ne banalise pas la question du dossier Norbert Zongo, mais ce sont deux registres complètement distants l’un de l’autre pour qu’on puisse faire de rapprochement entre les deux événements.

S. : "Décentralisation, citoyenneté et développement", thème de la célébration du 11-Décembre. Qu’est-ce qui justifie le choix de ce thème ?

C. P. S. : Le gouvernement a choisi ce thème en rapport à un certain nombre de questions de l’heure. La communalisation est en marche depuis plus d’une année. Les attentes vis-à-vis des collectivités territoriales sont fortes. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas poser la question du développement au Burkina sans nous poser celle du développement à la base.
Il y a l’Etat, le secteur privé, les associations et ONG qui travaillent au développement. Mais aujourd’hui, avec la communalisation intégrale, la contribution des collectivités territoriales est aussi attendue. C’est un chantier en pleine ébullition qu’on ne peut pas occulter. Le deuxième aspect du thème est la citoyenneté. Nous avons besoin de rappeler à chaque citoyen burkinabè son devoir de citoyen. D’un citoyen passif, il doit être désormais actif. Et c’est la décentralisation qui doit travailler à promouvoir cette citoyenneté active. Le lien entre décentralisation et citoyenneté est évident.
Aussi, sans une citoyenneté responsable, il ne peut y avoir développement. On a fini avec l’époque de la main tendue où on est assis et on attend que tout tombe de l’extérieur, de l’Etat ou du ciel. Chacun se doit d’être un acteur du développement. Un acteur conscient, citoyen pour le développement en passant par sa commune et sa région. C’est la quintessence du thème. Il est d’actualité.

S. : Pensez-vous que la célébration du 11-Décembre peut faire du Burkinabè un citoyen ?

C. P. S. : Naturellement, la célébration du 11-Décembre ne peut pas être le seul élément catalyseur d’une citoyenneté au Burkina. Toutes les actions qui se mènent au quotidien, dans les communes, dans les régions et au niveau national contribuent à promouvoir la citoyenneté. Cependant, chaque événement apporte son fervent. Le fait de ramener la fête du 11-Décembre de cette manière devrait accroître un tant soit peu le sens de la citoyenneté, le respect dû à la Nation et à ses symboles. En tant que nouvelles générations, nous avons l’obligation de poursuivre les œuvres engagées par l’ancienne génération, celle qui avait lutté pour l’indépendance. Nous allons produire deux brochures très importantes. L’une sur les significations de l’Indépendance et du 11-Décembre et l’autre sur celle du thème : "Décentralisation, citoyenneté et développement". Ces ouvrages sont sous presse et seront mis à la disposition du grand public. (Ndlr : l’interview a été réalisée le 30 novembre 2007). Après la célébration de la solennité du 11-Décembre, les actions devraient être poursuivies dans la quête de la citoyenneté responsable. Tous les acteurs sur le terrain, qui travaillent à sensibiliser, à savoir le monde de l’éducation, des parents, des élus, les acteurs nationaux, les partenaires, devraient pouvoir prendre pied à partir de cette célébration pour accentuer leurs actions de sensibilisation pour une citoyenneté responsable dans notre pays.

S. : Faut-il donc insister sur l’éducation civique ?

C. P. S. : Absolument. Il faut que les acteurs comme les éducateurs, les parents soient de plus en plus sensibilisés à leur devoir vis-à-vis de la jeunesse. Une jeunesse qui s’évade de plus en plus. Ce n’est pas parce que nous sommes dans l’ère des TIC que les enfants doivent aller à vau-l’eau. Au contraire, ils devraient être encadrés, orientés afin qu’ils puissent faire le bon choix de ce qu’on les TIC leur servent. C’est la responsabilité du monde éducatif mais aussi de toute la société entière. C’est une interpellation de l’ensemble de la société à trouver des réponses.

S. : Il y a une confusion de dates sur la proclamation de l’indépendance et celle de la République. Que retenir finalement du 11-Décembre ?

C. P. S. : Le 11-Décembre 1958, c’est la proclamation de la République de Haute-Volta, actuel Burkina Faso. Cela est le fait de reconnaître un territoire établi, une entité géographique bien précise et des institutions républicaines : une Assemblée nationale, un gouvernement...Ces temps correspondaient à un carrefour historique où il y avait beaucoup de débats dans nos pays entre la France et ses ex-colonies d’une part, et des ex-colonies entre elles-mêmes, d’autre part. Les positions étaient divergeantes. Il y a ceux qui voulaient la communauté franco-africaine. D’autres ne voulaient pas du tout l’indépendance. Et aussi, il y a ceux qui rejettent cette communauté franco-africaine. Mais avec les aspirations légitimes des peuples africains, le colonisateur a conclu lui-même qu’il n’y a rien à faire que d’accorder la souverraineté. Cette souveraineté a été accordée à la République de la Haute-Volta le 5 juin 1960 et sa proclamation officielle le 5 août 1960 par le président Maurice Yaméogo. Dans nos brochures nous revenons assez longuement sur ce carrefour historique important pour l’ensemble de notre peuple et surtout pour la jeunesse.

S. : Dans un contexte de pauvreté et de déficit alimentaire, 500 millions de F CFA pour une commémoration, n’est-ce pas trop ?

C. P. S. : C’est le contexte de pauvreté qui fait que le budget est de l’ordre de 500 millions. Sinon pour organiser un événement national, ça devrait coûter beaucoup plus. Je suis sûr que cette manifestation transposée dans certains pays voisins coûterait 2 à 3 milliards de F CFA. Au Burkina, nous avons l’habitude de faire beaucoup de choses avec peu de moyens. Nous faisons la politique de nos moyens. Cela est à notre honneur. Ce budget va permettre juste de réaliser le minimum d’activités que nous avons retenues. Les parades, les feux d’artifice, les tournois de football, les animations coûtent cher. L’enveloppe de 500 millions concerne toutes les activités de Ouagadougou mais aussi celles de toutes les 13 régions. Il y aura des dépassements. C’est ainsi que nous lançons un appel aux entreprises à nous soutenir car c’est un événement national. Il ne ressemble à aucun autre événement de l’année.
Est-ce qu’on ne peut pas faire autre chose avec ce budget ? Non. La vie d’une Nation est comme celle des individus. Vous avez beau être pauvre, vous gérez vos tristesses, douleurs, carences. Et à côté, vous avez aussi la fête. Vous ne pouvez pas faire autrement. C’est la beauté de la vie. Ce qui aurait été grave, c’est l’attitude de fêtard. Quelqu’un qui occulte ses problèmes réels, fondamentaux et s’adonne à la fête de manière irresponsable. Le gouvernement est conscient qu’il doit prendre à bras le corps les problèmes des citoyens. Avec la pluviométrie capricieuse, le gouvernement a pris des mesures pour rattraper tout de suite la situation et éviter qu’il y ait des incidences graves dans les régions déficitaires. Aussi, il prend à bras le corps les problèmes des infrastructures routières, de santé, d’éducation...Donc, si à côté de cela, le gouvernement demande aux Burkinabè de communier ensemble dans une commémoration festive à l’occasion de 11-Décembre, je pense que c’est tout à fait normal.

Je voudrais au nom de ceux qui m’ont confié cette responsabilité, demander aux Burkinabè de s’approprier leur fête nationale, de la commémorer dans une communion fraternelle, amicale et dans la solennité. Nous sommes tous des frères et l’histoire nous a rangés ainsi. Et nous- mêmes au fil du temps, nous nous sommes battus pour rester unis et soudés. Nous sommes Burkinabè, nous devrions être fiers de l’être. Personne ne fera le Burkina à notre place, c’est à nous de cultiver les valeurs d’intégrité, d’union nationale. Nous devons travailler au développement de notre peuple. J’invite tous les Burkinabè à prendre d’assaut les différentes activités de la célébration du 11-Décembre.

Interview réalisée par Boureima SANGA
Assetou BADOH

Sidwaya

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