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René Bagoro Bassolé : "Notre justice n’est pas pourrie, mais..."

Publié le vendredi 30 novembre 2007 à 12h26min

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René Bessolé Bagoro ne passe pas pour un inconnu dans le milieu judiciaire, car il est magistrat de profession, exerce comme juge au Tribunal administratif et dirige, de surcroît, le Syndicat burkinabè des magistrats depuis le 10 avril 2006. Nous nous sommes entretenu avec ce secrétaire général qui ne fait pas dans la langue de bois. Indépendance de la justice, corruption, politisation du corps, cohabitation des générations et bien d’autres sujets, tel a été le menu de notre rencontre le 20 novembre 2007.

Présentez-nous votre syndicat

• Le SBM a été créé le 02 octobre 1999 à Bobo-Dioulasso. Il regroupe des magistrats qui croient au rôle d’une justice indépendante, probe et compétente dans l’édification d’un Etat de droit et qui sont prêts à se battre à cette fin. Il s’est assigné pour objectifs statutaires le progrès du droit, la défense des intérêts moraux et matériels des magistrats ainsi que de l’indépendance de la justice.

Dans cette logique, il a mené plusieurs actions de dénonciation, de protestation, de sensibilisation et de formation depuis sa création. Il s’est toujours illustré comme une force de propositions sur les questions relatives à la justice dans le but de son mieux-être.

Comment êtes-vous arrivé à la tête du SBM ?

• Après notre intégration dans le corps de la magistrature en octobre 2002, les responsables du SBM d’alors ont rencontré notre promotion pour nous présenter le syndicat. C’est quelque temps après cette rencontre que j’ai adhéré au syndicat, tout comme d’autres collègues de ma promotion. J’y ai évolué en tant que militant de base engagé, de 2002 à 2006.

En avril 2006, lorsqu’il s’est agi de renouveler le conseil syndical, le Bureau, conduit par Guy Hervé Kam, a décidé de ne plus se représenter, ce, pour permettre l’alternance. C’est ainsi que j’ai présenté ma candidature avec sept autres collègues pour succéder au conseil sortant. Nous avons bénéficié de la confiance des militants et avons été élus pour un mandat de 2 ans, qui va jusqu’en avril 2008.

Votre structure se porte-t-elle bien à votre goût ?

• Le SBM a connu, certes, des moments difficiles comme dans la vie de toute organisation dynamique. Ses contempteurs ont tenté de le liquider par diverses stratégies. Il a affronté le débauchage et la marginalisation de ses militants. Certaines personnes, qui lui vouent une haine atroce, sont allées jusqu’à affirmer à un moment donné qu’il ne regroupait que trois militants.

Mais face à tous ces obstacles, le SBM a résisté grâce à l’adhésion consciente et au courage de ses militants. Les rencontres qu’il a tenues et les actions qu’il a menées jusqu’à présent confirment l’adhésion massive des magistrats à son idéal d’une justice intègre, indépendante et compétente. Je peux donc affirmer en toute objectivité que le SBM se porte bien et même très bien et qu’il bénéficie de la confiance de la majorité des magistrats.

Il y a le SBM, le SMB et le SAMAB. Qu’est-ce qui justifie l’existence de ces trois syndicats ?

• Je voudrais d’abord déplorer l’existence de trois syndicats dans un corps qui compte à peine 400 personnes. Mais cette existence a été rendue nécessaire par l’évolution même du syndicalisme dans le corps de la magistrature. Au départ, les magistrats étaient regroupés au sein du SAMAB originel, qui est le tout premier syndicat de la magistrature.

Par la suite, certains magistrats, qui ont estimé que le SAMAB ne défendait plus sérieusement les intérêts du corps, ont créé le SMB. Puis, à partir de 1995, commencèrent à arriver dans le corps de jeunes magistrats à la suite de la reprise du recrutement des auditeurs de justice en 1993, recrutement qui avait été suspendu depuis 1983.

Ces jeunes magistrats ont constaté la léthargie des deux syndicats alors que la situation des magistrats se détériorait de jour en jour. Après avoir tenté vainement d’obtenir une unité syndicale ou même que chaque structure sorte de sa torpeur, ils décidèrent de créer le SBM pour relever les multiples défis auxquels le corps faisait face. Le souci de ces magistrats était d’éviter de prendre position pour l’un ou l’autre des deux syndicats, étant donné que leurs divergences étaient liées plus à des questions personnelles qu’à des stratégies de lutte.

Iriez-vous jusqu’à dire, comme certains, que les autres sont des "gâteaux" pendant qu’au SBM, vous seriez des durs à cuire ?

• Je n’irais pas jusque-là, mais ce que je constate et qui est une chose avérée, c’est que nous avons toujours été présentés comme étant des magistrats non acquis, qui ne veulent pas marcher au pas. Pendant ce temps, les autres sont perçus comme faisant tout pour ne pas créer des problèmes à la justice.

Pour me résumer, je dirais que nous ne sommes pas des durs à cuire, mais que, simplement, nous avons des principes, sur lesquels nous sommes intransigeants alors que, de l’autre côté, certains sont d’accord avec vous dans l’ombre, mais, de jour, s’opposent farouchement à vous pour faire plaisir aux princes du moment.

Des récriminations sont régulièrement faites à l’endroit de notre justice : assujettissement au politique, corruption, politisation. Sont-elles toujours fondées selon vous ?

• Il est évident que toutes ces récriminations ne sont pas systématiquement fondées. Cependant, il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on. Ces récriminations tirent leur fondement, soit de l’incompréhension des procédures judiciaires, qui sont souvent très complexes pour les justiciables, soit du comportement équivoque de certains magistrats dans le traitement de certains dossiers, soit de faits réels de corruption de magistrats auxquels ils sont eux-mêmes partie prenante ou qu’ils ont constatés ou dont ils ont entendu parler.

Voyez-vous, le Burkina Faso, comme on le dit souvent, est un pays de savane, où il est facile de connaître les origines de chacun et de le voir évoluer. Quand des magistrats mènent un train de vie que ne justifient ni leur origine sociale, ni leur traitement salarial, ni leur ancienneté dans le corps, ni des sources de revenus régulièrement connues, peut-on empêcher le citoyen de penser à la corruption ?

Entre nous, la justice est-elle pourrie ou pas ?

• Non ! La justice n’est pas pourrie, mais il existe en son sein des magistrats indélicats, voire pourris. La nuance est très importante, car il faut toujours séparer le bon grain de l’ivraie. Affirmer que la justice est pourrie équivaudrait à jeter l’opprobre sur tout un corps, dans lequel, pourtant, la majorité des magistrats se dévouent avec compétence, honnêteté, probité, intégrité et esprit d’indépendance à leurs tâches quotidiennes, en dépit de la précarité et de la modicité de leurs conditions de vie et de travail.

Mais, en même temps, c’est faire preuve de sincérité que d’admettre l’existence d’actes d’indélicatesse, qui sont le fait d’une minorité de magistrats récidivistes. Ces actes, quoique minoritaires, sont très graves d’autant qu’ils se passent dans la justice, dernier rempart du citoyen et garante du respect des règles et principes républicains. C’est ce qui explique que les comportements de ces magistrats indignes irradient tout le corps de leur nocivité de façon visible.

Quelles solutions préconisez-vous pour mettre fin au phénomène ou au moins l’atténuer ?

• Le phénomène de la corruption, effectivement, peut être éradiqué, sinon ramené à une portion congrue. Ce n’est pas une fatalité, puisqu’il n’a pas toujours existé dans la magistrature et que, de nos jours, de nombreux magistrats sont intègres. Mais pour y parvenir, trois conditions sont nécessaires : tout d’abord, il faut revaloriser le traitement du magistrat, en lui allouant un salaire conséquent et en lui accordant des avantages sociaux en rapport avec son rang de détenteur du pouvoir judiciaire ; ensuite, les magistrats convaincus d’actes de corruption ou de tout autre acte en contradiction avec la déontologie doivent systématiquement faire l’objet de sanctions disciplinaires sans complaisance ; enfin, la promotion des magistrats à des postes de responsabilité doit prendre en compte, comme critères essentiels, la compétence et la probité ; ce qui suppose un rôle accru et objectif joué par les supérieurs hiérarchiques et l’inspection technique des services judiciaires dans les propositions à ces postes. En somme, il s’agit de mettre le magistrat dans de meilleures conditions de vie et de travail tout en étant plus exigeant à son encontre.

Que répondez-vous à ceux qui demandent sa refondation ?

• Ils n’ont pas tort, ceux qui pensent ainsi. Notre justice a besoin de changements de fond, quantitativement et qualitativement, pour mieux accomplir sa mission.

Quels domaines précis doivent être retouchés ?

• La refondation doit, à mon sens, s’orienter essentiellement dans trois domaines, à savoir les institutions judiciaires, le Conseil supérieur de la magistrature et le statut du magistrat. Il convient de relire tous les textes régissant l’organisation judiciaire au Burkina en vue de mettre en place des institutions juridictionnelles conformes à l’esprit et à la lettre de l’article 129 de la Constitution, c’est-à-dire jouissant d’une indépendance réelle et d’une autonomie de fonctionnement selon les standards internationaux. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) doit être revu, tant dans sa composition que dans ses pouvoirs.

Dans ce sens, il est indispensable qu’il soit composé majoritairement de membres élus et qu’il lui soit confié la maîtrise totale de la gestion de la carrière des magistrats, de leur promotion ainsi que de toute question relative à la vie de la magistrature. Enfin, le statut de la magistrature doit être relu pour en extirper toutes les dispositions liberticides, tenir compte du rang constitutionnel du magistrat et affranchir le ministère public de la trop grande tutelle de la chancellerie, c’est-à-dire du politique.

Telles me paraissent les conditions indispensables d’une véritable justice, gardienne des libertés publiques au Burkina, étant entendu que les magistrats devront, eux aussi, prendre conscience de leur noble mission, en adoptant des comportements responsables et respectables.

La cohabitation est-elle saine entre les générations au sein de la magistrature ?

Il n’existe pas de conflit de générations au sein de la magistrature. Les générations avancées de magistrats acceptent de faire bénéficier de leur expérience aux magistrats plus jeunes. Quant aux magistrats des jeunes générations, ils considèrent leurs collègues devanciers comme leurs aînés au double plan humain et professionnel. C’est donc une cohabitation saine, faite de respect mutuel.

Il arrive néanmoins qu’il y ait des divergences dans l’interprétation de certaines règles et la perception de certains principes directeurs de la magistrature comme l’indépendance par exemple. En outre, il naît souvent des comportements paternalistes et clientélistes respectivement chez certains aînés et certains jeunes magistrats, de sorte que ceux des magistrats qui ne se reconnaissent pas dans ces attitudes sont considérés comme des pestiférés.

Le SBM, semble-t-il, avait des relations difficiles avec le précédent ministre de la Justice, Boureima Badini. Qu’en est-il avec le nouveau, Zakalia Koté ?

• C’est vrai, le SBM a eu des relations tumultueuses avec l’ancien garde des Sceaux. Le nouveau ministre a pris fonction seulement en mi-juin 2007. Cela fait six mois environ qu’il est là. Il est donc encore tôt pour apprécier avec objectivité l’état de nos relations. Cependant, le discours jusque-là tenu par lui et les actes qu’il a déjà posés semblent aller dans le sens d’une moralisation de la magistrature, de la promotion d’un dialogue sincère et d’une gestion inclusive des questions relatives à la magistrature.

Ce sont là des principes et des valeurs auxquels le SBM croit et qu’il souhaite voir se perpétuer, tout en espérant que la question de l’amélioration des conditions de vie et de travail des magistrats trouve une solution heureuse sous son impulsion. Pour le moment, en tout cas, nous n’avons aucune raison de douter de sa volonté de bien faire. Mais, comme toujours, le SBM reste vigilant.

Que reprochiez-vous exactement à l’ancien garde des Sceaux ?

• La question est pertinente, mais je suis un peu gêné d’y répondre, vu que l’intéressé n’est plus au pouvoir. Néanmoins, disons que c’était surtout sa gestion exclusive de la justice. C’est-à-dire le fait qu’il y avait certains magistrats dont la parole était parole d’évangile pendant que d’autres étaient considérés comme des pestiférés. En outre, il fallait avoir une vision unipolaire, marcher dans la même direction que celle affichée par la chancellerie. En un mot, ce que nous lui reprochions, c’est le refus de la différence.

En fait, quelle est la marge de manœuvre d’un syndicat de magistrats ?

• Un syndicat de magistrats, comme tout autre syndicat, a pour objectif la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres. Tant qu’il s’inscrit dans cette ligne de défense, il ne peut y avoir de limite à sa marge de manœuvre. Il reste que, dans le cas spécifique du Burkina, les réformes législatives et réglementaires intervenues à partir de 2001 concernant la magistrature ont des relents liberticides sur le plan de l’action syndicale. Malheureusement, et il faut l’avouer, ce sont des textes qui ont été adoptés ou édictés avec la complicité active de certains magistrats.

L’interprétation qu’ont faite les autorités de la chancellerie, jusqu’à une date récente, de ces textes a abouti à nier toute possibilité d’action aux syndicats de magistrats. Là encore, il s’en est trouvé des magistrats pour soutenir cette interprétation, allant même jusqu’à organiser des conférences pour défendre cette vision liberticide.

Mais, pour nous, la marge de manœuvre d’un syndicat, fût-il de magistrats, dépend avant tout du degré de conscience qu’ont ses militants de la défense de leurs droits, de l’intensité de leur engagement, de la force de leur mobilisation et de la confiance qu’ils ont en l’honnêteté de leurs responsables. Ces conditions sont largement remplies au niveau du SBM, si bien que sa marge de manœuvre est très grande.

Quels rapports entretenez-vous avec les avocats ?

• En tant que magistrats, nos relations avec les avocats se situent dans le cadre de notre mission commune qu’est l’accomplissement du service public de la justice. Nous considérons les avocats comme des partenaires privilégiés dans notre objectif statutaire de progrès du droit. Nous n’avons ni esprit de camaraderie ni esprit de domination à leur égard. Nous nous efforçons chaque jour de créer les conditions d’un respect mutuel, en jouant notre partition avec le maximum de professionnalisme. En tout cas, c’est la vision que nous partageons au SBM quant à nos rapports avec les avocats.

Que dites-vous des mesures que demande ce corps pour une meilleure administration de la justice ?

• Le SBM s’est toujours montré solidaire de toute mesure ou de toute demande de mesures devant aboutir à une meilleure administration de la justice. D’ailleurs, tout le combat qu’il mène depuis 1999 ne vise que ce seul but. Il a même regretté que, pendant longtemps, les avocats ne se soient pas intéressés officiellement aux questions relatives à l’administration de la justice.

Or, qui mieux qu’eux peut apprécier ces questions, eux qui vivent au quotidien les conséquences directes de cette administration ? Sur ce point précis, je voudrais saluer le courage et l’esprit d’initiative de l’Union des jeunes avocats du Burkina (UJAB), qui a compris que la résolution des problèmes qui entravent le bon fonctionnement de la justice ne saurait être laissée à la discrétion des magistrats ou de la chancellerie.

Pensez-vous que la justice constitue une priorité pour les autorités burkinabè ?

• La justice ne doit pas se percevoir en termes de priorité. Elle est une nécessité et s’impose en tant que l’un des piliers de l’Etat de droit. C’est un pouvoir qui doit bénéficier de la même attention que l’exécutif et le législatif. Mais en tant que responsable d’un syndicat de la magistrature, je constate malheureusement qu’il existe un hiatus entre la théorie et la réalité. Les magistrats vivent et travaillent dans des conditions précaires : leur traitement ne leur permet pas de tenir dignement leur rang. Ils n’ont pas accès, pour la plupart, à l’outil informatique.

En attendant par exemple la réfection du Palais de justice, nos collègues du Tribunal de grande instance et du Tribunal du travail de Ouagadougou sont entassés à plusieurs dans des bureaux exigus de la cour d’Appel à Ouaga 2000, sans qu’on soit en mesure de leur trouver des locaux ; conséquence : l’activité judiciaire est ralentie, puisque les magistrats sont obligés de travailler par roulement. Dans la même lancée, les tribunaux administratif, pour enfants et d’instance de Ouagadougou ont déménagé ou doivent le faire sans qu’il soit mis à leur disposition des locaux d’accueil pour la continuation adéquate de l’œuvre judiciaire.

Certains palais de justice manquent de véhicules de service et de lignes téléphoniques. Voyez par exemple le nouveau siège de la cour d’Appel de Ouagadougou : il ne correspond nullement à l’idée de prestige que l’on se fait du pouvoir judiciaire. Il ne possède jusqu’à présent aucune ligne téléphonique. Est-ce un mépris ou un désintérêt pour la justice ? Je n’en sais rien. Toujours est-il que, pour des travaux similaires dans d’autres services, les agents sont bien logés avant tout début de travaux.

Le 11-Décembre sera célébré avec faste ; est-ce opportun selon-vous ?

• J’espère qu’après la commémoration controversée du 15- Octobre, la célébration du 11-Décembre pourra constituer un ferment d’unité pour les Burkinabè. Quant à l’opportunité de la célébrer de façon grandiose, je ne saurais me prononcer sur cela, vu mon statut.

Pour vous, qu’est-ce qu’une justice libre ? La nôtre en est-elle une ?

• La liberté de la justice renvoie à son indépendance. Une justice est libre lorsque les institutions judiciaires sont organisées de telle sorte qu’elles ont une large manœuvre d’actions, lorsque les titulaires du pouvoir judiciaire sont à l’abri de toute pression et lorsque lesdits titulaires sont des personnes qui font l’effort quotidien de tendre vers la vertu. C’est dire donc que, pour mesurer le degré d’indépendance de la justice, il faut prendre en compte à la fois des paramètres objectifs et subjectifs.

Les premiers tiennent à la qualité des textes juridiques d’organisation de la justice et à l’absence de pressions pouvant venir de toutes parts ; les seconds ont trait à la personnalité, à la moralité et au degré de conscience professionnelle des magistrats eux-mêmes. Au regard de ce qui précède, peut-on dire que la justice burkinabè est libre ou indépendante ?

La Constitution consacre cette indépendance en son article 129, mais elle est de plus en plus érodée par des dispositions législatives et réglementaires. La réalité sur le terrain du vécu quotidien ne montre pas que le juge travaille toujours sans pression. Par ailleurs, les comportements de certains magistrats révèlent une servilité innée à tel point que, même si on leur donne l’indépendance, ils n’en voudront pas. La conclusion à tirer, c’est que l’indépendance de la justice burkinabè reste à conquérir.

Quand on parle d’indépendance de la justice, on l’entend le plus souvent vis-à-vis du pouvoir. Mais que dites-vous des magistrats qui sont membres ou sympathisants de l’opposition et de ses relais dans la société civile ? La politisation, même feutrée, des magistrats ne constitue-t-elle pas une partie du problème ?

• Ce qui est évident, c’est que la notion de pression n’est pas toujours le fait du pouvoir. Elle peut être le fait des amis, résulter d’accointances religieuses, des affaires, etc. Evidemment, s’il se trouve des magistrats qui ont des atomes crochus avec des partis de l’opposition, ça peut jouer sur leur indépendance. Tout comme sur celle de ceux qui en auraient avec le pouvoir. Et là, c’est plus gênant, car ils ont tendance à prendre des actes qui plaisent aux princes du moment.

Naturellement, cela ne peut que jouer sur la façon de rendre la justice. Car le magistrat, pour rendre une justice équitable, doit être libre de toute pression, qu’elle soit politique, religieuse, amicale, ou même fraternelle. Sinon, il ne pourra pas rendre une décision conforme à sa conscience.

Mais est-ce vraiment possible ?

• Il est vrai que nous sommes des humains, nous tendons vers un idéal, mais cela est bien possible. On peut fréquenter quelqu’un sans lui être redevable. C’est quand il est question de donner et de recevoir que ça devient compromettant. Sinon, le fait d’être ami à quelqu’un n’est pas forcément une entrave à l’indépendance de la justice. Il faut que le magistrat, dans ses relations, évite simplement d’être redevable à quelqu’un.

Au Tchad se passe actuellement l’affaire dite de l’Arche de Zoé. Quelle lecture faites-vous de cet événement ?

• Etant donné que c’est une affaire qui est pendante devant le prétoire de mes collègues tchadiens, je souhaite ne pas en faire de commentaires ni de forme ni de fond. Néanmoins, sur le pur plan des principes directeurs de la justice, j’estime que les collègues tchadiens chargés de la gestion du dossier ne travaillent pas, en l’état actuel, dans les conditions de sérénité et de liberté requises. Les déclarations faites de part et d’autre par l’Etat tchadien et l’Etat français ainsi que les marches de protestation ou de soutien organisées dans ces deux Etats constituent de réelles pressions tendant à orienter le cours de la procédure.

J’espère seulement que les collègues tchadiens, à qui j’apporte mes encouragements, auront toujours à cœur le respect de leur serment chaque fois qu’ils devront prendre une décision dans cette affaire. Pour terminer, je voudrais remercier sincèrement votre journal pour l’opportunité offerte au SBM d’échanger sur des questions aussi diverses.

Je vous félicite pour votre professionnalisme et votre souci de l’information juste. A l’endroit des militants du SBM, j’exprime ma satisfaction pour leur engagement constant aux côtés du conseil syndical. Aux autorités du ministère de la Justice je réaffirme la disponibilité du SBM à un dialogue et à une collaboration francs, fructueux et empreints de respect mutuel.

O. Sidpawalemdé

L’Observateur Paalga

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