LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

François Goldblatt, Ambassadeur de France au Burkina Faso : « La décentralisation ne saurait se limiter à un découpage administratif »

Publié le mardi 20 novembre 2007 à 13h34min

PARTAGER :                          

François Goldblatt

Avec quelque 180 partenariats entre communes burkinabè et françaises, notre pays est le premier pays de destination des collectivités françaises en matière de coopération décentralisée. C’est donc avec beaucoup d’attention que la France suit la mise en œuvre du processus de décentralisation pour lequel elle a octroyé un appui de 1,5 million d’euros en juillet dernier. Pour l’ambassadeur de France au Burkina, S.E.M. François Goldblatt, les prochaines rencontres franco-burkinabè qui se tiendront les 6 et 7 décembre doivent être l’occasion de d’identifier les bonnes pratiques, de repérer ce qui ne fonctionne pas…

Comment appréciez vous la mise en oeuvre du processus de décentralisation au Burkina Faso ?

Amorcée dans les années 90, la décentralisation au Burkina Faso est une réalité depuis les élections d’Avril 2006. La communalisation intégrale marque un grand pas. Il s’agit d’un signal fort car cette décentralisation place les communautés de base en position de décider du développement de leur territoire. Fondée sur le principe de subsidiarité et sur la reconnaissance des compétences et des responsabilités des collectivités, cette décentralisation implique le transfert aux populations et à leurs représentants de compétences exercées par l’Etat, et promeut le partage du pouvoir entre l’Etat et ses démembrements.

La progressivité, parfois considérée comme de la lenteur, que le Burkina a adoptée dans la mise en œuvre de cette décentralisation est cependant une bonne chose, elle permet en effet à tout un chacun de prendre la pleine mesure de son rôle dans ce nouveau paysage institutionnel.
Toutefois, la décentralisation ne saurait se limiter à un découpage administratif. Les collectivités locales doivent dorénavant faire face à de nombreux défis. Il s’avère donc indispensable de soutenir, certes financièrement, ces collectivités territoriales, notamment celles qui en ont le plus besoin, telles les communes rurales, mais aussi et surtout, en participant au renforcement de leurs compétences. Il apparaît effectivement indispensable de privilégier l’investissement humain, en prévoyant des actions de formation.

Depuis les élections municipales de 2006, une étape supérieure dans ce processus a été franchie avec la communalisation intégrale : quelle est l’implication de la France dans ce processus ?

La France, à l’instar de nombreux Partenaires Techniques et Financiers, a toujours su se montrer attentive à l’enracinement de la décentralisation, et ce depuis les débuts du processus, et à la reconnaissance du mouvement municipal burkinabé, vecteur de culture démocratique : aide à la tenue des scrutins électoraux, soutien aux assemblées parlementaires, au conseil économique et social, au Médiateur du Faso, projets de développement local sur financement AFD, projets « formation des agents administratifs des collectivités locales » et « appui à la décentralisation et à la déconcentration »,…Et la France entend prolonger son appui en la matière.

Le Service de Coopération et d’Action Culturelle, comme l’Agence Française de Développement, prennent en considération les enjeux de la décentralisation, soit comme secteur d’intervention à part entière, soit comme dimension transversale ayant nécessairement des retombées. J’en veux pour preuve la signature en juillet 2007 d’une convention de financement d’un montant de 1,5 million d’euros pour un projet d’appui à la décentralisation, entre le Gouvernement burkinabé et l’ambassade de France.

La première composante de ce projet concerne un appui au Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. Fidèle à son engagement en faveur de la déclaration de Paris, la France souhaite intervenir de manière concertée avec les autres partenaires techniques et financiers.

La seconde composante s’intéresse plus particulièrement aux communes, notamment rurales, au travers d’un appui à l’Association des Municipalités du Burkina Faso, le projet entend accompagner et renforcer les capacités d’acteurs, globalement démunis face aux nouvelles responsabilités qui leur sont déléguées. D’où la nécessité de créer un centre de service et de conseil aux communes au sein même de cette structure.

Il m’apparaît effectivement indispensable de privilégier l’investissement humain, en prévoyant des actions de formation. Si la décentralisation constitue l’axe fondamental d’impulsion de la démocratie locale, elle doit pouvoir s’accompagner, pour les populations, de la maîtrise de leur avenir, par l’intermédiaire de leurs élus, mais aussi de la société civile. Aussi, la coopération décentralisée doit y apporter sa contribution, en transférant à ces acteurs, son expérience, sa technicité, et son savoir-faire.

La troisième composante consiste à mieux articuler les actions de la coopération décentralisée et le processus de décentralisation. Ce projet prévoit, au travers d’études sur les potentialités fiscales des collectivités, d’élaborer et d’appliquer, en étroite collaboration avec le Ministère de l’Economie et des Finances, des modèles simplifiés de recouvrement fiscal, applicables à différents types de communes. Il devient effectivement indispensable de mettre les collectivités en situation d’agir. La solution ne peut venir uniquement des transferts budgétaires du centre vers les collectivités.

Quelles leçons le Burkina Faso peut-il tirer de l’expérience française en matière de décentralisation ?

Certes le processus de décentralisation français a une certaine antériorité par rapport à celui du Burkina Faso. Mais depuis sa mise en œuvre dans les années 80, il n’a cessé d’évoluer, de s’adapter, de se perfectionner... A l’heure actuelle, il est encore sujet à questionnements et améliorations comme en témoigne son irruption au cours du débat présidentiel de mai 2007,…

Ce qui signifie qu’il n’y pas de standard. Si la gouvernance locale s’affirme progressivement dans toute réforme visant à répondre aux problèmes de transition démocratique et de développement, comme le montre le mouvement de décentralisation observé au cours des dernières décennies, y compris en Afrique, chaque décentralisation s’accorde avec son contexte d’origine. Pour que cette décentralisation soit une réussite, les populations doivent nécessairement s’approprier ces concepts de subsidiarité, proximité et participation, afin de les concrétiser au quotidien. C’est là la seule certitude…

Ouagadougou abritera les 6 et 7 décembre prochain les rencontres franco-burkinabé de la coopération décentralisée, comment préparez vous cela au niveau de l’ambassade de France ?

En fait, il s’agit plus précisément des « rencontres de la coopération décentralisée franco-burkinabé » organisées par le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (M.A.T.D.).
Bien sûr l’Ambassade de France est prête à soutenir financièrement et techniquement cet événement, mais seulement sur invitation du Ministère. L’Ambassade ne s’ingérera pas dans l’organisation de cet événement si elle n’est pas sollicitée.

Qu’attendez vous de ces rencontres ?

Lors des dernières assises en 2002, un certain nombre de résolutions avaient été prises. Cinq ans plus tard, avec un contexte institutionnel marqué par la communalisation intégrale du territoire, il est important de faire le bilan, d’identifier les bonnes pratiques, de repérer aussi ce qui ne fonctionne pas…
A mon sens, l’objectif de ces rencontres est d’échanger sur les actions menées, de capitaliser les expériences et de reproduire ce qui a porté ses fruits.

Le Ministère français des Affaires Etrangères et Européennes peut soutenir financièrement des initiatives au titre de la coopération décentralisée, mais celles–ci doivent répondre à certaines exigences. En effet, le Ministère tente de promouvoir une « professionnalisation » de la coopération décentralisée. Dans cette perspective, l’appui institutionnel est considéré comme un axe d’intervention prioritaire. Cette orientation correspond parfaitement aux besoins du contexte burkinabè. Certains projets s’inscrivent pleinement dans cette dynamique et méritent une certaine attention. Je pense plus particulièrement à la coopération entre Ouagadougou et le Grand Lyon, qui met à disposition un agent communal pendant trois ans pour appuyer la Maîtrise d’Ouvrage locale dans le cadre du projet d’assainissement des quartiers périphériques financé par l’AFD. Cette relation multipartite entre un bailleur classique, l’AFD, un partenaire dans le cadre de la coopération décentralisée, le Grand Lyon et la collectivité locale bénéficiaire, Ouagadougou, joue sur la complémentarité des différents intervenants. L’AFD dispose de moyens financiers, tandis que le Grand Lyon bénéficie de relations de confiance et d’un savoir-faire technique directement exploitable. Cet appui institutionnel est primordial et permet d’assurer la pérennité du projet, via un transfert de compétences.

D’autres projets, plus humbles, ne sont pas dépourvus d’intérêt : Ouahigouya/Chambéry, Tenkodogo%2

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique