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Visite du sous-secrétaire d’Etat américain au Burkina : L’Axe du Mal ne passe pas par Ouagadougou

Publié le jeudi 15 novembre 2007 à 14h19min

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John D. Negroponte et Blaise Compaoré

Le périple du sous-secrétaire d’Etat américain John Negroponte dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest (Nigeria, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Mali) l’a finalement conduit au Burkina Faso. Après avoir été reçu par les plus hautes autorités la veille, avoir dîné avec Blaise Compaoré, rencontré des membres de la société civile, il a livré un point de presse hier, 14 novembre 2007, au Centre culturel américain...

A écouter le visiteur VIP, Ouagadougou et Washington sont en train de filer un parfait amour dont les mailles se resserrent d’année en année.

A l’image de l’actuel président américain, les admirateurs du sous-secrétaire du département d’Etat américain ne doivent pas se compter beaucoup dans le monde de la presse. A tord ou à raison ? Toujours est-il que de lui, le Washington Post fait le portrait d’un ambassadeur exceptionnellement énergique tourné vers l’action, mais dont les convictions anticommunistes ont conduit à fermer les yeux sur les abus des droits de l’homme dans les pays où il y a été envoyé.

Le grand concurrent du mythique journal, sis dans la capitale politique, le New York Times, écrivait que les documents sur lui révèlent « un combattant dur et froid qui menait avec enthousiasme la stratégie du président Reagan ».

En moins tendre, Arthur Lepic, journaliste français, spécialiste des questions énergétiques et militaires, disait de celui qui avait remplacé le représentant américain, Han Blix, dans le bourbier irakien : « Pour rétablir l’ordre en Irak, Washington a fait appel au meilleur spécialiste de la contre-insurrection : John Negroponte. Celui-ci, formé lors des guerres du Viêt-Nam et du Cambodge, dirigea personnellement les escadrons de la mort en Amérique centrale et finança les Contras du Nicaragua en organisant un trafic de cocaïne vers les Etats-Unis. Dès son arrivée à la Maison-Blanche, George W. Bush l’avait réhabilité en le nommant ambassadeur à l’ONU. A ce poste, il conduisit des campagnes de diffamation contre Hans Blix et mit en place un espionnage généralisé des membres du Conseil de sécurité ».

Sur cette dernière appréciation, qui n’est pas des plus flatteuses pour le sous-secrétaire d’Etat américain, John Negroponte, les journalistes présents à la conférence de presse hier matin au Centre culturel américain n’ont pas eu le temps de s’en faire une idée.

Par contre, ils ont un peu goûté à son dynamisme et à son énergie rien qu’à voir l’allure qu’a prise la conférence de presse. En partance pour l’aéroport, à destination de Bamako, c’est au pas de charge que celle-ci a été menée.

La directrice du Centre, qui jouait à la « bodyguard » de son hôte de marque, tant elle sursautait quand les photographes s’approchaient trop du présidium, avait même prévu trois questions. Mais on imaginait bien que les hommes de médias ne pouvaient se laisser faire. Quand on a face à soi l’adjoint de la photogénique Condelezza Rice, autant en profiter. Surtout si l’on se fie au proverbe africain qui dit qu’à défaut de la mère, il faut téter goulûment la grand-mère.

La visite de la 2e personnalité du département d’Etat (ministère des Affaires étrangères) au Burkina s’inscrit dans une tournée sous-régionale dans quatre pays de l’Afrique de l’Ouest. Pendant le voyage, il est accompagné de la secrétaire adjointe pour les Affaires africaines, Jendayi Frazer.

Et voici le tableau qu’il a brossé du climat de relations entre notre pays et celui de l’Oncle Sam, dans une brève déclaration liminaire lue dans un français très acceptable. « Durant ma visite à Ouagadougou, j’ai appris combien nos relations s’étaient grandement améliorées, à la fois dans leur qualité et dans leur profondeur, lors de ces dernières années.

Le récent programme intitulé « Millenium Challenge Threshold Programme » visant à améliorer le taux de réussite dans l’éducation primaire des filles, par exemple, a été un grand succès, et nous espérons, dans les prochains mois, conclure une convention avec l’organisme gouvernemental américain Millenium challenge corporation (MCC) qui augmentera sensiblement notre aide au développement au Burkina Faso ».

Des déclarations de diplomate ? Bien sûr ! Mais acceptons de reconnaître tout de même que nos rapports actuels d’avec le pays de Georges Bush nous changent tout de même du froid qui persistait pendant la Révolution, et plus près dans le temps, pendant la guerre du Libéria et de Sierra Leone.

Le traduit qui corrigeait son traducteur
Pendant la conférence de presse, quelques sujets ont été abordés. Seulement on se rendra compte que de par les réponses données, il nous convainc que c’est un monsieur qui a fait une bonne école de la diplomatie qui parle. L’application du rapport en Côte d’ivoire : « Nous souhaitons que l’accord soit mis en place le plus tôt possible ».

La réticence des pays africains à l’installation d’un poste de commandement américain : « Je ne sais pas s’il faut parler ici de réticence ou d’enthousiasme, mais je dirais que les discussions se poursuivent sur la question ». L’instauration de la démocratie en Afrique : « Je pense que l’idée de la démocratie est en train de s’enraciner ».

Sur la limitation des mandats présidentiels en Afrique : « Il appartient à chaque pays de décider selon sa Constitution. L’essentiel étant surtout qu’il y ait des élections démocratiques et transparentes. La norme est de tendre vers une bonne gouvernance ».

La lutte antiterroriste en Afrique de l’Ouest : « Il n’y a pas de menace pour le moment qui nécessite une politique. Par contre, nous avons un programme de sécurité avec le Burkina Faso, précisément dans le domaine de la formation militaire du contingent qui doit aller au Darfour ».

Les auditeurs ont surtout remarqué une chose : ces Américains là, à l’image de l’esprit anglo-saxon et à l’opposé de nos chers francophones, vont toujours à l’essentiel. Pendant le point de presse, point de fioritures.

Exit la liste de présence, la liste des interventions, les longues déclarations liminaires, les nombreuses questions qui pleuvent comme champignons après l’orage et les « chaleureuses » poignées de main avant et après la cérémonie, encore moins le gargantuesque buffet après la rencontre.

Les journalistes ont également suivi, avec un amusement visible, les rectificatifs que le pointilleux Negroponte faisait à son infortuné traducteur quand ce dernier, qui avait affaire à un polyglotte, ne traduisait pas bien son idée dans la langue de Molière. C’est tout de même le comble d’être corrigé par celui qui n’est pas censé comprendre la langue. Finalement, à la sortie, beaucoup se demandaient pourquoi l’adjoint de Condi a demandé les services d’un interprète.

Issa K. Barry


Portrait du visiteur

John Negroponte, né le 21 juillet 1939 à Londres, est un diplomate des Etats-Unis d’Amérique, proche des Républicains. Le 5 janvier 2007, il est nommé, par le président George W. Bush, secrétaire d’Etat adjoint auprès de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Il est le fils d’un armateur d’origine grecque installé aux Etats-Unis, et parle, outre l’anglais, couramment le grec, le français l’espagnol et le vietnamien.

Il devient diplomate, après des études à l’université de Yale, dans les années 1960 et se retrouve conseiller politique à Saïgon en 1964. Il participe d’ailleurs aux négociations des accords de Paris en 1973 avec Henry Kissinger. Il a été ambassadeur au Honduras, où il adopte 5 enfants (1) à la fin des années 1970 et au début des années 1980 au moment de la guerre civile au Nicaragua.

Il est accusé à cette époque d’avoir supervisé l’approvisionnement en armes, et l’entraînement des Contras, en lutte contre les Sandinistes au pouvoir, dont une partie des revenus sert aux interventions secrètes en Iran, constitue le scandale de l’Irangate qui touche le président Ronald Reagan lors de son deuxième mandat (1984/1988).

Il est à la fin des années 1980 ambassadeur au Mexique au moment de la révolte du Chiapas. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, il est nommé par George W. Bush ambassadeur à l’O.N.U. puis en Irak en avril 2004 après la chute de Saddam Hussein. Le 17 février 2005, il est nommé à la tête de la toute nouvelle Direction du renseignement national (DNI) par le président Bush avec pour mission de définitivement tourner la page des échecs du 11 septembre 2001 et des erreurs d’analyse sur l’Iraq.

Le 21 avril 2005, sa nomination à la direction de la DNI a été approuvée à la quasi-unanimité du sénat, par 98 voix contre 2. Secondé par le général Michael Hayden, ancien patron de la NSA (National Security Agency), il coordonne une quinzaine d’organismes civils et militaires, dont la CIA, et gère un budget annuel d’une quarantaine de milliards de dollars. Il occupe ce poste jusqu’au 4 janvier 2007 date à laquelle il est remplacé par Michael McConnell, suite à sa nomination comme secrétaire d’Etat adjoint.

(1) Pendant la conférence de presse, l’intéressé a précisé que ces derniers vivent en famille aux Etats-Unis, et ont entre 14 et 25 ans. Le plus âgé faisant l’université.

L’Observateur Paalga

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