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Alidou Sawadogo : "Pagnagdé" ou "Tête de charognard"

Publié le mercredi 28 novembre 2007 à 19h22min

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Alidou SawadogoCertains se plaisent à l’appeler "Tête de charognard". D’autres préfèrent le sobriquet "Pagnagdé". Les deux surnoms conviennent à l’homme qui EN est même fier. Mieux, il se rase permanemment le crâne pour que sa tête ressemble à celle d’un charognard. Vous l’avez deviné, ce n’est autre qu’Alidou Sawadogo, artiste-comédien connu par les téléspectateurs de la Télévision du Burkina, à travers le Sitcom "Vis-à-vis".

La cinquantaine bien sonnée et père de trois enfants, Pagnagdé ne vit que de son métier de comédien de cinéma. Il parle dans cet entretien de sa profession et de sa vie en général.

D’où est venu ce sobriquet "Tête de charognard" et comment tu te sens quand on vous t’interpelle ainsi ?

• Ce nom m’a été attribué pour la première fois dans le Sitcom "Vis-à-vis" par Mamouta (Delphine Ouattara), la femme d’Ahmed, qui était furieuse du fait que je bourlinguais avec son mari. Et depuis lors, le sobriquet m’a été collé. J’en suis fier parce que je me dis que les téléspectateurs ont retenu quelque chose du message que l’on a voulu transmettre.

On constate que ton crâne est toujours rasé.

• C’est justement pour répondre au sobriquet "Tête de charognard". Le charognard vous le savez, n’a pas de plume sur la tête. Je me rase donc pour que les gens qui m’appellent par ce nom puisse se retrouver.

Et le surnom Pagnagdé ?

• C’est également à travers "Vis-à-vis" que j’ai eu ce surnom. Au début du Sitcom, j’aimais à dire aux acteurs d’aller doucement pour atteindre notre but. Pagnagdé, c’est en mooré et ça veut dire "n’est pas pressé".

Qu’est-ce que le théâtre et le cinéma représentante pour toi ?

• Ce sont des moyens de communication qui sont beaucoup utilisés pour atteindre des objectifs précis de développement. Le théâtre-forum, par exemple, permet d’aborder des sujets de sensibilisation pour éveiller les consciences. Je me rappelle qu’en 1986, nous avons monté une pièce de sensibilisation sur la vaccination dans la Gnagna où la rougeole sévissait ; six mois plus tard, les rapports du ministère de la Santé indiquaient un taux de couverture vaccinale de près de 80% dans cette province ; ce qui a permis d’éradiquer la maladie.

Depuis quand tu as embrassé le métier d’artiste-comédien ?

• J’ai commencé dans les années 90, avec l’Atelier de théâtre burkinabè (ATB). Les réalisateurs m’ont découvert et m’ont confié des rôles que j’ai exécutés avec succès ; je suis pleinement dans ce métier avec la création du Sitcom "Vis-à-vis" en Juin 1996. J’ai été contacté par le réalisateur saint-Pierre Yaméogo pour son film "Silmandé" (Tourbillon) où j’ai joué le rôle du commerçant Mouni qui a été mis en faillite par les Libanais. Avant cela, je faisais de petits boulots. J’ai sillonné le pays avec l’ATB pour le théâtre de sensibilisation, surtout en matière de santé.

Comment t’y prends-tu pour réussir dans la peau d’un personnage ?

• Si l’occasion vous permet de voir les comédiens sur un plateau, vous comprendrez que ce métier n’est pas facile. Il y a tout un travail à faire à l’intérieur de soi et avec l’autre acteur qui intervient dans une séquence. C’est un travail d’équipe qu’il faut bien faire, pour donner du plaisir aux téléspectateurs ou au public. C’est un véritable défi pour incarner le personnage. Il y a des attitudes que l’on peut créer, qui peuvent aider le réalisateur. C’est dire donc qu’il y a tout un travail de préparation qui est très important et, le plus souvent, le coup d’essai est le meilleur.

Généralement, les acteurs de cinéma sont adulés par les femmes. Entre nous, n’es-tu jamais tombé sous les charmes d’une admiratrice ?

• (Rires...). Quelqu’un disait que pour être adulé par les femmes, il faut être un homme public. Et l’homme public, ce n’est pas seulement le comédien. Même le plus grand malfrat dont on parle partout est aimé par la gente féminine. La femme aime ce qui paraît. Si vous avez des engagements, il faut savoir s’y prendre pour ne pas tomber sous les charmes de votre admiratrice.

Quel bon souvenir gardes-tu du métier d’artiste-comédien ?

• C’est le tournage de la série "Trois hommes, un village". L’ambiance y était bonne et le public a bien accueilli le film quand sa diffusion a commencé. Je me suis alors dit que je n’avais pas fait un mauvais choix.

Et ton mauvais souvenir ?

• Le mauvais côté ne doit pas marquer l’homme de mon point de vue. A quelque chose, malheur est bon, dit-on. Cela permet de se remettre en cause, de cerner les contours du problème et de rebondir sur de bons pieds. Je n’aime donc pas évoquer le mauvais côté d’une aventure.

Mais qu’est-ce qui te déplaît dans le milieu du cinéma ?

• Le fait que certaines personnes veuillent toujours tirer la couverture sur elles et s’érigent en maître. Or l’homme n’a de valeur que s’il se remet en cause et ne se prend pas pour le nombril de la terre. Malheureusement, dans le milieu, je vois certaines personnes se comporter de la sorte.

Qu’est-ce qui te fait le plus plaisir dans ton métier ?

• C’est quand j’entends les gens m’interpeller dans la rue ; lorsque je vais à l’école chercher mes enfants, leurs camarades créent un attroupement autour de moi. Ça me fait plaisir car j’adore les enfants.

Il arrive que tes rejetons t’interpellent par tes sobriquets ?

• Bien sûr ! Surtout la deuxième fille. Elle essaye d’imiter ma démarche ou tout ce que j’ai fait dans un film donné.

Ces enfants veulent-ils suivre tes pas ?

• Oui, chacun est déjà passé sur un plateau. Le garçon a joué dans "Quand les Eléphants se battent". Je crois que dans leur rêve, ils veulent être comme papa.

A combien peut s’élever un cachet de "Tête de charognard" ?

• Il m’arrive de jouer gratuitement. On peut me proposer un cachet alléchant que je refuse parce que le sujet ne me passionne pas. Ce sont les rapports humains qui comptent pour moi. Ils constituent la première valeur. Lorsqu’on me contacte pour jouer un rôle, le premier élément que j’observe, c’est la considération qu’on me réserve. Le cachet ne détermine pas mon engagement.

Ton métier te permet -il de vivre décemment ?

• Dans nos pays sous-développés, aucun boulot, en dehors du vol et la corruption ne permet de vivre décemment. On vivote. En tant qu’artiste-comédien, le peu que je gagne me permet de survivre.

Que faites-tu d’autre dans la vie ?

• C’est un métier plein de rebondissements, si bien qu’on n’a pas le temps de faire autre chose. Un artiste-comédien est celui-là qui a choisi de donner du plaisir au public, de participer à l’éducation, d’être un acteur du développement en touchant aux consciences des gens. Chez nous, être comédien, c’est le dernier des boulots. Sinon, ce métier ne permet même pas de faire quelque chose d’autre. Mais comme je l’ai dit, nous sommes dans un pays sous-développé et tout est sous-développé.

Qu’aimes-tu dans la vie ?

• L’amitié, la franchise dans les rapports humains.

Quels sont tes loisirs ?

• Le footing, la causerie avec les amis et surtout le fait d’être à la maison avec ma famille. Mais ma vie d’artiste ne me permet pas d’être avec ma femme et mes enfants comme je le souhaite.

Ton plat préféré ?

• Le tô avec sauce voulvanka (feuilles de gluantes).

Quels sont tes projets ?

• Je voudrais participer au développement de mon pays, ce qui fait que, de temps à autre, je monte des projets de films de sensibilisation. Je suis également sur un projet d’usine d’extraction de briques en latérite. Ce sont des matériaux qui peuvent nous permettre de construire des maisons solides à moindre coût.

As-tu peur de mourir ?

• J’aime bien la vie. Je ne dois pas avoir peur de mourir. La mort est une autre vie. Mais je souhaite que lorsqu’elle va frapper à ma porte, que ce soit à un moment où j’ai pu réaliser des choses pour ma femme et mes enfants.

Ton coup de gueule ?

• Nous n’arrivons pas à prendre la mesure de la situation de notre pays. Les mauvaises habitudes s’installent dans les comportements des gens ; et si on n’y prend garde, ce sera la banqueroute. Il y a trop de pagaille au Burkina. Il suffit de voir seulement dans la circulation. Un pays ne peut pas se développer dans le désordre. C’est cela qui me tape sur les nerfs.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga

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