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Témoignages sur les événements du 15 octobre : Chacun voit midi devant sa porte

Publié le mercredi 31 octobre 2007 à 07h54min

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Jamais commémoration d’un 15 octobre n’aura été aussi prolifique en témoignages, écrits et déclarations divers que celle de cette année 2007. Solennité du 20e anniversaire oblige, les espaces médiatiques ont été largement ouverts à des témoignages les uns plus pathétiques que les autres. Au total, que de passion et de contradictions sur certains faits, gestes et situation sur l’avant et l’après 15 octobre 1987.

En vérité, certains écrits et témoignages ont donné dans la démesure. Des cœurs vraiment ou faussement meurtris devant les micros et les appareils photos de la presse se sont livrés à des épanchements émouvants. Catharsis réparateur ou afflictions calculées pour jeter l’anathème sur des coupables tout désignés, en fait, des victimes ou tout le moins les protagonistes d’un imbroglio politique dont le dénouement tragique n’est malheureusement pas sans rappeler un far West hollywoodien ou c’est à qui tirera le premier pour sauver sa peau.

On peut déplorer et on déplore fortement que la Révolution burkinabè, qui se voulait une expérience originale, se soit essoufflé si piteusement pour aboutir aux tragiques événements du 15 octobre 1987.

L’émotivité humaine voudrait que la victime soit celui qui a subi plus de casses et le bourreau celui qui, à force de se débattre, à assener des coups pour se défendre. Ainsi veut la bienséance de la morale humaine si fait que, on voit presqu’au quotidien des accidents de circulation où des citoyens sont presque lynchés dans leur droit parce que d’autres protagonistes de l’accident, même quand ils sont en tort, ont raison d’avoir été blessés ou tués. L’émotion et la colère qui peuvent l’accompagner sont des folies plus ou moins brèves.

Quand il s’agit de faits politiques comme le cas d’espèce et qu’à l’émotion et à la colère s’ajoute la passion partisane et activiste, bonjour les dégâts et la guerre des tranchées qui perdure. Pour les tragiques événements du 15 octobre 1987, la guerre des tranchées entretenue principalement par les Sankaristes, dure depuis 20 ans maintenant. C’est de bonne guerre, nous dira-t-on. Mais sert-elle la bonne cause ?

Ce n’est pas évident quand on en arrive à vouloir déformer l’histoire et à prendre l’avenir de toute une nation en otage au service, sinon d’un besoin de vengeance en tout cas pour des intérêts purement politiciens. Dans ce qui reste pour l’instant un débat passionnel non exempte, hélas, de fiel haineux entre Sankaristes et Compaoristes, on aurait voulu un arbitrage digne du nom du côté des autres acteurs politiques à défaut de celui de la société civile.

Mais on pourrait attendre en vain car l’objectivité est la chose la moins bien partagée en politique. De fait, il ne faut pas exclure que certains acteurs politiques en 2007 tout comme en 1987 se tiennent dans le confort de l’ombre pour laisser Blaise Compaoré et son carré de fidèles faire le « mauvais travail » de déménageurs éboueurs de la République et quand il essaie de dire un mot, c’est pour se donner le bon rôle dans l’histoire. Ainsi vit la faune politique burkinabè où pullule tous genres d’espèces.

Le cas express de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD)

Voilà un parti très prolixe qui aime à pondre les déclarations dithyrambiques à propos de tout et de rien qui sera resté étonnement muet ce mois d’octobre. Maître Hermann Yaméogo, l’un des premiers hommes politiques de droite à avoir soutenu le Front populaire n’est pas entré franchement dans le débat de savoir si oui ou non le 15 octobre 1987 est l’amorce d’une Renaissance démocratique au Burkina. Une opinion doctrinale ou tout au moins une déclaration des instances officielles de son parti aurait contribué un tant soit peu à éclairer la lanterne des jeunes générations. Le chantre du « tékré » n’est pas seul dans cette situation d’attendiste qui n’est pas loin de signifier que Sankaristes et Compaoristes s’étripent, on verra après.

Comme dans un prolongement des occasions manquées de placer l’intérêt national et la défense de la démocratie au-dessus de tout, le président de l’UNDD a préféré, dans un oral de rattrapage qui ne dit pas son nom, envoyé son vice-président au charbon. Dans une interview publiée ce mercredi 24 octobre, M. Dabo Hamado a vite fait de rappeler « qu’aujourd’hui le pouvoir et nous (UNDD), c’est chien et chat » même s’ils ont été des « acteurs clés » de l’ouverture démocratique sous le Front populaire. Il faut concéder cela à Hermann Yaméogo. Il a joué un rôle positif qui a poussé les fondateurs du Front populaire, tous, peu ou prou marxistes, voire communistes à ne pas constitutionnaliser la révolution mais plutôt à élargir les libertés démocratiques.

De là à s’attribuer certaines décisions importantes de décrispation sociale prises dès l’avènement du Front populaire, il y a un pas que M. Hamado Dabo, a vite franchi. Quand il déclare littéralement dans son interview publiée par le quotidien « l’Observateur paalga » ce 24 octobre : « C’est nous qui avons demandé par exemple la reprise des licenciés et des dégagés, la libération des détenus au Conseil… » , il y a maldonne quelque part. En effet, tous ceux qui ont suivi les évènements du 15 octobre à la Radio nationale et à la Télévision du Burkina sont mémoratifs que dès son communiqué N°5, le Front populaire annonçait la reprise des enseignants ainsi que d’autres fonctionnaires licenciés sous le CNR.

C’était dans le feu de l’action et il nous semble difficile qu’Hermann Yaméogo ou qui que ce soit de son parti qui n’existait pas ait pu rencontrer Blaise Compaoré à cette date 15 octobre dans la soirée. Mais M. Hamado Dabo, vice-président de l’UNDD a commis le péché mignon de bien de personnes qui dans les témoignages sur la mort de Thomas Sankara et la Renaissance démocratique ont vu midi à 14 heures devant leur porte. Encore une fois, c’est de bonne guerre que chacun se prenne pour une victime ou un héros de la rupture du 15 octobre 1987. Tant pis pour Blaise Compaoré.

Djibril TOURE


L’opération marketing commença dès le 15 octobre avec le communiqué n°5 du Front populaire, revenant sur l’une des mesures les plus impopulaires du CNR, à savoir le licenciement d’un millier d’enseignants et d’autres fonctionnaires. Le communiqué en question disait notamment que :

« 1°) Tous les enseignants licenciés en 1984 pour fait de grève sont repris dans leur corps d’origine.

2°) Tous les agents de l’Etat, suspendus, voient leurs sanctions levées.

3°) Tous les prisonniers politiques et internés administratifs sont élargis ».

Dans la foulée de ce communiqué, un décret ministériel prononça la reprise effective des enseignants licenciés. Sans conteste, cette décision salutaire provoqua un ouf ! de soulagement dans bien de chaumières burkinabè.

L’Hebdo

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