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Ulrich Hochschild, ambassadeur d’Allemagne au Burkina Faso : “Si la réunification était à refaire, nous la ferions autrement”

Publié le mardi 30 octobre 2007 à 07h15min

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Ulrich Hochschild

Le 3 octobre 1990 est le jour de l’unification étatique de l’Allemagne après la chute du mur de Berlin qui, pendant 40 ans, a été le symbole de la guerre froide. C’est donc une date historique qui marque le retour à la normalité pour les Allemands. C’est du moins ce qu’a confié l’ambassadeur d’Allemagne au Burkina Faso, Son Excellence monsieur Ulrich Hochschild dans un entretien accordé à Sidwaya.

Sidwaya (S.) : Quel sens donnez-vous à la commémoration de la réunification ?

S.E.M Ulrich Hochschild (U.H.) : Historiquement, l’Allemagne a été une entité unifiée depuis le 19ème siècle. Mais, à la fin de la deuxième guerre mondiale en 1945, l’Allemagne fut morcelée en quatre zones et occupée par les Alliés : les Français, les Britanniques, les Américains et les Soviétiques. Ce morcellement a duré 4 ans jusqu’en 1949, date à laquelle les 4 zones vont être constituées en deux Etats.

La République fédérale d’Allemagne (RFA) qui regroupait les zones française, britannique et américaine et la République démocrate allemande (RDA) sous contrôle soviétique. Pendant 40 ans, l’Allemagne a été officiellement et étatiquement partagée. En 1989, date de la chute du mur du Berlin, on peut dire que c’était la fin de la guerre froide de facto entre les blocs occidental et oriental. Une année après, en 1990 l’unification étatique va avoir lieu. Pour tous les Allemands, c’était le retour à la normalité, et c’est le sens que nous donnons à la célébration de la réunification. Cette date du 3 octobre est devenue la fête nationale allemande comme le 14 -Juillet
en France.

S. : Quel est le souvenir que les Allemands ont gardé des occupants ?

U.H. : En Allemagne de l’Ouest (RFA), on a gardé un souvenir qui n’est pas mauvais parce que les Allemands de cette partie du pays ont profité pendant toutes ces années, d’une économie de prospérité. En Allemagne de l’Est, c’était différent parce que cette partie était moins prospère et moins libre. C’est vrai que la RFA n’était pas un Etat totalement indépendant en ce moment. Mais après l’unification, la vie dans l’ancienne RFA n’est pas totalement différente qu’au temps de l’Allemagne divisée. Les problèmes sont maintenant tout autres, parce qu’étant un seul Etat, il faut travailler à avoir les mêmes conditions de vie partout. Au départ, les conditions de vie étaient meilleures en Allemagne de l’Ouest qu’en l’Est. Aussi, les Allemands de l’Ouest doivent payer une plus grande partie pour la reconstruction de l’Allemagne de l’Est. Cela est difficile d’autant plus qu’après la chute du mur, les travailleurs qualifiés de la RDA quittaient leur zone pour venir travailler en RFA. C’est un danger que court toute l’Allemagne dans les années à venir parce que pas beaucoup de gens de l’ancienne RFA veulent vivre en RDA. On peut dire que l’Allemagne dans sa totalité est étatiquement unifiée, mais économiquement et mentalement, elle ne l’est pas encore. Il y a en effet, encore des différences à ces niveaux, ce qui constitue un défi pour l’Allemagne.

S. : Est-ce ce sentiment de déséquilibre qui alimente parfois le regain du nazisme en Allemagne ?

U.H. : Le nazisme ne joue pratiquement plus un rôle en Allemagne. Il y a certes un parti naziste, mais il ne représente que 2 ou 3% de la population. Le nombre de ceux qui adhèrent à l’idéologie naziste en Allemagne n’est plus aussi important que dans d’autres pays d’Europe, en l’occurrence le parti de Jean Marie Le Pen en France est beaucoup plus fort. Mais parfois en Allemagne, le nombre des voteurs du parti naziste est plus grand. Ceux qui votent pour ce parti, aujourd’hui sont des gens qui, pour une raison ou une autre, sont mécontents.

S. : Est-ce qu’on peut dire qu’après la réunification, les Allemands de la RFA et ceux de la RDA se sont réellement intégrés ?

U.H. : Juridiquement, tous les Allemands sont égaux. Il y a même beaucoup de mariages entre les deux peuples. Etatiquement, on est un Etat avec les mêmes droits. C’est avant tout économiquement qu’il y a une différence. Il y a aussi une différence mentale, culturelle surtout dans l’ancienne génération. La jeune génération ne connaît pas ce problème. Je pense que l’unification mentale et culturelle dure une génération.

S. : Si la réunification était à refaire, les Allemands allaient procéder encore de la même manière ?

U.H. : Certainement pas dans tous les détails. Il n’y a pas de doute qu’on a commis beaucoup d’erreurs. Le processus de réunification était une expérience nouvelle et unique. Comme toute nouvelle expérience, on ne pouvait pas éviter les erreurs. Ce qui n’a pas marché dans ce processus, c’est par exemple sur le plan économique, le fait d’abandonner trop tôt la monnaie de l’Allemagne de l’Est. Dans le souci d’offrir les mêmes conditions de vie à tous les Allemands, on a instauré la parité au niveau des taux d’échange. Pour les retraités, cette nouvelle donne est avantageuse parce qu’elle augmente leur pouvoir d’achat. Mais pour ceux qui travaillent, la relation un à un est à leur détriment parce que l’économie en Allemagne de l’Est n’est plus capable d’une certaine compétition. Les produits fabriqués en RDA sont trop chers parce que les salaires sont élevés. On a des marchandises qui ne sont pas de meilleure qualité mais qui sont beaucoup plus chères. Cela est au détriment de l’économie allemande et on a enregistré un recul de l’économie.
Ce qui est plus grave, c’est le problème de terrain. Avant la deuxième guerre mondiale, beaucoup de terrains en RDA étaient la propriété de ceux qui ont vécu après en RFA. Après la réunification, ils ont réclamé leurs anciens terrains qui sont devenus pour 40 ans de facto la propriété de ceux de la RDA. Pour régler ce problème, on a trouvé une solution purement juridique qui ne correspond pas toujours à la réalité.

S. : Quelle est la place de l’Allemagne dans l’Union européenne ?

U.H. : L’Union européenne est dans une phase de transition. A l’époque en 1966, c’était la Communauté économique européenne avec 6 pays fondateurs. Elle a par la suite, augmenté en nombre : 9, 10, 12, 15, 25 et maintenant 27. Le système a alors totalement changé. Il est déjà difficile de trouver un accord à 6, beaucoup plus difficile à 15 et presque impossible à 27. Dans ce système, l’Allemagne est juridiquement et théoriquement l’un des 27 pays. Mais de facto, l’Allemagne est l’un des plus forts du système comme la France, la Grande-Bretagne ou l’Italie.

S. : Quel est l’état de la coopération entre le Burkina Faso et l’Allemagne ?

U.H. : Les relations entre les deux pays sont bonnes. Il n’y a pas de divergences politiques. L’Allemagne n’est certainement pas le pays qui contribue le plus en matière d’aide bilatérale, mais le Burkina Faso figure parmi les pays prioritaires de la coopération allemande. Quand on considère les contributions de l’Allemagne pour les pays en voie de développement, il faut se rendre compte qu’elle est le plus grand contributeur au sein de l’Union européenne. L’Allemagne en effet, participe avec 23% des contributions européennes. Elle est également le troisième contributeur des Nations unies. Quand on tire le bilan de tout cela, on se rend compte que l’Allemagne contribue beaucoup plus que ce que laissent voir les chiffres bilatéraux. Depuis 1973, l’Allemagne a donné plus d’un demi-milliard d’euros au Burkina Faso. L’Allemagne est principalement actif dans les domaines de l’agriculture, de la décentralisation, de l’eau et de l’assainissement.

S. : Le Burkina a amorcé depuis quelques années, la décentralisation. Quelle est la place de l’Allemagne dans ce processus ?

U.H. : L’Allemagne est le chef de file dans ce processus de décentralisation au Burkina Faso. Parce que l’Allemagne a toujours été un pays fédéral. La décentralisation a existé en Allemagne depuis des siècles. Je peux comprendre que beaucoup de gens ne soient pas contents de la décentralisation. Mais, il faut comprendre que c’est un processus qui dure.

En Allemagne, il a duré plus de cent ans. Un pays comme le Burkina ne peut pas réussir en un ou deux ans là où l’Allemagne a mis cent ans pour réussir. La décentralisation a toujours besoin d’être réajustée, même en Allemagne, il y a toujours des discussions entre la capitale et les régions. Avec la décentralisation au Burkina Faso, c’est la même chose que la réunification en Allemagne. On ne peut pas éviter les erreurs. Le Burkina n’a pas d’expérience en matière de décentralisation et c’est normal qu’il y ait des erreurs. Avec une tradition centraliste, le début d’une décentralisation est très difficile. Il faut que mentalement, les populations acceptent la décentralisation. Cela peut durer une génération tout comme l’unification mentale en Allemagne.

S. : Quelles sont les actions concrètes que la coopération allemande pose sur le terrain ?

U.H. : Dans le domaine de l’eau et l’assainissement, nous réalisons beaucoup de forages. Nous avons commencé dans les plus grandes villes, maintenant, nous intervenons dans les villes moyennes. Dans le secteur de la décentralisation, nous avons des conseillers dans les mairies et on assiste également le ministère dans l’élaboration de textes relatifs à la décentralisation. Bref ! Nous voulons aider le Burkina à se développer. Ce pays n’a ni pétrole, ni diamants, il doit profiter de ce dont il dispose, comme le soleil. Je pense donc que le secteur de l’énergie solaire pourrait être une perspective intéressante.

S. : Le Burkina peut-il s’attendre à un appui de la coopération allemande dans ce domaine ?

U.H. : Bilatéralement, ça sera difficile parce que les sommes nécessaires pour ce secteur sont énormes. Ce sont les grands bailleurs internationaux comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’Union européenne qui peuvent financer de tels projets et ils pourront être assistés par les bilatéraux.

Interview réalisée par
Pauline YAMEOGO
Nadoun COULIBALY

Sidwaya

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