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La méthode COMPAORE : Ecoute, ouverture et pragmatisme

Publié le mardi 23 octobre 2007 à 08h56min

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Epreuve difficile et subjective que de tenter de dresser un portrait robot de la méthode COMPAORE. Une méthode faite d’écoute, d’ouverture et de pragmatisme qui tranche d’avec ses prédécesseurs, notamment Thomas SANKARA.

La vie politique de Blaise COMPAORE est marquée par deux temps forts ; l’avènement de la Révolution du 4 août 1983 et son accession au pouvoir le 15 octobre 1987. Ces deux évènements majeurs donnent de l’homme d’Etat une image mitigée pour certains mais dont une lecture critique et une analyse approfondie traduisent une unité dans sa démarche, voire sa méthode qui repose sur trois piliers fondamentaux : l’écoute, l’ouverture et le pragmatisme.

Une formidable capacité d’écoute

La force de la méthode COMPAORE réside dans sa capacité d’écoute. Peu porté sur la rhétorique, il se caractérise par sa formidable disponibilité à écouter les uns et les autres. Et c’est cette capacité qui a fait sa réputation d’homme discret et effacé. Mais est-il si effacé que cela ? Avec l’avènement de la Révolution du 4 août 1983 dont il fut un des concepteurs et le principal acteur, il a su se mettre à la disposition du processus révolutionnaire sans revendiquer des lauriers.

Son rôle de n°2, derrière Thomas SANKARA ne lui portait aucun préjudice. Apprécié de la troupe pour sa patience et respecté des civils pour sa pondération et son sens élevé de la courtoisie et de la mesure, Blaise COMPAORE était le véritable socle de la révolution. Il était de fait l’oreille vers laquelle se tournait le peuple pour plaider sa cause. Cette qualité, il ne la perdra pas après son accession au pouvoir.

Le 15 octobre 1987, il ne s’est pas départi de cette disponibilité à l’écoute. Là où certains auraient envahi les médias pour justifier les évènements douloureux qui venaient de se dérouler avec des attaques, des invectives, des accusations, Blaise COMPAORE est resté de marbre. Il a pris le temps de l’écoute. Ce n’est que le 19 octobre 1987, soit trois jours après qu’il prendra publiquement la parole pour donner sa lecture des faits en considérant Thomas SANKARA comme un camarade qui s’est trompé et en indiquant que la Révolution devait être rectifiée et que l’ouverture politique était incontournable.

Plus proche dans l’actualité Blaise COMPAORE a donné une autre preuve éloquente dans sa capacité d’écoute avec l’assassinat de notre confrère Norbert ZONGO. Face à la quête populaire de justice et aux attentes des populations, il a pris le temps de l’écoute avant de lancer dans un discours mémorable à l’intention du peuple burkinabè cette phrase pleine de dignité : « Je vous ai compris ». Toute chose qui favorisera la mise en place du Collège des sages dont le rapport a permis au Burkina de faire un pas géant dans son processus de démocratisation.

La crise ivoirienne a donné aussi à voir cette capacité d’écoute de Blaise COMPAORE. Non seulement il est resté à l’écoute de son peuple dont il a su temporiser les ardeurs de vengeance, mais il a surtout écouté les protagonistes de la crise dont il est à présent le « facilitateur » pour la recherche de la paix. Des exemples on pourra en donner des dizaines pour illustrer cette capacité d’écoute, mais rien que ceux reproduits ici en disent long. La méthode COMPAORE commence par l’écoute.

Une volonté ferme d’ouverture

Le monde politique est caractérisé par un manichéisme qui ouvre la porte à toutes les dérives. Sous la Révolution du 4 août 1983, on a vite fait d’opposer révolution et démocratie, de sorte que là où il y a révolution, la démocratie doit trépasser et là où il y a démocratie, la révolution doit triompher. De la même manière, on a opposé civils et militaires, chacun ayant de l’autre une image pour le moins détestable. Ainsi pour les militaires les civils sont à la limite une espèce humaine de peu de confiance, des manipulateurs et de beaux parleurs, tandis que ceux-ci considèrent les militaires comme des « bidasses », des exécutants, incapables de comprendre la chose politique.

La Révolution qui était un pouvoir d’essence militaire devait résoudre cette question fondamentale. En effet, le Conseil national de la Révolution (CNR) dans sa composition traduisait cette vision avec une tendance à l’exclusion des civils. Toute chose qui avait fait dire au parti communiste révolutionnaire voltaïque (PCRV) de laisser les militaires avec leur chose (révolution). Mais peu à peu, ayant compris le danger que représentait cette vision militariste du pouvoir révolutionnaire, des civils ont commencé à émerger au sein du CNR. Des témoignages en son temps prêtaient à Blaise COMPAORE de pousser fermement à l’ouverture du CNR. Ce fut en plein dans cette polémique sourde et lourde qu’est intervenue le 15 octobre 1987.

Blaise COMPAORE était donc attendu au tournant. Ferait-il preuve d’ouverture politique comme on le créditait ou continuerait-il avec la vision militariste du pouvoir révolutionnaire ? Il fallut très peu de temps pour être fixé. En effet, dans son discours mémorable au peuple burkinabè, le 19 octobre 1987, la nette volonté d’ouverture politique sera exprimée : ouverture politique au sein du Front populaire (FP) mais aussi ouverture vers une démocratisation politique. A partir de ce jour le Burkina vit une ère politique féconde marquée par un multipartisme intégral. Même les plus sceptiques sont donc obligés de reconnaître cette prédisposition.

Autant sous le CNR que sous le Front Populaire il a fallu batailler dans les tranchées pour faire triompher l’ouverture politique, autant avec la démocratie, il faut déployer tout un trésor d’intelligence pour la consolider. Ceux qui ont œuvré aux côtés de Blaise COMPAORE sous la Révolution se souviennent encore de sa détermination à associer tous les Burkinabè à la gestion du pouvoir d’Etat en dépit de l’opposition farouche de certains de ses camarades. Ceux qui ont vu en lui un simple « réformiste » n’avaient rien compris de sa démarche. Il a engagé le pays sur un véritable renouveau démocratique. Et c’est dans ce cadre démocratique qu’il va montrer la pleine mesure de sa ferme volonté à l’ouverture politique.

Ainsi, avec le pluralisme politique, le Burkina compte plus d’une centaine de partis politiques. La gestion du pouvoir d’Etat n’est plus exclusivement le monopole du parti majoritaire. L’opposition tout comme la société civile sont associées à travers des différents gouvernements et autres institutions de la République. Avec cette méthode faite d’ouverture, l’opposition au Burkina Faso, du moins l’opposition républicaine, ne s’oppose pas seulement, elle participe à la gestion de la nation. Envers et contre tous, Blaise COMPAORE a su s’imposer comme un homme d’ouverture même si parfois sa méthode n’a pas rencontré le soutien de tous ses inconditionnels. Avec sa ténacité le Burkina a gagné en stabilité, a fait d’énormes progrès démocratiques et réalise son développement dans la sérénité et la paix.

Pragmatisme de circonstances

Charles DE-GAULE est le père historique de la formule du « pragmatisme de circonstance ». C’est-à-dire en un mot s’avoir s’adapter à toutes les situations et être pragmatique en fonction des circonstances. Blaise COMPAORE est le prototype même du pragmatique. Et ce trait distinctif de sa personnalité a déteint sur sa méthode d’aborder les questions qui se posent à lui dans sa gestion du pouvoir d’Etat. A toutes les situations qui ont pu s’opposer à lui à ce jour, Blaise COMPAORE a su s’adapter. De la Révolution à la démocratie il a vécu des épreuves aussi difficiles les unes, les autres, mais il a réussi par son action pratique à donner une orientation à l’histoire du Burkina.

Au plan national, c’est surtout pendant les crises politiques graves, que l’homme a fait preuve de pragmatisme. Et des crises, le Burkina en a connues. Celles qui resteront dans la mémoire collective sont celles de la revendication de la Conférence nationale souveraine voulue par la Convention des Forces Démocratiques (CFD) en 1991 et celle née de l’assassinat du journaliste Norbert ZONGO en 1998. Malgré les positions divergentes, les situations de non-retour, les déclarations incendiaires, Blaise COMPAORE a toujours orienté son action vers l’essentiel. Il a su s’adapter aux circonstances en maniant écoute et ouverture. Pas de Conférence Nationale Souveraine, mais une loi fondamentale acceptée par toutes les composantes de la nation et adoptée par la quasi totalité du peuple burkinabè. Face à la crise de 1998, il prend un train de mesures politiques et pratiques qui rassurent la classe politique et l’ensemble du peuple.

Au plan international, trois évènements majeurs méritent d’être cités pour illustrer le pragmatisme de Blaise COMPAORE : l’embargo international sur la Libye, la signature de la coopération avec la République de Chine (Taïwan) et la crise ivoirienne. Bénéficiant d’une relation particulière avec la Libye de Mohamar KADHAFI, le Burkina se retrouvait dans une situation inconfortable lorsque la communauté internationale a imposé un embargo sur la Libye. Face à cette situation que pouvait-il faire ? Le Burkina étant un pays pauvre dépendant en grande partie de cette communauté internationale.

Blaise COMPAORE a œuvré inlassablement à promouvoir le dialogue avec Tripoli, pour finir par être le premier à mettre les pieds dans le plat en vidant l’embargo aérien qui frappait le pays. Pour inique et inefficace cet embargo l’était. Aujourd’hui tout indique qu’il a eu raison de ne pas lâcher la Libye. L’autre fait majeur est la coopération avec la république de Chine (Taïwan). Là encore Blaise COMPAORE a mis en avant le pragmatisme qui veut que les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts renouant avec un pays qui ne demandait qu’à soutenir nos efforts quotidiens pour sortir du sous-développement. S’il y a longtemps que les rhétoriques politiciennes n’ont plus de prises sur les réalités franchir le pas a néanmoins demandé beaucoup de courage et de clairvoyance.

C’est véritablement avec la crise ivoirienne que Blaise COMPAORE a étalé sa capacité à s’adapter aux circonstances et à peser sur le cours des évènements. Accusé, incompris, l’homme a fait preuve de pragmatisme. Et les faits lui donnent aujourd’hui totalement raison et sur toute la ligne. C’est pourquoi, il faut souligner la qualité de la politique pragmatique qu’il a su imposée pour donner au Burkina une image positive sur la scène internationale.

De la méthode COMPAORE, on aurait pu dire davantage. Mais à quoi cela servirait l’essentiel est dit. Certes que d’autres traits caractéristiques auraient pu être évoqués, mais l’épine dorsale de la méthode restera : l’écoute, l’ouverture et le pragmatisme. Une méthode qui lui colle à la peau comme un trait génétique.

Par Marie Paule SOME

L’Opinion

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