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Dépenses militaires et développement : Le pacte inégal Afrique-Occident

Publié le mardi 16 octobre 2007 à 07h22min

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Un monde pacifié dans lequel les conflits armés seraient de vagues réminiscences, et les armements, de la vieille quincaillerie définitivement jetée au rebut. L’humanité connaîtra-t-elle jamais pareil monde où la paix et la stabilité entreront dans le quotidien des humains ? Pour l’heure et certainement pour bien des lustres encore, le rêve paraît irréalisable, voire insensé, tant il est notoire que l’instinct de pouvoir et de domination a toujours caractérisé l’Homme.

Et le génie humain, dans sa forme la plus abjecte, a fait le reste. Car, pour la satisfaction de cet instinct, on ne peut pas dire que la possession de l’armement le plus dissuasif ne fasse pas l’affaire. Les plus forts maintiennent ainsi leur pouvoir de domination sur les plus faibles, quand ils ne les oppriment pas. Autant dire qu’un monde sans paix, ce n’est pas demain la veille.

Evidemment, les conflits armés arrangent les industries d’armement qui continuent ainsi d’amasser des fortunes colossales dans ce commerce justement lucratif. Quelle part chaque Etat dégage-t-il annuellement pour sa sécurité et sa défense nationale ? En combien de francs faut-il chiffrer les dépenses consacrées à l’armement uniquement, particulièrement en Afrique, ce continent de misère ?

Que les Etats-Unis aient déjà dépensé plus de 500 milliards de dollars dans les guerres en Irak et Afghanistan et que chaque mois ces conflits coûtent 12 milliards de dollars, ils sont peut-être condamnables. Mais ils le sont moins que l’Afrique qui, si l’on en croit un récent rapport, s’arme à coup de milliards par an, alors qu’une forte majorité de sa population peine à couvrir ses besoins existentiels. Cela n’est pas raisonnable d’autant que cette somme astronomique aurait pourtant permis au continent de soigner une bonne partie de ses maux dans les domaines de l’éducation et de la santé notamme nt.

RDC, Soudan, Centrafrique, Côte d’Ivoire, etc., voilà autant de pays dont la marche a été ou continue d’être ralentie du fait des conflits, et qui, pour longtemps encore, seront condamnés à en ressentir les effets et les coûts. Certes, des embargos sur les armes ont été décrétés contre certains pays, en plein conflit, mais, comme c’est souvent le cas, quand la messe avait été déjà complètement dite. Rarement ces sanctions ont été appliquées en amont pour prévenir tout désastre.

D’ailleurs, que vaut un embargo quand l’existence de marchés noirs favorise la circulation illégale d’armes dans les pays en guerre ?

Dans la majeure partie des Etats du continent, une importante part du budget national, sinon la plus grosse part, est consacrée à la défense nationale. Un pactole représentant, très souvent, bien plus que les montants alloués aux secteurs de l’éducation, de l’habitat et de la santé, ventres mous de nombreuses politiques de développement sur le continent. Evidemment, on dira que la défense de l’intégrité territoriale a un coût. Evidemment, on tentera de faire valoir que qui veut la paix prépare la guerre. Soit. Mais de quels ennemis extérieurs s’agit-il, quand les conflits sont de nos jours plus le fait de contradictions internes arrivées à leur point culminant, que d’attaques extérieures ? On sait en effet combien la confiscation du pouvoir, la malgouvernance sur fond de prédations au détriment des plus faibles et de la grande majorité, les crises identitaires, etc., peuvent susciter de frustrations et de rancoeurs propres à créer l’instabilité et à déboucher sur le chaos.

Mais comme dans bien des situations, on refuse d’affronter la réalité, en feignant d’ignorer, par commodité, qu’on a affaire à une crise purement interne, préférant voir la main de l’extérieur.

Certes, les Occidentaux ont une part de responsabilité dans l’instabilité chronique que connaît le continent en ce sens que les instruments de la mort sont, en majorité, fabriqués au Nord. Certes, il paraît difficile pour bien des pays africains toujours mentalement colonisés, de se défaire des réseaux d’intérêts économiques et géostratégiques occidentaux. Etant donné que ces Occidentaux cherchent leurs profits, toute résistance ou tout refus africain pourrait changer leur regard par rapport à leurs investissements en Afrique. En cela, le pacte Afrique-Occident est inégal et caractérisé en permanence par une forme insidieuse de chantage.

Mais tout cela ne saurait exonérer les gouvernants africains dont la plupart ne peuvent se défaire des liens de la malgouvernance.

En réalité, la course à l’armement, pour beaucoup de dirigeants qui confondent, bien souvent, sécurité territoriale avec défense de leur pouvoir, cache mal le souci pour certains d’entre eux de se maintenir le plus longtemps possible aux affaires. A mesure que leur étoile pâlit et que le peuple se retrouve de moins en moins en eux, les armes deviennent un instrument, une garantie de sécurisation et de pérennisation aux dépens de leur propre peuple.

Bref, on croirait avoir affaire à un pacte où dirigeants africains, marchands d’armes et Occident trouvent tous leur compte ; le Nord trouvant là un moyen de faire régresser son taux de chômage et de faire fleurir ses industries.

Autant il est certain que l’Afrique ferait des économies si elle investissait moins dans l’armement, autant il est indéniable qu’elle serait moins confrontée aux démons de l’instabilité et livrée aux guerres si elle n’avait pas été si balkanisée. Elle aurait par conséquent été plus forte et moins exposée aux conflits d’intérêts de toutes sortes (économiques, géostratégiques, etc.).

Ce rapport sur les investissements dans l’armement en Afrique est pratiquement passé sous silence sans doute parce qu’il donnait mauvaise conscience à l’Occident et aux dirigeants africains. En tous les cas, un tel rapport devrait interpeller le continent noir.

Le Pays

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