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Valère Somé : “Les gens du pouvoir ont été mal inspirés...”

Publié le mardi 16 octobre 2007 à 08h21min

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Valère Somé

Ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique du Conseil national de la révolution, auteur du livre “Thomas Sankara : l’espoir assassiné”, Valère Somé, chercheur anthropoéconomiste trouve que le président de la révolution d’Août 1983 était une “intelligence supérieure” et qu’il n’y a pas encore de démocratie au Burkina Faso.

Sidwaya (S.) : Comment avez-vous vécu le 15 octobre 1987 ?

Valère Somé (V.S.) : J’invite les lecteurs à lire mon livre, “Thomas Sankara : l’espoir assassiné”. Tout est expliqué dedans. Le 15 octobre, matin à 8 h, le président Thomas Sankara a envoyé quelqu’un me chercher. Je suis resté avec lui de 8 h à 11 h 30. Et nous avons eu le temps de discuter, de parler du complot qui était en cours contre lui (...). J’étais à côté du président Sankara qui écrivait son intervention de 20 h. Une intervention dans laquelle, il veut des retrouvailles entre lui et Blaise Compaoré. Dans ma conviction, Sankara n’a jamais prémédité un complot contre Blaise Compaoré. Je persiste et je signe. On s’est quitté à 11 h 30. A 16 h, j’étais en train de jouer au jeux d’échec et j’ai entendu un coup de feu. Un étudiant est venu m’informer qu’il a la prémonition que Thomas Sankara est mort. Derrière sa moto on est allé directement au Conseil de l’Entente.

Arrivé, ils ont refusé de me laisser rentrer tout en me disant que si j’insiste, on m’abattait. Je suis revenu à la maison, tout en disant que nos camarades ne peuvent pas nous tuer. J’allais fuir si c’était un coup venant de l’extérieur. C’est le lendemain, que j’ai su que Thomas Sankara était assassiné. Les gens m’ont demandé quel était mon bord. Je suis avec Thomas Sankara, leur ai-je répondu. Après Blaise Compaoré m’a garanti que je peux vivre sans inquiétude. Donc, j’ai commencé à vivre au grand jour jusqu’à ce qu’on m’arrête. Parce que nous avions publié un article dans le journal “le Prolétaire”, en réponse au sale rôle qu’on nous attribuait. Avant de pouvoir m’exiler j’ai connu, à la gendarmerie, les périodes les plus difficiles de ma vie.

S. : Qui est Thomas Sankara ?

V. S. : Je constate en lisant vos colonnes qu’il a trop d’amis d’enfance. Moi, mon enfance que j’ai faite avec lui, c’était à Gaoua à l’école primaire, de 4 à 12 ans.
C’était entre 1956 et 1962. Ensuite chacun a eu le certificat et son entrée en sixième. Thomas Sankara a continué à Bobo au lycée Ouezzin Coulibaly et moi au CEG de Ouagadougou, actuel Bogodogo. Quand je faisais mes études à Paris, lui il faisait son stage à Pau en France.
Et on se rendait visite. Je peux mettre nos relations sur la base d’une amitié d’enfance qui a pris par la suite une allure politique.

Thomas Sankara était un homme surdoué, d’une intelligence supérieure. Il était brillant, premier de sa classe à l’école primaire. Il apprend très vite. C’est un homme de foi, humaniste, d’idéal et très généreux. Thomas Sankara est un anti-impérialiste. Et on a eu, à tort, de traiter la révolution du Burkina comme une révolution communiste. On ne nous avait pas bien compris et rapidement, de façon erronée, on a assimilé cette révolution de communiste. Dans le Discours d’orientation politique (DOP), il est dit qu’on est un petit pays enclavé, sans un soutien de l’opinion internationale et par conséquent notre révolution de portée limitée, demeure une révolution bourgeoise. J’ai écrit dans mon livre intitulé “Thomas Sankara : l’espoir assassiné” que la révolution burkinabè n’a jamais été communiste.

A propos de ce livre, ceux qui savent dire des contre-vérités ont dit que quand je suis rentré de mon exil, je suis allé voir Blaise Compaoré pour désavouer mon livre. Je profite de l’occasion pour dire que je n’ai jamais désavoué mon livre. Tout ce que j’ai écrit, je l’ai fait de bonne foi, aucune affirmation gratuite. Mon livre est la réplique du livre intitulé “Sankara, Compaoré et la révolution burkinabè” de Luc Marthens qui, à chaque page de son livre, m’a cité. Sur mon livre, je reste ouvert au débat.

S. : Quelle est votre appréciation de l’évolution du processus démocratique au Burkina. Est-il opportun de fêter l’avènement du retour à l’Etat de droit ?

V. S. : Les gens insultent l’intelligence du peuple. Mais moi on insulte pas mon intelligence. Quand Blaise Compaoré prenait le pouvoir, c’est avec l’encadrement pur et dur des communistes. Ils disaient que Sankara était en train de trahir la révolution en faveur des réactionnaires. Ils ont pris le pouvoir pour approfondir la révolution et non pour amener une quelconque démocratie. Il faut qu’on ait la mémoire dans ce pays.

Il ne faut pas tromper le peuple. 16 ans de démocratie avec Blaise Compaoré, j’aurai compris. Au Burkina il y a la dictature démocratique, la dictature de la majorité. Il n’y a pas encore de démocratie au Burkina Faso. Les gens du pouvoir ont été mal inspirés en faisant cette rencontre parallèle à la commémoration des 20 ans de disparition de Thomas Sankara. Si Blaise faisait construire un monument en l’honneur de Thomas Sankara, ce serait bien inspiré et il aurait coupé l’herbe sous les pieds des sankaristes. Cela serait une victoire pour lui.

Boureima SANGA

Sidwaya

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