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Célébrations du 15-octobre : Plus de mal que de bien

Publié le lundi 15 octobre 2007 à 06h56min

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Vingt ans après l’avènement du 15 octobre, l’idolâtrie annihile encore toute action tendant à arracher le Faso des conditions misérabilistes dans lesquelles il est plongé. "Pro-Blaise" ou "pro-Sankara", on occulte le fait que le peuple burkinabè souffre de l’inconséquence de politiques dont chaque camp est comptable à des degrés divers.

De nos jours, le sankarisme se résume à cette nébuleuse abritant certes des militants sincères, mais aussi des individus plus soucieux de leur promotion que de celle des idéaux du leader charismatique de la Révolution du 4 août 1983. C’est que le mouvement souffre d’un manque de leadership : tiraillés par des mesquineries, ceux qui se sont propulsés à sa tête brillent par des divergences de toutes natures. Certains sankaristes manquent de modestie et de compassion à l’égard du peuple burkinabè. D’autres sont incapables de transcender les valeurs secrétées par le pouvoir et dominées par l’argent. Quels qu’ils soient, étant donné leur mission, la plupart d’entre eux devraient pourtant comprendre que l’humilité, l’autocritique, et le comportement exemplaire sont gage de réussite. Aussi, tout en poursuivant la critique, ils devront travailler davantage pour mieux convaincre le peuple burkinabè.

De son côté, le pouvoir fait preuve d’intolérance car ce pays appartient à tous les Burkinabè sans exclusive. En refusant aux sankaristes l’accès aux espaces publics, il consacre le retour au parti unique. Le camp présidentiel cultive également le déséquilibre dans le traitement de l’information avec le refus du droit de réplique et de la diffusion de spots d’un adversaire politique à la télévision nationale, pendant que le comité d’organisation des "pro-Blaise" et son président usent abondamment des médias publics pour s’expliquer et faire la promotion de leurs activités.

Par ailleurs, les partisans du chef de l’Etat aiment à s’adonner à des festivités et autres formes de libations comme s’ils étaient indifférents aux souffrances du peuple burkinabè. Ce groupe montre que les Etats d’exception ont la vie dure, que la démocratie et la liberté sont une quête permanente du peuple. Il étale au grand jour ses incohérences : médiateur en Côte d’Ivoire et au Togo, le chef de l’Etat, piégé par les extrémistes qui l’entourent, n’a toujours pas pris langue avec ses propres opposants. Le Burkina opère ainsi un net recul, d’autant qu’il semble tourner dos aux valeurs dominantes en politique aujourd’hui : la brièveté au pouvoir et l’alternance dans le cadre de la construction d’un Etat de droit démocratique.

Pourtant, des espoirs étaient permis à l’avènement du 4 août. Et il aura bien fallu la révolution pour conscientiser, libérer le génie créateur des Burkinabè, et entamer la modernisation du Faso. De ce vaste chantier découlent les initiatives actuelles tendant à endiguer le sous-développement : désenclaver le pays, mieux soigner, nourrir, éduquer, former les Burkinabè, etc. Des améliorations sont apportées au plan des libertés démocratiques. Par exemple, la liberté de presse a beaucoup progressé. Même s’il faut demeurer vigilant pour préserver les acquis et remporter d’autres luttes. En somme, il y a tellement à faire au Burkina qu’il faut s’abstenir de toute démonstration ostentatoire. Certes, le pouvoir ne pouvait laisser le terrain de la commémoration du 15-Octobre aux seuls sankaristes. C’est de bonne guerre. Mais, comme le Mali et le Bénin, le Burkina devrait éviter d’écraser ses opposants et de leur refuser le dialogue. Faudra-t-il encore attendre 20 ans pour mettre le cap sur le changement espéré ? Un pouvoir réellement démocratique doit s’assumer dans le sens de l’apaisement. Surtout après l’assassinat de Thomas Sankara.

Les dates et les symboles sont importants en ce qu’ils peuvent inspirer et guider les actions. Comme tant de valeurs qu’on rejette pourtant d’une chiquenaude. Mais, au nom de la démocratie, du respect du droit et de la différence, au nom des souffrances qu’endure ce peuple, ce genre d’opportunité ne doit-il pas inciter à réfléchir collectivement sur les erreurs et les succès, et travailler à conjuguer davantage les efforts pour gagner la bataille du développement ?

Sans doute le réveil sera-t-il douloureux pour tous. De moins en moins en effet, le Faso, à travers son peuple, accepte de servir d’autel du sacrifice au nom d’intérêts inavoués. Ne pas l’admettre, c’est s’exposer à des lendemains encore plus amers.

En sortirons-nous ? Possible, si l’on ose se regarder, se parler, trouver une voie consensuelle, la respecter et agir dans la cohésion retrouvée. Car il faut éviter de plonger ce pays dans l’abîme. L’exemple américain, où avec humilité le président se plie au respect des lois et s’en va après son deuxième mandat, peut inspirer. Le pouvoir ad vitam aeternam est source d’instabilité et de périls, aussi bien pour le Faso que pour Blaise Compaoré. Et ceux qui aiment sincèrement le chef de l’Etat qui, en vingt ans, n’a certainement pas démérité, doivent le lui faire comprendre et non lui mentir en permanence au nom de leurs propres intérêts et de leur carrière politique.

Le Pays

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