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15 octobre 1987 : Le déclic du retour à la démocratie

Publié le lundi 8 octobre 2007 à 13h04min

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"Le 15-Octobre a accouché des prémices de la démocratie et de son corollaire, la liberté, qui ont engendré le progrès que les personnes politiquement honnêtes saluent aujourd’hui.
Le fait même que cet événement se célébrera différemment et publiquement au Faso est révélateur de l’existence de la démocratie sans laquelle nous serions obligés de marcher en rangs serrés contre notre gré".

Telle est, en effet, la conviction de Joseph Kahoun, journaliste et ancien ministre de l’Information, qui s’invite au débat national sur les commémorations du 15-Octobre.

Le 15 octobre 2007, notre pays va célébrer le 20e anniversaire de l’avènement du Front populaire au pouvoir avec à sa tête le Président Blaise Compaoré. Comme semblent déjà l’annoncer certains écrits polémiques dans la presse de notre pays, cet anniversaire sera diversement « nommé » par les groupes politiques ou même les individus en fonction de l’idéologie à travers laquelle ils le lisent. Tandis que les uns voient la fin de l’expérience de la Révolution, les autres n’y voient que la mort de Thomas Sankara qui, s’il était là, pourrait sauvegarder cette option politique, dans un environnement où tout le monde réclame à l’unisson la liberté et la démocratie.

Certains, en revanche, privilégient dans cette commémoration l’amorce de l’ère nouvelle à partir de laquelle le pays a repris ses marques, en vue de renouer avec la démocratie au sens universel du terme. Comme le faisait remarquer récemment un « Ancien » au détour d’une conversation, « quelque chose comme le 15 octobre 1987 était prévisible ». En guise d’explication, il se résumait en insistant que « de tout temps et sous toutes les latitudes, le Voltaïque a pu s’accommoder à toutes les pénuries et privations, excepté celles de la liberté ». Or, concluait-il, « la Révolution nous a privé de bien des choses y compris la liberté ». Sans vouloir contester à quiconque le droit de lire cet événement à travers ses convictions, ce qui est indéniable, c’est l’importance du 15-Octobre comme élément déclencheur du Renouveau démocratique dans notre pays. En cela, ceux qui s’épargneront des gymnastiques intellectuelles pour parler simplement de la renaissance démocratique avec Blaise Compaoré n’auront nullement tort.

Ce choix, quelque subjectif qu’il puisse paraître, n’a rien de partisan. Il restitue, au regard de la tendance actuelle du monde et du visage politique de notre pays, une conformité certaine, avec la vérité. En effet, si la quête permanente de l’homme c’est le progrès et l’allègement de toutes les entraves qui constituent des obstacles à son épanouissement individuel et collectif, on peut affirmer que pour ces vingt dernières années, le Burkina Faso a fait un bond qualitatif dans ce sens.

C’est pourquoi, quelle que soit l’appellation ou l’idéologie à travers laquelle on voudra lire cet événement, il y a un dénominateur commun duquel nul ne saura se soustraire. On ne peut en effet occulter le fait que le 15-Octobre a accouché des prémices de la démocratie et de son corollaire, la liberté, qui ont engendré le progrès que les personnes politiquement honnêtes saluent aujourd’hui. Le fait même que cet événement se célébrera différemment et publiquement au Faso est révélateur de l’existence de la démocratie sans laquelle nous serions obligés de marcher en rangs serrés contre notre gré. Pourrait-on imaginer, par exemple en 1986, le RDA section du Burkina célébrer, le 18 octobre de cette année-là, le 40e anniversaire de sa naissance à Bamako sur les bords du Djoliba sans subir les foudres des révolutionnaires locaux que nous étions ?

Le courage de se remettre en question

Le Front populaire a été dans un premier temps le continuum de la révolution d’août. Sans renier l’héritage des quatre ans de la révolution, dont il a fait le bilan, il a assumé cette tranche de notre histoire avec ses acquis et ses insuffisances. Sa force a été de reconnaître qu’un régime si omniscient soit-il peut se tromper. Car, dans le feu de l’action, des détails, considérés comme tels, peuvent porter à terme préjudice à l’atteinte de l’objectif fondamental initialement fixé. Reconnaître qu’on s’est trompé, loin d’être une lâcheté, constitue au contraire une forme d’honnêteté et d’intelligence politique. Le refus de se remettre en cause est le propre des spécialistes de la fuite en avant qui, eux, ne s’arrêtent que lorsqu’ils se fracassent sur l’obstacle dont ils niaient l’existence.

Hommage doit être donc rendu aux artisans du 15 octobre 1987, qui ont compris que dans la conduite des affaires d’un Etat, la rigueur et la prévision doivent prendre le pas sur l’improvisation. Dans la conduite des affaires de l’Etat qui implique la vie de tant d’hommes et de femmes, il n’y a pas de honte à ôter ses sandales pour sentir la véritable température du sol, comme le ressentent ces citoyens pour lesquels on prétend battre le chemin afin qu’ils avancent.

Une telle démarche ne peut se concevoir sans un minimum d’humilité de la part des dirigeants. Malheureusement dans sa lancée, la Révolution, notre révolution, qui ne semblait être attentive qu’à son propre écho, a laissé sur le bord du chemin des pans entiers de citoyens qui, pourtant, revendiquaient à leur manière une forme active de participation. En reconnaissant cet état de fait et en le réparant par l’appel à tous les exclus à se joindre au mouvement de construction démocratique, les acteurs du 15-Octobre, avec à leur tête le Président Blaise Compaoré, ont fait preuve d’humilité qui traduit dans les faits que nul ne doit s’autoproclamer détenteur du monopole de la vérité.

Le traumatisme des citoyens

La révolution a opéré un choc positif sur les esprits. Ce n’est pas pour rien que certains révolutionnaires qui ont accepté d’emprunter la voie de la démocratie affirment parfois avec humour qu’ils conservent une part de CDR en eux. Une façon à eux de ne pas renier leur passé si désagréable fût-il.

Ce qui est important et incontestable, à moins de choisir librement de se mettre en marge du processus démocratique, c’est que nul ne peut opiner aujourd’hui qu’il est privé de liberté de dire son mot sur la gestion de la cité. La communalisation intégrale est là pour illustrer cette assertion. Elle est bien loin et révolue à jamais l’époque où les chefs coutumiers jugés incapables de prendre part à la marche de la démocratie étaient traités de tous les noms.

Egalement bien loin celle où des opérateurs économiques ayant bâti leur fortune à la sueur de leur front se retrouvaient du jour au lendemain jetés et humiliés dans un paquet de « commerçants véreux ». Et que dire de cette époque où des cadres formés à prix d’or, las d’un harcèlement excessif, choisissaient le chemin de l’exil ? Ils sont nombreux ces cadres, professeurs, journalistes, médecins, ingénieurs qui, excédés par les inquisitions, les insultes et les brimades, étaient allés monnayer leur savoir-faire ailleurs et qui, dès que le vent de la démocratie s’est annoncé, ont aussitôt repris le chemin de la patrie.

La révolution, si elle a pu incontestablement apporter quelque chose de positif à notre pays, a manqué de s’inscrire dans un esprit de management basé sur la persuasion. Ce faisant, elle a traumatisé bien des citoyens par des discours inutilement flamboyants et éloigné d’elle tous ceux qui, sans s’opposer à l’idée du progrès, ne pouvaient ou ne voulaient y adhérer sous l’emprise de la menace.

Ainsi, pour nous résumer, en mettant fin à l’expérience du 4 août 1983, le Font populaire a expurgé la révolution de son folklore et du clinquant inutiles, mais effroyables dont elle se parait, levé la chape de la peur qui pesait sur le peuple et rétabli les bases d’une démocratie véritable. Certes, rien n’est jamais parfait dans la conduite des Nations parce qu’elles sont faites d’hommes et de femmes ayant le droit d’exprimer leur opinion et ce, au regard de leurs intérêts individuels.

Mais ce qui ne fait l’ombre d’un doute aujourd’hui, c’est que vingt ans après l’amorce du processus démocratique dans notre pays, les choses sont allées en s’améliorant dans les domaines : des libertés individuelles et collectives, de la participation active d’un plus grand nombre de citoyens à la gestion des affaires du pays, de la possibilité des personnes à entreprendre librement.

Sans doute, comme peuvent le soutenir certains honnêtes gens, en particulier ceux qui n’en ont pas connu les affres, si la révolution n’avait pas été interrompue, le Burkina Faso serait un eldorado pour tous. Mais comme chacun le sait, avec des si, on peut construire le bonheur virtuel, mais pas de céréales vraies dans un mortier pour faire un repas. Aussi, laissons les illusions perdues là où elles sont et acceptons notre Burkina tel qu’il est, avec la volonté de le rendre meilleur chaque jour davantage.

Joseph Kahoun

L’Observateur Paalga

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