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Paul Sommerfeld (Harvest Help) : « Demander à l’Afrique d’ouvrir les frontières n’est pas acceptable »

Publié le jeudi 4 octobre 2007 à 08h18min

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Paul Sommerfeld

L’ONG britannique Harvest Help vient d’ouvrir, à Ouagadougou, sa représentation pour la région Afrique de l’Ouest. Le président de son conseil d’administration explique dans cette interview les raisons du choix du Burkina Faso pour abriter le siège régional et se prononce également sur les Accords de partenariat économique (APE) en discussion entre l’Union européenne et les pays ACP (Afrique-Caraïbes- Pacifique).

Sidwaya (S.) : Pouvez-vous vous présenter et nous dire qu’est-ce que c’est que Harvest Help ?

Paul Sommerfeld (P.S.) : Je m’appelle Paul Sommerfeld, président du conseil d’administration d’une ONG britannique dénommée Harvest Help qui a été créée il y a de cela une vingtaine d’années par un groupe d’amis. Nous sommes d’abord intervenus en Zambie.

Notre action consiste à faire de l’autopromotion. Nous voulons que les agriculteurs dans les zones rurales arrivent à prendre confiance en eux, en leurs capacités, en leurs aptitudes à prendre des décisions, aux possibilités qu’ils ont à assurer leur propre développement. Le deuxième pilier de notre action consise à expliquer aux agriculteurs qu’ils ont la possibilité de faire des choix, nous ne voulons pas qu’on leur impose des choses. Par exemple, il faut leur expliquer comment introduire le compost ou de nouvelles variétés de maïs plus productives sans les en imposer.

Aujourd’hui, ils sont dépendants de l’engrais qui coûte cher. C’est vrai qu’on peut améliorer sa production avec l’engrais, mais c’est coûteux. Il faut chaque année payer cet engrais et dans certains cas, chaque deux ans, il faut racheter les semences. Nous expliquons donc aux agriculteurs, qu’il y a d’autres variétés de maïs plus adaptées. On essaie de leur expliquer qu’ils peuvent aussi introduire d’autres cultures pour améliorer leur nutrition parce que manger toujours du maïs ou du sorgho n’est pas bien pour la santé. Ils peuvent planter des arbres fruitiers devant chez eux qui leur donneront de l’ombre et des fruits pour améliorer leur nutrition.

Mais là, il faut beaucoup de flexibilité. Nous encourageons donc les gens à l’auto-apprentissage entre agriculteurs de sorte que ce ne soit pas seulement nous, ONG internationales et nos partenaires qui leur enseignons ce qu’ils doivent faire. Ils doivent aussi apprendre entre eux c’est-à-dire qu’il faut des réunions entre agriculteurs pour des échanges. Il peut avoir des échanges entre agriculteurs de même village ou de villages différents ou de zones différentes. Il y a quelques jours, j’étais au Togo où nous avons des projets avec des agriculteurs de trois zones qui exploitent plus de dix kilomètres de superficie. Ils ont échangé sur des idées qu’ils ont pu tirer grâce à nos projets pour améliorer leur façon de faire.

S. : Mais comment est financée votre ONG ?

P.S. : Nous sommes légalement une ONG britannique. Nos donateurs sont des milliers de Britanniques qui estiment que par la voie de notre organisation, ils peuvent apporter un peu de soutien, un peu de solidarité à des frères d’Afrique. A travers nous, ils soutiennent l’agriculture et les paysans africains.

S. : Dans combien de pays intervenez-vous ?

P.S. : Nous sommes actuellement dans quatre pays : en Zambie, au Malawi, au Togo et au Ghana. Mais nous avons véritablement commencé nos activités en Zambie. Au Malawi nous avons de nombreux projets aussi. Il y a trois ans que nous intervenons au Nord du Togo à Dapaong et au Nord du Ghana à Bolgatanga. Nous avons repris au Ghana la charge de deux projets qui existaient et qui ont disparu.

S. : Quels sont les résultats auxquels vous êtes parvenus avec les paysans zambiens, un pays où vous êtes depuis plus de vingt ans maintenant ?

P. S. : Nous ne finançons pas des projets dans un village pendant une durée indéterminée. Nous permettons aux bénéficiaires de continuer à améliorer leurs conditions sans notre soutien. A Ipongo, au Nord-Ouest de Lusaka (la capitale de la Zambie), pendant six ans nous avons réussi un développement impressionnant. Dans chaque petit village, il y a aujourd’hui des clubs d’agriculture, des rencontres d’échanges entre agriculteurs, des foires agricoles organisées par les paysans. Il y a eu une remarquable organisation des paysans. La sécurité alimentaire est aujourd’hui assurée dans cette zone et même pendant les périodes de sécheresse, ils ont de la bonne nourriture tous les jours. Or, une bonne partie des paysans africains ont des difficultés à avoir à manger deux ou trois mois avant le début de la prochaine saison. Ils éprouvent des difficultés à avoir de la nourriture de l’année dernière qui reste. C’est là que nous nous sommes rendus compte que nous avons fait évoluer les choses, puisqu’à Ipongo, ils ont maintenant à manger à n’importe quelle période de l’année.

S. : Comment expliquez-vous votre choix d’installer votre représentation de l’Afrique de l’Ouest au Burkina, où vous ne menez pas encore d’activités ?

P.S. : Nous sommes arrivés au Burkina Faso parce que Dapaong et Bolgatanga sont proches du Burkina. Par ailleurs, depuis l’année dernière, nous essayons d’avoir un programme plus large pour l’Afrique de l’Ouest. Après nos recherches, nous nous sommes dit que Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso est le bon endroit parce que géographiquement, elle est plus proche de nos zones d’intervention par rapport aux capitales du Ghana et du Togo, deux pays dans lesquels nous intervenons déjà. Mais le plus important c’est que nous avons compris qu’il y a ici un accueil plus favorable des ONGs et qu’il y a beaucoup de partenariats possibles avec les organisations paysannes locales.

Au Burkina, il n’ya pas mal d’organisations paysannes avec lesquelles nous pouvons travailler parce que nous, en tant qu’ ONG, nous n’allons pas directement en contact avec les agriculteurs, nous agissons par le biais de leurs associations. Nous avons compris que ces organisations paysannes aimeraient bien travailler avec nous. Nous avons donc recruté un burkinabè, M. Amidou Kaboré pour diriger notre bureau régional. Il a déjà lancé un appel pour que les organisations paysannes qui veulent travailler avec nous et qui respectent les critères se signalent. Nous allons prendre quatre ou cinq associations auxquelles nous allons apporter un peu d’aide, pas beaucoup d’argent la première année. Nous allons pour cette phase pilote travailler ainsi en attendant de mieux nous connaître.

S. : Avez-vous défini des zones particulières dans lesquelles vous allez intervenir ?

P. S. : C’est vrai que j’ai eu une rencontre avec d’autres ONGs et on nous a dit qu’ici il y a des zones particulières où les ONGs ont le plus tendance à s’installer. Mais pour nous, si nous pouvons nous installer ailleurs, c’est mieux. Je me dis que les populations des autres zones ont aussi besoin de l’aide mais qu’il leur manque des ONGs pour cela. Par ailleurs, l’expérience que nous avons avec les autres pays montre que les organisations communautaires embrassent beaucoup de domaines :l’éducation, l’agriculture, la santé, l’environnement mais nous, la partie que nous appuyons c’est l’agriculture. Nous aidons à développer le secteur agricole avec les paysans à la base. C’est difficile, mais nous essayons d’appuyer les personnes les plus démunies mais qui ont quand même encore de l’énergie pour travailler et améliorer leur situation.

S :Quelles conditions faut-il remplir pour bénéficier du soutien de Harvest Help ?

P.S. : Nous avons lancé le 20 août dernier un appel à candidature. Les associations communautaires ou paysannes qui sont intéressées doivent nous soumettre des projets pertinents dont la réalisation aura un impact positif sur la vie des populations bénéficiaires. Il faudrait que lors de l’évaluation, on puisse voir les effets de ces investissements. Nous souhaitons que le choix de leurs zones d’intervention soit aussi pertinent et que les structures démontrent leurs capacités à bien gérer les financements qui seront mis à leurs dispositions.

S. : Harvest Help intervient-il seulement dans les pays du Sud ?

P.S. : Nous intervenons aussi en Angleterre pour l’éducation des jeunes. Nous avons là-bas, une association qui a pour but l’éducation et le développement des écoles dans la zone de la région britannique où se trouve notre siège social. C’est précisement à Telford dans les West midlands à la frontière entre l’Angleterre et le Pays de Galles.

S. : Vous parlez de soutien à l’agriculture africaine. Pendant ce temps, on parle d’Accords de partenariat économique où les agriculteurs africains sont censés à terme concurrencer d’égal à égal avec leurs homologues européens. Pensez-vous au regard de ce que vous vivez sur le terrain que cela est possible dans un futur proche ?

P.S. : En Angleterre, nous faisons beaucoup d’efforts auprès de notre gouvernement pour lui dire que le commerce est aussi une question de justice. Demander à l’Afrique d’ouvrir les frontières pour simplement faire du commerce n’est pas une bonne chose, ce n’est pas acceptable. Je dois avouer aujourd’hui que notre gouvernement avec le Premier ministre Gordon Brown et son prédécesseur Tony Blair ont demandé à leurs homologues européens de suivre une politique plus juste. Nous insistons surtout auprès de notre ministère de la Coopération afin qu’il octroie beaucoup plus d’argent aux paysans agricoles qu’aux agents commerciaux. La tendance de ces ministères est de financer de gros projets pour le développement des produits commerciaux. Or, 60% des Africains sont des agriculteurs qui vivent de produits de terres très pauvres. Nous insistons pour que notre gouvernement mette un peu plus d’accent sur l’agriculture pour toucher les plus pauvres.

Interview réalisée par Romaric Ollo HIEN

Sidwaya

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