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Premières journées parlementaires de l’ADJ : En finir avec les atteintes contre les acquis démocratiques

Publié le mercredi 3 octobre 2007 à 08h24min

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Les premières journées parlementaires de l’année 2007 du groupe parlementaire Alternance, démocratie et justice (ADJ) se sont tenues les 29 et 30 septembre 2007 à Ouagadougou. Les réformes institutionnelles et politiques au Burkina Faso ont constitué le plat de résistance de ces assises.

Entre autres recommandations et motions, les députés de la "véritable opposition" en appellent à une unité d’action stratégique de l’opposition, exigent la désignation du chef de file de l’opposition et l’indépendance de la justice pour l’évacuation des dossiers pendants.

« Le thème de ces journées : Les réformes institutionnelles et politiques : état des lieux, revêt un caractère essentiel pour notre peuple et pour la véritable opposition qui se trouve à la croisée des chemins, dans son combat pour l’instauration d’une véritable démocratie dans notre pays (...) dans un climat marqué au plan national, par de grandes interrogations et inquiétudes du fait de la paupérisation progressive du pouvoir d’achat des ménages et des constantes atteintes perpétrées contre les acquis démocratiques, par le pouvoir de la 4e République, désireux de reprendre ce qu’il a concédé sous la pression de la rue ». C’est en ces termes que le président du groupe parlementaire Alternance, démocratie et justice (ADJ), Me Bénéwendé Stanislas Sankara, a planté le décor des journées parlementaires dudit groupe, le samedi 29 septembre 2007 à Ouagadougou.

C’est un tableau des plus sombres de la situation du Burkina Faso que Me Sankara a peint à cette occasion, avec, entre autres reliefs, « les pompeux et sournois qualificatifs de faiseur de paix ou de réconciliateur, affublés au président Blaise Compaoré », qui ne sont que l’arbre qui cache difficilement une féroce forêt de « rancoeurs et ressentiments restés vivaces dans les cœurs et qui peuvent avoir des conséquences dommageables s’ils ne sont pas conjurés ». Avec tout cela, ajouté à l’unilatéralisme des puissances impérialistes, le diktat des institutions de Bretton Woods et la montée vertigineuse des prix des produits de première nécessité, à l’opposé de ceux des produits de rente qui sont en chute libre dans les abysses, il devient tautologique, selon Me Sankara, de dire que les conditions de vie du peuple sont devenues une véritable galère.

Le symbole d’un plein attachement à la démocratie

Au-delà du souci de s’acquitter d’un devoir réglementaire, la tenue de ces assises sur un tel thème se présente, de l’avis de celui qui tenait le crachoir en ce samedi matin, comme une opportunité de tirer la sonnette d’alarme, d’appeler le peuple à avoir foi à la lutte, l’opposition à se ressaisir. C’est aussi, a-t-il dit, « un symbole de notre plein attachement à la démocratie et de notre souci de sauvegarder les quelques acquis arrachés par notre peuple au prix du précieux sang de ses fils ».

Cela surtout que, usé par la « monarchisation, le manque d’alternance, et devenu insensible à la misère des populations dont il ne peut satisfaire les besoins primaires, le pouvoir est en train de revenir à ses anciennes amours résumées au « Tuk guili » qui, du reste est antinomique à la démocratie", a-t-il martelé. « Le tripatouillage de la Constitution ; l’insécurité généralisée ; l’inféodation systématique de tous les leaders d’opinion ; les détournements et la corruption à grande échelle ; l’instrumentalisation du peuple à travers amis, tanties, oncles et autres cousins de Blaise Compaoré ; la circulation de fiches de recensement des militants dans les services, avec toute la hantise que cela peut comporter sur les fonctionnaires qui ont l’outrecuidance de résister, ne sont , de l’avis du patron de l’ADJ, ni plus ni moins, que les marques d’un retour stratégique au « parti-Etat » tel que pratiqué dans les années 60.

Avec autant de tares, il n’est plus étonnant, pour lui, qu’avec le « spectral projet de progrès continu pour une société d’espérance », le Burkina Faso demeure selon tous les rapports officiels, un pays corrompu qui traîne dans les méandres des classements des nations du monde. Malgré tout, les responsables du groupe parlementaire ADJ se disent loin de céder au désespoir, encore moins à la fatalité. Ils disent croire fermement à la lutte ensemble et à la capacité de sursaut du peuple burkinabè dans toutes ses composantes. C’est pourquoi ils ont choisi de dresser, à travers le choix de ce thème, le bilan des diverses réformes et envisager des perspectives sereines pour le peuple. Ils ont aussi pris l’engagement d’organiser « des formations politiques à l’endroit des militants pour les préparer à peser de tout leur poids en vue des réformes à même de sauver le pays tant malmené du naufrage collectif auquel on le destine ».

Donner de la main droite et récupérer des deux mains

Pour disséquer le thème de leurs journées, ils ont fait appel à deux éminences grises de l’Université de Ouagadougou. Il s’agit des professeurs Luc Marius Ibriga et Augustin Loada, deux hommes dont Me Sankara et ses pairs n’ont pas manqué de saluer « la probité intellectuelle et le courage ». Empruntant cette citation chère à Victor Hugo, qui dit que « toute constitution est faite pour être violée », Marius Ibriga a exhorté les dirigeants de l’opposition à plus de ténacité pour faire barrière aux tortures intempestives de la loi fondamentale. Selon lui, le pouvoir sera toujours tenté d’opérer des changements qui l’arrangent ; c’est ainsi que ce qui peut être concédé par la main droite sous la pression peut être récupéré plus tard des deux mains.

Pour Ibriga, c’est à l’opposition de se donner les moyens de l’en empêcher. En outre, beaucoup de défaillances existent dans la Constitution, qui rendent impérieuse sa révision, aux yeux de M. Ibriga. Parmi celles-ci, le système de gouvernement qui n’est ni présidentiel, ni parlementaire, donc hybride, et qui rend le président irresponsable, quand bien même c’est lui qui détient toutes les prérogatives et tous les leviers de l’action gouvernementale. Autres aspects institutionnels relevés par le professeur Ibriga, le mode de nommination des membres du conseil constitutionnel, le nomadisme politique, la non constitutionnalisation de l’opposition, etc. Les lois portant révision de la constitution, le statut de l’opposition, la loi portant sur les pétitions, sont autant d’autres textes à revoir, selon Ibriga.

La tactique militaire de Blaise Compaoré

L’iniquité de la compétition électorale, où "certains sont partis avant même que le coup d’envoi ne soit donné" ; la nécessité de transformer les lettres de mission des ministres de la Justice qui semblent, à ses yeux, instruits pour s’asseoir sur les dossiers pendants, sont autant d’aspects abordés par Augustin Loada. Il a exhorté les partis d’opposition qui paraissent trop candides par rapport aux valeurs véhiculées par les autres acteurs, à plus de pugnacité. Et Loada de rappeler que Blaise Compaoré avait expliqué sa réussite par le fait qu’il a toujours abordé les questions politiques en militaire.

Aussi, il pense que quand bien même elle est minoritaire, l’opposition ne doit pas laisser trop de boulevard au parti au pouvoir. Elle ne doit pas déserter la bataille de l’opinion qui, selon lui, compte énormément dans le jeu politique. En cela, il évoquera l’exemple du député Mahama Sawadogo, "qui, même quand il n’a rien à dire, écrit toujours", histoire d’occuper l’espace. "Dans ce pays, on ne fait des réformes que si ça arrange", a-t-il indiqué. En somme, c’est un véritable cours de sociologie politique que les députés de l’ADJ ont reçu du professeur. Autre sujet d’importance abordé par Loada, le dossier Norbert Zongo. Selon lui, cela fera 10 ans bientôt qu’il est pendant, et il faut veiller à ce qu’il ne soit rangé définitivement par sa prescription.

Par Ladji BAMA

Le Pays

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