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Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Gustave Sorgho

De nombreuses personnes le connaissent sous le nom de "Tonton Gaoussou", l’oncle violeur de l’actrice principale de la série télévisuelle "Ina" de la réalisatrice Valérie Kaboré. Gustave Sorgho, à l’état civil, est un des comédiens expérimentés de notre pays, pour ne pas dire l’unique, qu’on peut qualifier de fils spirituel du doyen des cinéastes, Sembène Ousmane ; lequel nous a d’ailleurs tiré sa révérence cette année.

Vous le constaterez, nous avons réalisé, à travers le riche entretien qui suit, le film de sa carrière et de sa vie avec ce dernier dont l’œuvre "Camp de Thiaroye" a, au passage, contribué à faire voler en éclats le couple du jeune comédien à l’époque. No comment ! Jugez-en vous-même.

Cela fait très longtemps que tu es comédien. Que peut-on retenir du parcours de Gustave ?

• Il faut dire que cela remonte à ma plus tendre enfance parce que j’aimais bien les récitations, les chants et la lecture. En plus, j’avais une voix tonitruante. Après le théâtre, je suis arrivé au cinéma vers les années 77-78 avec le tout premier long métrage, "Le courage des autres". J’ai été plusieurs fois membre du jury du GPNAL (Grand prix national des arts et des lettres) à la Semaine nationale de la culture (SNC). Je suis aussi membre du Carrefour international du théâtre de Ouagadougou (CITO). Je reste toujours sur les planches car, quand on y a goûté, c’est difficile de s’en défaire.

En dehors de "Courage des autres", tu as laissé ton empreinte dans de nombreux films et séries télé. Est-ce qu’on peut avoir une idée de ces œuvres ?

• J’ai joué dans de nombreux longs et courts métrages. J’ai eu la chance de me produire à l’extérieur du Burkina, notamment au Togo où j’ai évolué avec Sembène Ousmane. J’ai fait aussi "Comment ça va ?" avec Léonard Grogué en Côte d’Ivoire. Toutes les occasions de prendre des vacances me permettent de travailler avec un groupe, même si c’est uniquement pour être derrière l’écran ou être conseiller. J’ai sillonné quand même la sous-région.

Quels sont les films qui t’ont davantage marqué ?

• Au Burkina Faso, le tout premier film qui m’a marqué, c’est bien le "Courage des autres" parce qu’il traite de l’esclavage. On m’a fait jouer pas mal de rôles militaires, fonction que j’ai toujours refutée depuis ma tendre enfance. J’ai même refusé de faire le PMK (Prytanée militaire du Kadiogo) à l’époque parce que je n’aimais pas la tenue. Le film d’Adama Rouamba a été un déclic pour moi, certains ont trouvé que j’avais "la gueule" pour être un bon militaire. "Camp de Thiaroye" est aussi un film qui a tous les attraits pour accrocher un comédien. Nous avons mis au moins cinq mois pour le tourner. A cet effet, on a été formé militairement, et étant fils d’un ancien combattant qui a fait Dakar, donc Thiaroye, j’ai eu ma maman qui m’a expliqué exactement ce qui s’était passé. Ce film m’a vraiment marqué et, en plus, c’est une réalisation d’un timonier, je dirais d’un baobab de l’Afrique, Sembène Ousmane, qu’on ne présente plus.
C’était vraiment un honneur pour moi.

J’ai joué aussi dans des séries télévisuelles. Je prends par exemple "Quand les éléphants se battent" d’Abdoulaye Dao où j’étais doyen du barreau (rires). Le plus grand rôle théâtral qui m’a marqué, c’est "L’étudiant de Soweto". On a fait une tournée sous-régionale. A l’époque, il y avait la bataille contre l’apartheid, donc le sujet était d’actualité. On avait la chance d’avoir des comédiens émérites comme Nouhoun Ouattara et un cadre somptueux pour évoluer. La pièce théâtrale "La lettre d’Ipenga" qu’on a jouée au Centre culturel français m’a aussi beaucoup touché. Il y a par ailleurs "L’espoir des morts vivants", une pièce qui parle des lépreux de Port Harcourt, au Nigeria. Disons grosso modo que j’ai été bercé par le théâtre radiophonique de RFI. D’ailleurs, j’ai ma fille qui porte le nom de Arlette Toma, car j’ai été marqué par ce personnage. Pour en revenir au cinéma, je ne me focalise pas sur les rôles que je joue. C’est des rôles marquants pour un bout de temps, mais il faut savoir se départir de cela. J’ai la chance de pouvoir m’adapter à toutes les situations. Donc je ne m’accroche pas au personnage.

Peut-on dire que le comédien que tu es tue son personnage juste après la sortie du film ?

• Même avant la sortie du film. Lorsque je finis de tourner et qu’on dit "couper-rouler", je coupe en même temps le personnage. Il faut savoir faire la part des choses entre la vie d’un comédien et celle qu’il joue par rapport à un rôle. Tout de suite, vous avez un rôle qui peut être magnifique et, juste après, vous pouvez avoir un autre rôle qui, au niveau de la société, est mal vu. Et si vous n’y prenez garde, si vous ne faites pas la part des choses, vous pouvez coller à ce personnage et cela peut vous perturber dans votre vie.

Tu as joué le rôle de "l’Oncle violeur" dans la série "Ina" et, à la sortie du film, c’est "Ina" qui tombe dans tes bras. Il fallait être un comédien comme Gustave pour montrer au public que c’était du cinéma. Comment tu t’y prends ? •

Chaque rôle a ses appréhensions. Lorsqu’on m’a attribué ce rôle, j’ai eu des appréhensions, non pas parce que je ne voulais pas jouer ou non plus à cause des "on dit", mais je ne savais pas, par rapport à la partenaire que j’allais avoir, comment la mettre en confiance pour pouvoir jouer le rôle. Car n’est pas violeur qui veut. Au bout du compte, quand on a fini de tourner, je vois Ina qui tombe dans mes bras. C’est un soulagement de savoir que j’ai pu me transcender pour savoir que Gustave reste Gustave et Tonton Gaoussou reste Tonton Gaoussou. Il y a à peine deux mois, la même Ina a fait un témoignage en disant que quand elle m’a vu pour le tournage, avec "la gueule" que j’avais (parce qu’on m’avait dit de laisser la barbe hirsute), elle était inquiète. Elle a osé dire que, dans sa vie, elle avait eu par là un viol magnifique ; vous comprenez, cela ne peut être qu’une satisfaction pour un comédien qui a ça en retour. C’est pour vous dire que, concernant les différents rôles qu’on joue, après eux, la vie continue. Le dernier film dans lequel j’ai joué, j’avais le rôle de premier ministre. Je ne peux pas me mettre cela dans la tête pour rencontrer le Premier ministre et lui dire "Ah, cher collègue !" (rires).

Revenons à "Camp de Thiaroye" qui c’est un film très engagé ; comment Gustave a été approché et quelles ont été les conditions ?

• A l’époque, il n’y avait pas de conditions, c’était sous la révolution. Tonton Sembène est venu et il m’a dit qu’il voulait, parmi les comédiens, un qui a des balafres. Je les ai tous réunis, je n’ai pas cherché à savoir qui est balafré et qui ne l’est pas. Ils se sont rencontrés, ils ont discuté, puis il est reparti sans rien dire. Un beau jour, je reçois un fax de mon directeur général, qui était Rock Marc Christian Kaboré. Il me dit "Tu dois te rendre dimanche à Dakar pour le film de Sembène Ousmane". Je vous dis, jusqu’à dimanche à 10 heures, je n’étais pas encore sûr d’y aller parce que je n’avais même pas de billet d’avion. Quelqu’un m’appelle entre-temps d’Air-Afrique, me dit que j’avais un billet d’avion et qu’on devait décoller à 11 h 15 mn. J’ai eu tout juste le temps de mettre 3 chemises dans une valise et je suis parti.

Je suis arrivé manu militari à Dakar. Sembène m’attendait à l’aéroport et m’a dit ceci "Si je suis parti de la Présidence, c’est pour être sûr que tu allais venir". Pendant la révolution, c’était le patriotisme qui prévalait ; ceci dit, je suis parti sans avoir signé un contrat, je ne savais pas à quelle sauce j’allais être mangé en allant pour le tournage. Avec le scénario du départ, j’avais pour 3 ou 4 semaines de jeu et un mois de mise en train. Face à la prestation que j’ai eue à donner, Sembène a changé le rôle du caporal Ouédraogo. Au lieu d’être tué tout juste avant, je suis devenu celui qui devait enterrer les autres. Je suis donc resté près de 5 mois à Dakar et il fallait faire constamment un rapport à la présidence, parce que j’étais plus ou moins en mission.

Par rapport à mes camarades gabonais, ivoiriens, français, j’avais le cachet le moins disant. Je me suis rendu compte que les autres avaient entre 3,5 millions et 10 millions de francs et moi j’étais toujours entre 2 millions et 2,5 millions maximum. Nous étions sous la révolution et il fallait être sobre. Mes dépenses tournaient autour de 475 000 Fcfa alors que le Gabonais par exemple était à 9 millions. Cela faisait l’affaire de Sembène parce qu’il trouvait que j’étais très rangé. Je savais à quelle sauce j’allais être mangé si je faisais des extra.

Après le tournage, les billets qu’on avait, c’étaient des billets free-Air-Afrique qui, au bout de 3 mois, devenaient caduques. J’ai alors débarqué à Abidjan pour pouvoir notifier les numéros des tickets des autres camarades pour qu’ils puissent se faire une dérogation. Au cours de mon séjour à Abidjan, j’ai eu la chance de travailler avec Léonard Grogué. J’ai été par la suite cambriolé. Pour arriver à Ouagadougou, j’ai encore eu la chance car il y avait des cyclistes burkinabè qui revenaient de l’Afrique australe ; il y avait de la place pour moi et j’en ai profité. J’ai "atterri" à l’aéroport de Ouagadougou avec la modique somme de 375 CFA en poche. Lorsque je suis rentré, après 5 mois de suite sans salaire, j’avais des impayés d’eau, d’électricité et de téléphone. J’ai fait mon rapport à la présidence mais jusque-là, je ne suis pas entré en possession de mes sous.

Comment as-tu pu régler tes problèmes à l’époque ?

Comme je vous l’ai déjà dit, j’avais l’actuel président de l’Assemblée nationale comme directeur. Il a été compréhensif car je ne pense pas qu’on puisse faire trois mois d’affilée hors d’un service privé, sans recevoir sa lettre de licenciement. Or, moi, je suis resté toujours dans mon service. Le directeur de l’époque m’a vraiment supporté ainsi que mes collègues. On a même fait des aménagements sur mon crédit pour me permettre de vivre. Parallèlement à cela, j’ai eu des problèmes de famille. Vous savez, quand vous laissez une famille pendant un bout de temps, ce n’est pas évident. Mais tout cela ne m’a pas affaibli parce que j’ai confiance en l’art et je crois que c’est cette force-là qui m’a aidé à supporter tout. Il y a des moments où vous pouvez être pratiquement au bas de l’échelle, mais la foi que vous avez dans le métier de comédien vous permet de dépasser certains aspects matériels et autres.

Parlant de "Camp Thiaroye", on sait qu’il y a une base française à Dakar. Quelle était l’ambiance lors du tournage ?

• (Rires). C’était vraiment un autre camp de Thiaroye. Sembène a repris l’écriture de "Camp de Thiaroye". Initialement, il y avait un écrit sur lequel tous les accords étaient ficelés et cette face-là faisait la part belle à la France. Sembène a repris le scénario pour vraiment fixer ce qui s’était passé et les Français ont vu que cela allait être une bavure de leur part si ce film sortait. Donc, tous les avantages qui étaient accordés au départ au film ont été refusés. Ils (les Français) ont tenté à plusieurs reprises de nous intimider.

Pendant qu’on faisait nos répétitions sur le site, l’armée française y faisait souvent des incursions : ou c’est une colonne qui défilait ou ce sont des hélicoptères ou bien c’était des tanks. Sembène a même eu un accident à cette époque et on peut même dire que ç’a plus ou moins été téléguidé. Les comédiens français qui ont joué dans le film n’ont pas été eux aussi épargnés, ils ont été souvent piégés. Par exemple, dans le film, le capitaine qui revenait avec le groupe de tirailleurs en a été victime une nuit. En rentrant dans son hôtel, il a vu une demoiselle qui marchait seule. Il a échangé avec elle et elle lui a dit qu’elle était sans logis. Il lui a alors proposé de venir à l’hôtel et qu’il allait payer une chambre pour elle.

De fil en aiguille, ils se sont retrouvés ensemble, puis il a bougé. C’est en ce moment que la demoiselle a crié au secours. Tenez-vous bien ! Au lieu que ce soit la gendarmerie ou la police sénégalaise, ce sont les gendarmes français qui sont venus l’embarquer. Il a fallu l’intervention de Djibo Léiti Ka qui était à l’époque ministre de la Culture du Sénégal, pour que tout cela s’arrête. Mais Sembène était toujours resté serein face à ces intimidations, il savait que cela était fait pour empêcher la finition du film. La preuve, il (film) n’a jamais été à l’affiche dans une grande salle en France.

Par contre, cela l’a été avec "Indigènes" de Rachid Bouchareb dans lequel, à la limite, les tirailleurs noirs sénégalais n’ont pas été de cette campagne. Je n’ai pas été témoin, mais je suis persuadé qu’en Afrique blanche, les tirailleurs sénégalais ont donné de leur sang, de leur vie pour la libération de l’Algérie. Bref ! "Camp de Thiaroye" s’est fait quand même avec tous les aléas et vous avez vu le produit ; je crois que ça ne souffre pas de débat.

Lors du dernier FESPACO, Sembène n’a pu être présent pour raisons de maladie. Il semble que, malgré son absence, il t’appelait régulièrement pour savoir comment les choses se déroulaient du côté de Ouaga. Est-ce vrai et qu’est-ce qui lui tenait à cœur ?

• Sembène a dit que "nous avons créé le FESPACO et, aujourd’hui, c’est le FESPACO qui nous porte". Je crois qu’il était physiquement absent au dernier FESPACO, mais présent, (silence) je dirais, spirituellement. Effectivement, un jour on était à la place des Cinéastes pour la cérémonie de libation et mon téléphone a sonné. C’était Sembène ; j’ai décroché, j’ai dit "Oui tonton ! Qu’est-ce qu’il y a pour vous ?" Il m’a demandé où j’étais. A la place des Cinéastes, ai-je répondu. Il m’a demandé la personne qui était en train de parler, j’ai dit que c’était Mensah et je lui ai expliqué tout ce qui se passait. C’était pareil pour le spectacle de clôture au stade Municipal. Dans sa voix, on sentait quelqu’un qui voulait toujours suivre, porter "l’enfant" qu’il a vu naître.

Avant le Fespaco, Sembène avait rassuré le directeur général de sa présence. Moi je savais qu’il n’allait pas venir, mais je ne pouvais rien dire. Depuis Décembre, je savais qu’il souffrait et que ça n’allait pas être facile pour lui de se déplacer. En plus, son médecin lui disait de ne pas beaucoup bouger. Son assistant, Delgado, m’a dit qu’il a fini le dernier scénario de la "Confrérie des rats", qu’il a trouvé la fin de son film en sortant de la salle d’opération. Suite aux insistances de Sembène, son assistant était obligé d’écrire la fin du film sur place, à l’hôpital. Delgado était à la fois content et triste parce qu’il savait que le "vieux" était condamné. Vous voyez, son corps ne répondait plus, mais l’esprit y était, sa cervelle travaillait. Sembène Ousmane est donc parti sans avoir pu réaliser sa trilogie. Après "Faat Kine", "Moolaadé", normalement c’était "La confrérie des rats". Il a laissé un monument de richesses. Il le disait, "si je ne fais pas Samory, quelqu’un d’autre le fera". Je sais que le scénario de Samory est fin prêt, il ne reste plus que les ressources et les hommes pour le réaliser.

Tu t’es renduà ses obsèques ; quelle était l’ambiance ?

• Quand on sait qu’on a un être assez proche, une personne chère qui est très malade, ce n’est pas facile de recevoir un coup de fil vers minuit vous annonçant qu’il est décédé et que l’on doit porter la nouvelle aux autres. Il faut dire que j’ai mis du temps pour encaisser le coup. C’est vers minuit et demie que j’ai commencé à contacter les personnes les plus proches de Sembène, celles auxquelles on me recommandait de faire la commission. Lorsque j’ai contacté le délégué général du Fespaco Baba Hama, Gaston Kaboré et certains cinéastes, ils m’ont rappelé le lendemain, vers 11 heures, pour me dire que je faisais partie de la délégation burkinabè qui devait se rendre à Dakar. C’était avec une vive émotion que j’ai accueilli cette nouvelle ; et puis, aller m’incliner sur la tombe de cet illustre disparu, c’était vraiment émouvant.

A l’aéroport de Dakar, la délégation burkinabè a été bien reçue dès que le personnel a su qu’elle venait pour les obsèques de Sembène. C’est après la mort que les gens ont une place en nous, si j’ose dire. A Dakar, son assistant, Clarence Delgado, me disait. "Mais ce vieux-là est décédé et il continue de me créer tous les problèmes possibles ; même pour avoir le certificat d’inhumation, c’était la croix et la bannière". Durant tout le cérémonial, jusqu’à sa dernière demeure, vous ne pouvez pas savoir l’atmosphère lourde de compassion, qui nous a tous animés. A mon retour, j’avais du mal à accepter que le "vieux" était parti, mais que voulez-vous ? On fait avec !

Alors je me contente de relire ses œuvres, de regarder ses films parce que, dans toutes ses réalisations, Sembène prenait un rôle. Si vous regardez, que ce soit dans "Camp de Thiaroye", "Faat Kine", vous allez voir une image furtive de lui. Par exemple, dans "Camp de Thiaroye" , il passe avec un casque, il se retourne et il regarde. Dans "Faat Kine", il est habillé en tenue traditionnelle d’Afrique du Sud, s’arrête et regarde les bonnes dames. Sembène a toujours dit "si tu es un artiste, un cinéaste, tu dois rester immortel". C’est un illustre personnage, un digne fils de l’Afrique. Il estimait toujours que l’Afrique est une et indivisible. Il appelait nos pays des provinces. Pour lui, l’Afrique est une et il en a été un combattant, un militant jusqu’à perdre son souffle.

Tu as autant d’informations à fournir aux générations futures ; mais, apparemment, tu te dérobes...

• Je ne me dérobe jamais. Comme aimait le dire Sembène, si tu dois parler, il faut parler pour les autres, parce qu’il ne faut pas le faire pour ne rien dire. Il faut que chaque parole qu’on dit puisse faire réfléchir. Lorsque j’étais assis avec lui, c’est dans le silence souvent que je sentais qu’il me transmettait certaines choses. Il est assis et fume tranquillement sa pipe. On dit le plus souvent en Afrique que quand tu es à côté des vieux, tu apprends, ne serait-ce que par la façon de te contenir, d’écouter, de parler. Si l’occasion se présente, je ne me dérobe pas, j’aime parler de Sembène car, pour en faire de lui, on mettra certainement des heures et des heures.

Tu gères une structure appeléé "CREDO" du côté de Ouaga 2000 qui travaille beaucoup dans l’audiovisuel et au profit des enfants. Comment s’y déroulent les activités ?

• Nous avons commencé en février, le bilan est mi-figue mi-raisin. Ça va quand même tout doucement. Nous sommes en train de confectionner une enseigne pour que les gens sachent que, du jeudi au samedi, il y a des séances de projection de films du côté de Ouaga 2000. Quand on prononce le nom Ouaga 2000, certains ont l’impression que nous sommes à l’orée d’un quartier inaccessible, ils n’ont pas encore l’habitude d’aller au cinéma de ce côté-là. Nous sommes en train aussi d’élaborer une stratégie de communication et d’acquérir un certain nombre de matériels pour être beaucoup plus performants.

De même, on voudrait avoir des partenaires comme le ciné Neerwaya pour pouvoir faire sortir des films éducatifs et qui passeraient dans les deux salles. Nous sommes orientés vers tout ce qui a trait à l’enfance, un peu la religion ; on le fait pour le commun des Burkinabè, pour que chacun puisse avoir une certaine éducation, une certaine voie à suivre pour le bien de notre société. Le fondateur est assez regardant, assez rigoureux sur ce que nous faisons. Mais nous ne faisons pas trop de bruits.

Quelle est ta situation matrimoniale ?

• (Petite hésitation). Je suis divorcé et père de 3 enfants. C’est une situation qu’a occasionnée "Camp de Thiaroye". Comme je vous l’ai déjà dit, lorsque nous sommes revenus de Dakar, j’ai eu des problèmes de famille. La situation s’est gangrenée et tout est parti de là.

Est-ce à dire que la vie d’artiste a des conséquences négatives sur la vie familiale des comédiens ?

• Vous savez, un artiste reste un artiste ; et puis, il y a des hauts et des bas. Ce n’est pas parce que je suis un artiste que mon foyer n’a pas marché. Non ! Moi, on m’a connu en tant qu’artiste ; si mon foyer n’a pas marché, ça n’a pas marché c’est tout... Je n’en fais pas un cas général. Je reste ce que je suis, un citoyen lambda, avec tout ce qu’il y a de bon et de mauvais. De toute façon, si c’était à refaire, ma vie d’artiste, je m’y investirai beaucoup plus. J’ai fait au moins 20 ans de service informatique (je suis agent de banque à la BIB) et, aujourd’hui, je suis au bord de la retraite même si ce n’est pas encore l’âge.

Qu’est-ce qui reste encore sur le cœur de Gustave Sorgho ?

• Je vais demander aux uns et aux autres d’être humbles. Le métier d’artiste demande beaucoup d’humilité et de partage. On a des grands frères, des cinéastes, des comédiens qui s’investissent et je crois qu’il faut savoir raison garder en toute chose, taire nos rancœurs pour le bien de ce métier. Que ce soit les comédiens ou les cinéastes, il faut savoir aller de l’avant, porter haut le flambeau de l’art. Actuellement, nous sommes en train de chercher des voies et moyens pour élaborer le statut de l’artiste. Nous avons la chance d’avoir un ministre qui est du milieu, je pense qu’il s’y investit déjà. Je souhaiterais que les anciens comme les jeunes sachent que, dans le métier, l’union fait la force. Il faut savoir unir nos deux mains pour ramasser la farine qui va faire le gâteau pour nous tous. Il ne faut pas baisser les bras, il faut persévérer, persévérer et toujours persévérer.

Cyr Payim Ouédraogo Simplice Hien (Stagiaire)

L’Observateur Paalga

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